Gestion des mortalités en aquaculture
Consultez un guide technique sur la collecte, la manipulation et l’élimination des poissons morts dans les exploitations aquicoles.
Introduction
La gestion efficace des mortalités en aquaculture est essentielle pour assurer la santé des poissons, le bien-être des animaux et la viabilité économique de l’exploitation. Les mortalités font partie intégrante de toute exploitation piscicole, mais la bonne gestion de ces mortalités peut faire la différence entre un système d’aquaculture florissant et un système défaillant. La présente fiche technique aborde l’importance et les avantages d’une bonne gestion des mortalités, les conséquences d’une mauvaise gestion des mortalités, les stratégies pratiques de gestion des mortalités et la gestion des déchets.
Avantages d’une bonne gestion des mortalités
L’un des plus grands avantages de la gestion efficace des poissons morts est de prévenir de la propagation des maladies. Les poissons morts abritent souvent des agents pathogènes et des parasites qui, s’ils ne sont pas éliminés rapidement, peuvent provoquer d’importantes épidémies en infectant des poissons en bonne santé[1]. En retirant régulièrement et rapidement les poissons morts, les éleveurs peuvent prévenir la propagation des maladies et surveiller les signes précoces de maladie, de blessure, de difformité ou de malnutrition[1]. La détection précoce est essentielle pour freiner la progression de problèmes de santé pouvant avoir des effets dévastateurs au sein d’une unité d’élevage[1].
La bonne gestion des mortalités permet d’assurer le bien-être des poissons et la viabilité de l’exploitation[2]. Les poissons en bonne santé transforment les aliments en biomasse de façon efficace, ce qui se traduit par des taux de conversion alimentaire (TCA) plus faibles et maximise le rendement des investissements dans l’alimentation[2]. À l’inverse, les poissons en mauvaise santé afficheront des TCA élevés et un mauvais facteur de condition, ce qui aura des conséquences importantes sur la rentabilité de l’exploitation[2].
Le retrait régulier des poissons morts joue également un rôle crucial dans la gestion de l’exploitation. Les éleveurs qui suivent les mortalités de près ont une meilleure idée de leurs stocks de poissons, ce qui les aide à planifier leurs récoltes, à déterminer les quantités d’aliments requises, et à prédire la biomasse et la densité des poissons.
Conséquences d’une mauvaise gestion des mortalités
Négliger le retrait des poissons morts peut avoir des conséquences biologiques et financières. Les poissons en décomposition sont des lieux de reproduction pour les bactéries et les parasites, ce qui augmente le risque de propagation des maladies au sein des réservoirs ou des parcs en filet, et entre les réservoirs et parcs en filet[2]. Cela peut mener à des épisodes de mortalité massive catastrophiques d’un point de vue financier, non seulement en raison de la perte directe de poissons. Lorsque les poissons tombent malades ou sont stressés, les éleveurs peuvent subir une baisse de productivité et des pertes financières. Durant de telles périodes, les poissons ne mangent pas ou ne grandissent pas efficacement, gaspillent des aliments et peuvent nécessiter des soins coûteux[3].
Les poissons morts en décomposition dégradent la qualité de l’eau en augmentant la présence d’ammoniac et d’autres composés nocifs, ce qui augmente le stress chez les poissons, les rend plus susceptibles aux maladies, diminue la productivité et mène à un taux de mortalité plus élevé[4]. La présence de poissons morts dans une unité d’élevage peut également attirer des charognards et des parasites, ce qui accroît le stress des poissons et risque d’introduire d’autres maladies dans l’unité d’élevage[4]. D’un point de vue opérationnel, les poissons morts non retirés peuvent obstruer les drains de sortie, ce qui peut faire déborder les réservoirs et bloquer l’écoulement de l’eau dans les parcs en filet, contribuant ainsi à l’accumulation de déchets organiques. Lorsque de telles situations ne sont pas gérées correctement, elles peuvent entraîner une réduction du débit d’eau et compromettre la qualité de l’eau[4].
Stratégies et techniques de collecte des poissons morts
La surveillance quotidienne des mortalités, idéalement en début de matinée, permet de détecter et de retirer rapidement les poissons morts, d’évaluer ce qui s’est passé durant la nuit et de prendre des mesures immédiates, au besoin[5]. Il est essentiel de garder un registre des données sur les mortalités afin de surveiller les stocks et de compiler des données pouvant éclairer les décisions sur la gestion des maladies, les consultations vétérinaires, les pratiques d’alimentation et le rendement global de l’exploitation[5].
Pour assurer une gestion efficace des mortalités, il est important de prendre des mesures adéquates pour assurer la biosécurité[5], notamment la désinfection des outils de collecte après chaque utilisation et l’affectation d’outils dédiés à chaque réservoir ou parc à filets[5]. Vous trouverez des renseignements supplémentaires sur la biosécurité en aquaculture dans le cours Biosecurity for Aquaculture Producers du Réseau ontarien pour la santé animale.
Les outils de collecte des poissons morts diffèrent selon la taille de l’exploitation. Les petites exploitations utilisent parfois des épuisettes (figure 1), des salabardes à long manche, des grappins mécaniques et des siphons, tandis que les exploitations de plus grande envergure peuvent utiliser des systèmes automatisés de collecte des poissons morts, des plongeurs ou des pompes à poissons[5], [6]. Les pompes à poissons aspirent ou tirent les poissons morts hors de l’eau et réduisent la nécessité de manipuler les poissons[6]. Les systèmes automatisés sont particulièrement utiles pour maintenir une biosécurité constante, car ils permettent de limiter les contacts directs avec l’eau et les poissons, ce qui réduit le risque d’introduire des agents pathogènes ou de causer des dommages physiques à des poissons en bonne santé[6].
Dans certains cas, les poissons peuvent être blessés ou malades et il faut donc recourir à l’euthanasie sans cruauté. Le document Abattage, euthanasie et dépeuplement sans cruauté en salmoniculture, rédigé par le gouvernement de l’Ontario et publié en ligne, fournit des lignes directrices sur l’euthanasie sans cruauté.
Gestion des déchets
Les poissons morts doivent être conservés dans un récipient étanche conservé dans un endroit froid et sombre jusqu’à ce qu’ils soient éliminés[5]. Il est préférable de congeler les carcasses afin de les préserver en vue de tests diagnostiques, de prévenir les odeurs et la transmission des maladies, et d’éviter d’attirer les charognards[5]. Afin de maintenir une bonne biosécurité et de respecter la réglementation environnementale, il est essentiel d’éliminer les poissons morts correctement. Vous trouverez des lignes directrices sur la gestion des animaux morts en Ontario dans la fiche d’information Deadstock Disposal Fact Sheet, sur le site Web du Réseau ontarien pour la santé animale.
Conclusion
La bonne gestion des mortalités est cruciale pour assurer la santé des poissons, ainsi que la productivité et la viabilité des exploitations piscicoles. La gestion régulière et stratégique des mortalités offre des avantages mesurables allant de la prévention des épidémies à l’optimisation des aliments utilisés et de la gestion des stocks. En comprenant et en mettant en œuvre les pratiques exemplaires, les exploitations piscicoles peuvent limiter les risques biologiques, assurer le bien-être des animaux et améliorer leur rentabilité.
Références
[1] Barker, D., Allan, G.L., Rowland, S.J., & Pickles, J.M. (2002). « A guide to acceptable procedures and practices for aquaculture and fisheries research ». Nouvelle-Galles du Sud : NSW Fisher.
[2] Davidson, J., Good, C., Barrows, F.T., Welsh, C., Kenney, P.B., & Summerfelt, S.T. (2013). « Comparing the effects of feeding a grain- or a fish meal-based diet on water quality, waste production, and rainbow trout Oncorhynchus mykiss performance within low exchange water recirculating aquaculture systems ». Aquacultural engineering, 52, 45–57.
[3] Zhang, K., Ye, Z., Qi, M., Cai, W., Saraiva, J.L., Wen, Y., Liu, G., Zhu, Z., Zhu, S., & Zhao, J. (2025). « Water quality impact on fish behavior: a review from an aquaculture perspective ». Reviews in Aquaculture, 17(1), e12985.
[4] Alatorre-Jácome, O., García-Trejo, F., RicoGarcía, E., & Soto-Zarazúa, G.M. (2011). Aquaculture water quality for small-scale producers. Aquaculture and the Environment — A Shared Destiny, 125–140.
[5] Delabbio, J., Murphy, B.R., Johnson, G.R., & McMullin, S.L. (2004). An assessment of biosecurity utilization in the recirculation sector of finfish aquaculture in the United States and Canada. Aquaculture, 242(1-4), 165–179.
[6] Cantillon, M., & Mjanger, M.U. (2023). Preliminary Design and Modeling of a System for Collecting Dead Fish in Offshore Aquaculture (thèse de baccalauréat, NTNU).
La présente fiche technique a été rédigée par Mackenzie Bédard, candidate à la maîtrise en sciences marines (aquaculture), adjointe à l’aquaculture, MAAAO, et révisée par Michael McQuire, spécialiste de l’aquaculture et de l’aquaponie, MAAAO. Merci à Alexandra Reid, vétérinaire principale, MAAAO, pour son apport.