Mandat de l’UES

L’Unité des enquêtes spéciales (« l’ UES » ou « l’Unité ») est un organisme civil d’application de la loi qui mène des enquêtes sur les incidents à l’origine de blessures graves, de décès ou d’allégations d’agressions sexuelles, dans lesquels des agents de police sont en cause. La compétence de l’Unité s’étend à plus de 50 corps de police municipaux, régionaux et provinciaux dans l’ensemble de l’Ontario.

En vertu de la Loi sur les services policiers, le directeur de l’ UES doit déterminer, d’après les preuves recueillies dans une enquête, si un agent a commis une infraction criminelle en rapport avec l’incident faisant l’objet de l’enquête. Si à la suite de l’enquête, il existe des motifs raisonnables de croire qu’une infraction a été commise, le directeur a le pouvoir de déposer un chef d’accusation à l’encontre de l’agent. Subsidiairement, s’il n’y a aucun motif raisonnable de croire qu’une infraction criminelle a été commise, le directeur ne dépose pas d’accusation, mais remet un rapport au procureur général pour l’informer des résultats de l’enquête.

Restrictions concernant la divulgation de renseignements

Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée (La « LAIPVP »)

En vertu de l’article 14 de la LAIPVP (article relatif à l’application de la loi), certains renseignements peuvent être omis du présent rapport, notamment s’il est raisonnable de s’attendre à ce que leur divulgation ait pour effet, selon le cas :

  • de révéler des techniques et procédés d’enquête confidentiels utilisés par des organismes chargés de l’exécution de la loi;
  • de faire obstacle à une question qui concerne l’exécution de la loi ou à une enquête menée préalablement à une instance judiciaire.

En vertu de l’article 21 de la LAIPVP (article relatif à la vie privée), le présent rapport ne contient aucun renseignement personnel protégé, notamment :

  • le nom de tout agent impliqué
  • le nom de tout agent témoin
  • le nom de tout témoin civil
  • les renseignements sur le lieu de l’incident
  • les déclarations des témoins et les éléments de preuve qui ont été fournis à l’ UES à titre confidentiel dans le cadre de l’enquête
  • d’autres identifiants susceptibles de révéler des renseignements personnels sur les personnes concernées par l’enquête.

Loi de 2004 sur la protection des renseignements personnels sur la santé (« LPRPS »)

En vertu de la LPRPS, le présent document ne contient aucun renseignement personnel sur la santé de personnes identifiables.

Autres instances, processus et enquêtes

Il se peut que certains renseignements aient été omis du présent rapport parce que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité d’autres procédures liées au même incident, par exemple des procédures pénales, des enquêtes du coroner, d’autres instances publiques ou d’autres enquêtes menées par des organismes d’application de la loi.

Exercice du mandat

La compétence d’enquête de l’Unité se limite aux incidents impliquant la police et qui ont causé un décès ou une blessure grave ou ont donné lieu une allégation d’agression sexuelle.

On doit englober dans les « blessures graves » celles qui sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la santé ou le bien-être de la victime et dont la nature est plus que passagère ou insignifiante; elles comprennent les blessures graves résultant d’une agression sexuelle. Il y aura, à priori, présomption de « blessures graves » si la victime est hospitalisée, souffre d’une fracture d’un membre, d’une côte, d’une vertèbre ou du crâne, souffre de brûlures sur une grande partie du corps, a perdu une partie du corps, la vue ou l’ouïe, ou encore si elle allègue qu’elle a été agressée sexuellement. Si un long délai est à prévoir avant l’évaluation de la gravité des blessures, l’Unité devrait en être avisée pour qu’elle puisse surveiller la situation et décider dans quelle mesure elle interviendra.

Le présent rapport décrit l’enquête de l’UES sur le décès d’un homme âgé de 35 ans survenu le 23 décembre 2016, lors de l’exécution d’un mandat de perquisition à sa résidence.

L’enquête

Notification de l’UES

Le 23 décembre 2016, à 7 h 30, le Service de police de London (SPL) a informé l’UES d’une fusillade policière avec tirs mortels d’armes à feu survenue dans la ville.

Le SPL a déclaré que, vers 6 h 02 ce matin là, un certain nombre d’agents de l’équipe d’intervention d’urgence (EIU) ont exécuté un mandat de perquisition à la résidence de M. Samuel Maloneyfootnote 1. Durant cette opération, M. Maloney a tiré une flèche d’une arbalète, atteignant l’un des agents de police à la poitrine. Les agents de police sur les lieux ont tiré plusieurs coups de feu sur M. Maloney, le blessant mortellement.

L’équipe

Nombre d’enquêteurs de l’UES assignés : 6

Nombre d’enquêteurs judiciaires de l’UES assignés : 5

Les enquêteurs judiciaires de l’UES se sont rendus sur les lieux et ont repéré et préservé les éléments de preuve. Ils ont documenté les lieux pertinents associés à l’incident au moyen de notes, de photographies, de vidéographie, de croquis et de mesures. Les enquêteurs judiciaires ont assisté à l’autopsie et l’ont enregistrée et ont aidé à soumettre les éléments de preuve au Centre des sciences judiciaires (CSJ).

Plaignant

Homme âgé de 35 ans, décédé

Témoin civils (TC)

TC no 1 A participé à une entrevue

TC no 2 A participé à une entrevue

TC no 3 A participé à une entrevue

TC no 4 A participé à une entrevue

TC no 5 A participé à une entrevue

Agents témoins (AT)

AT no 1 A participé à une entrevue

AT no 2 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues

AT no 3 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues

AT no 4 A participé à une entrevue

AT no 5 A participé à une entrevue

AT no 6 A participé à une entrevue

AT no 7 A participé à une entrevue

AT no 8 A participé à une entrevue

AT no 9 A participé à une entrevue

AT no 10 A participé à une entrevue

AT no 11 A participé à une entrevue

AT no 12 A participé à une entrevue

AT no 13 A participé à une entrevue

AT no 14 A participé à une entrevue

AT no 15 A participé à une entrevue

AT no 16 A participé à une entrevue

AT no 17 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues

AT no 18 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues

AT no 19 N’a pas participé à une entrevue, mais ses notes ont été reçues

AT no 20 A participé à une entrevue

AT no 21 A participé à une entrevue

AT no 22 A participé à une entrevue

AT no 23 A participé à une entrevue

AT no 24 A participé à une entrevue

AT no 25 A participé à une entrevue

AT no 26 A participé à une entrevue

Agent impliqué (AI)

AI no 1 A participé à une entrevue et ses notes et déclaration préparée ont été reçues et examinées

AI no 2 A participé à une entrevue et ses notes et déclaration préparée ont été reçues et examinées

AI no 3 A participé à une entrevue et ses notes et déclaration préparée ont été reçues et examinées

Description de l’incident

Le 23 décembre 2016, vers 6 h du matin, des agents de l’équipe d’intervention d’urgence (EIU) du SPL ont exécuté un mandat de perquisition au domicile de M. Maloney. Le but du mandat de perquisition était d’arrêter M. Maloney et de trouver et saisir la preuve qu’il avait commis les infractions de méfait à l’égard de données informatiques et d’utilisation non autorisée d’ordinateur, en contravention du Code criminel.

Une entrée dynamique a été utilisée pour pénétrer dans la maison et, une fois la porte d’entrée enfoncée, onze agents de l’EIU se sont rapidement introduits et dispersés dans la maison. à l’intérieur se trouvaient alors M. Maloney, sa conjointe (la TC no 1) et leurs deux enfants en bas âge.

L’AI no 1 a été le premier agent à croiser M. Maloney. Lorsque l’AI no 1 est entré dans la salle d’ordinateur située à l’avant de la maison, M. Maloney a tiré avec une arbalète sur l’AI no 1, l’atteignant à la poitrine. Croyant que M. Maloney était aussi en possession d’une arme à feu et qu’il était sur le point de tirer de nouveau, l’AI no 1 a déchargé son arme à feu sur M. Maloney, l’atteignant une fois à l’épaule. La TC no 1 a couru vers la chambre du fond, où se trouvaient l’AI no 2, l’AI no 3 et deux enfants en bas âge. La pièce était alors dans la pénombre.

M. Maloney, brandissant une hachette au dessus de la tête, a crié et a lui aussi couru vers la chambre du fond. L’AI no 2, qui était en position à la porte de la chambre, a déchargé son arme à feu sur M. Maloney, l’atteignant à la poitrine. M. Maloney est tombé sur les fesses au seuil de la porte de la chambre, serrant toujours la hachette. L’AI no 3 a également tiré sur M. Maloney avec son arme à feu, l’atteignant à la tête. M. Maloney s’est effondré dans une position prostrée, la hachette sous son corps. Il a été déclaré mort sur les lieux.

Preuve

Les lieux de l’incident

La scène de l’incident était la résidence des Maloney à London (Ontario). Il s’agit d’un logement à un étage.

Schéma des lieux

Schéma des lieux

Preuve criminalistique

Les objets suivants ont été saisis sur les lieux et envoyés au Centre des sciences judiciaires (CSJ) pour examen :

  • un pistolet mitrailleur Heckler & Koch 9x19 mm avec support à torche, communément appelé MP5;
  • deux fusils semi automatiques de calibre 5,56x45 mm avec bretelles et supports à torche, mieux connus sous le nom de carabines C-8;
  • trois pistolets semi automatiques Glock de calibre 9x19 mm;
  • une quantité de munitions pour les armes susmentionnées;
  • une arbalète Excalibur Matrix Bulldog 400 avec viseur;
  • une balle et des fragments de métal.

Conclusions du CSJ

Armes à feu

Il a été établi, tant par la preuve criminalistique que par les témoins oculaires présents sur les lieux, que trois membres de l’EIU du SPL ont fait feu avec leurs armes respectives en tirant un total de neuf coups de feu.

Dans les limites de la certitude pratiquefootnote 2, le CSJ a déterminé que trois balles ont été tirées de la carabine C8 de l’AI no 1, cinq balles ont été tirées du pistolet mitrailleur MP5 de l’AI no 2 et une balle de la carabine C8 de l’AI no 3.

Quatre des douilles ont été trouvées regroupées dans la chambre du fond, une cinquième a été trouvée dans le sac mortuaire lors de l’autopsie, un fragment de balle et deux projectiles ont été trouvés dans la chambre du fond et trois projectiles étaient logés dans le corps de M. Maloney lors de l’autopsie, et le CSJ a déterminé que ces projectiles correspondaient aux balles de 9 mm du MP5 de l’AI no 2.

Le CSJ a déterminé avec un degré de certitude pratique que l’une des douilles de cartouche de calibre 223 ayant été trouvée juste à l’extérieur de la porte de la chambre du fond, une deuxième douille de cartouche 223 trouvée sur le plancher de la salle à manger, qui se trouve directement en face de la salle d’ordinateur de M. Maloney, une troisième douille 223 trouvée sur le sol de la cuisine, qui est adjacente à la salle à manger, et une balle trouvée dans la salle d’ordinateur provenaient de la carabine C8 de l’AI no 1.

Le CSJ a déterminé avec un degré de certitude pratique qu’un projectile logé dans le mur côté est de la chambre du fond et une douille 223 trouvée dans le couloir, juste à l’extérieur de la porte de la chambre du fond, provenaient de la carabine C8 de l’AI no 3.

Arbalète

L’arbalète avait un défaut causé par l’impact d’une balle pénétrante sur le dessus du cadre principal, à environ 11 pouces (29,74 centimètres) de l’avant de l’étrier ainsi qu’un défaut causé par l’impact d’une balle ou d’un projectile perforant à la tourelle de la dérive, sur le côté droit du viseur. L’examen indique que la trajectoire de la balle ayant heurté le cadre principal était de gauche à droite (sur environ 15 degrés) et de haut en bas (sur 10 à 20 degrés environ) en ce qui concerne l’arbalète. Le CSJ n’a pas été en mesure de déterminer à quelle hauteur se trouvait l’arbalète au moment où elle a reçu l’impact de la balle.

En supposant que le dommage à l’arbalète ait été causé soit par une balle de calibre 223 ou une balle de calibre 9x19 mm, une balle 223 est indiquée. Après avoir pénétré le cadre principal de l’arbalète, la balle endommagée a continué de se déplacer vers l’arrière jusqu’à ce qu’elle heurte l’assemblage de la détente. On a la certitude pratique qu’une balle provenant de la carabine C8 de l’AI no 1 a touché une arbalète, causant les dommages décrits ci dessus.

Témoignage d’expert

Le 24 décembre 2016, le pathologiste a effectué une autopsie sur le corps de M. Maloney. Le pathologiste a indiqué la cause du décès comme étant des [traduction] « blessures par balle à la tête et à la poitrine ».

  1. Blessure par balle à la tête et au cerveau. La balle est entrée sous l’œil gauche, a perforé le crâne et le cerveau et est ressortie par l’occiput gauche (blessure mortelle en soifootnote 3.
  2. Blessure par balle au côté droit de la poitrine. La balle est entrée sous la clavicule droite. Lésion au poumon droit (blessure pouvant entraîner la mort).
  3. Blessure par balle au centre antérieur de la poitrine. Blessure au cœur et au poumon gauche (blessure mortelle en soi).
  4. Blessure par balle au dessus de la clavicule gauche. Lésion traumatique de l’aorte pulmonaire gauche et du poumon droit (blessure mortelle en soi).
  5. Blessure par balle au deltoïde antérieur. La balle est ressortie par l’avant bras gauche (pas nécessairement mortel)footnote 4.
  6. Trois balles extraites de la cage thoracique de M. Maloney ont été examinéesfootnote 5.
  7. éraflure à la partie supérieure du cou. Aucune preuve scientifique quant à son origine.

éléments obtenus du service de police

L’UES a demandé au SPL les éléments et documents suivants, qu’elle a obtenus et examinés :

  • enregistrements des communications;
  • photos de la scène de l’incident;
  • copie du courriel du SPL concernant les messages que le plaignant a affichés sur le site Web du cinéma, avec hyperliens;
  • plan d’opération de l’EIU – la résidence des Maloney;
  • rapport d’incident général;
  • listes de pièces du SPL;
  • information sur les appels du SPL;
  • Notes de l’AT no 1, l’AT no 2, l’AT no 3, l’AT no 4, l’AT no 5, l’AT no 6, l’AT no 7, l’AT no 8, l’AT no 9, l’AT no 10, l’AT no 11, l’AT no 12, l’AT no 13, l’AT no 14, l’AT no 15, l’AT no 16, l’AT no 17, l’AT no 18, l’AT no 19, l’AT no 21, l’AT no 22, l’AT no 23, l’AT no 24, l’AT no 25 et l’AT no 26;
  • déclarations préparées de l’AI no 1, l’AI no 2, l’AI no 3, l’AT no 1, l’AT no 4, l’AT no 5, l’AT no 6, l’AT no 7, l’AT no 8, l’AT no 9, l’AT no 10, l’AT no 11, l’AT no 12, l’AT no 13, l’AT no 14, l’AT no 15, l’AT no 16, l’AT no 20, l’AT no 21, l’AT no 22, l’AT no 23, l’AT no 24, l’AT no 25 et l’AT no 26;
  • mandat de perquisition pour la résidence des Maloney;
  • documents judiciaires non scellés (mandat de perquisition, dénonciation et demande d’ordonnance de mise sous scellés).

Dispositions législatives petinentes

Paragraphes 25(1) et 25(3) du Code Criminel – Protection des personnes autorisées

25 (1) Quiconque est, par la loi, obligé ou autorisé à faire quoi que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi :

  1. soit à titre de particulier,
  2. soit à titre d’agent de la paix ou de fonctionnaire public,
  3. soit pour venir en aide à un agent de la paix ou à un fonctionnaire public,
  4. soit en raison de ses fonctions,

est, s’il agit en s’appuyant sur des motifs raisonnables, fondé à accomplir ce qu’il lui est enjoint ou permis de faire et fondé à employer la force nécessaire pour cette fin.

(3) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), une personne n’est pas justifiée, pour l’application du paragraphe (1), d’employer la force avec l’intention de causer, ou de nature à causer la mort ou des lésions corporelles graves, à moins qu’elle n’estime, pour des motifs raisonnables, que cette force est nécessaire afin de se protéger elle-même ou de protéger toute autre personne sous sa protection, contre la mort ou contre des lésions corporelles graves.

Article 34 du Code Criminel – Défense – emploi ou menace d’emploi de la force

34 (1) N’est pas coupable d’une infraction la personne qui, à la fois :

  1. croit, pour des motifs raisonnables, que la force est employée contre elle ou une autre personne ou qu’on menace de l’employer contre elle ou une autre personne;
  2. commet l’acte constituant l’infraction dans le but de se défendre ou de se protéger — ou de défendre ou de protéger une autre personne — contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force;
  3. agit de façon raisonnable dans les circonstances.

(2) Pour décider si la personne a agi de façon raisonnable dans les circonstances, le tribunal tient compte des faits pertinents dans la situation personnelle de la personne et celle des autres parties, de même que des faits pertinents de l’acte, ce qui comprend notamment les facteurs suivants :

  1. la nature de la force ou de la menace;
  2. la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel;
  3. le rôle joué par la personne lors de l’incident;
  4. la question de savoir si les parties en cause ont utilisé ou menacé d’utiliser une arme;
  5. la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause;
  6. la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;

    f.1) l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause;

  7. la nature et la proportionnalité de la réaction de la personne à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force;
  8. la question de savoir si la personne a agi en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force qu’elle savait légitime.

Articles 219 à 221 du Code Criminel – Négligence criminelle

219 (1) est coupable d’une négligence criminelle quiconque :

  1. soit en faisant quelque chose;
  2. soit en omettant de faire quelque chose qui est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, devoir désigne une obligation imposée par la loi.

220 Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :

  1. s’il y a usage d’une arme à feu lors de la perpétration de l’infraction, de l’emprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;
  2. dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité.

221 est coupable d’un acte criminel est passible d’un emprisonnement maximal de dix ans quiconque, par négligence criminelle, cause des lésions corporelles à autrui.

Article 342.1 du Code Criminel – Utilisation non autorisée d’ordinateur

342.1 (1) Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans ou d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, quiconque, frauduleusement et sans apparence de droit :

  1. directement ou indirectement, obtient des services d’ordinateur;
  2. au moyen d’un dispositif électromagnétique, acoustique, mécanique ou autre, directement ou indirectement, intercepte ou fait intercepter toute fonction d’un ordinateur;
  3. directement ou indirectement, utilise ou fait utiliser un ordinateur dans l’intention de commettre une infraction prévue aux alinéas a) ou b) ou à l’article 430 concernant des données informatiques ou un ordinateur;
  4. a en sa possession ou utilise un mot de passe d’ordinateur qui permettrait la perpétration des infractions prévues aux alinéas a), b) ou c), ou en fait le trafic ou permet à une autre personne de l’utiliser.

Paragraphe 430(1) du Code Criminel – Méfait

430 (1) Commet un méfait quiconque volontairement, selon le cas :

  1. détruit ou détériore un bien;
  2. rend un bien dangereux, inutile, inopérant ou inefficace;
  3. empêche, interrompt ou gêne l’emploi, la jouissance ou l’exploitation légitime d’un bien;
  4. empêche, interrompt ou gêne une personne dans l’emploi, la jouissance ou l’exploitation légitime d’un bien.

Paragraphe 430(5) du Code Criminel – Méfait à l’égard de données informatiques

(5) Quiconque commet un méfait à l’égard de données informatiques est coupable :

  1. soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans;
  2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Paragraphe 430(5.1) du Code Criminel – Infraction (méfait causant un danger à la vie)

(5.1) Quiconque volontairement accomplit un acte ou volontairement omet d’accomplir un acte qu’il a le devoir d’accomplir, si cet acte ou cette omission est susceptible de constituer un méfait qui cause un danger réel pour la vie des gens ou de constituer un méfait à l’égard de biens ou de données informatiques est coupable :

  1. soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans;
  2. soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.

Alinéa 2(1)g), Annexe de la partie VII (Code de conduite) du Règlement de l’Ontario 268/10, pris en vertu de la Loi sur les services policiers

2 (1) Tout chef de police ou autre agent de police commet un acte d’inconduite s’il agit d’une manière qui constitue ou cause, selon le cas :

[...]

  1. l’exercice illégal ou injustifié d’un pouvoir, du fait que, selon le cas :
    1. il procède à une arrestation illégale ou inutile sans motifs justes et suffisants,
      (i.1) il procède, sans motifs justes et suffisants, à une détention physique ou psychologique qui est illégale ou inutile,
    2. il fait usage de force injustifiée à l’égard d’un prisonnier ou d’une autre personne avec qui il entre en contact dans le cadre de ses fonctions,
    3. il recueille ou tente de recueillir auprès d’un particulier des renseignements identificatoires le concernant, dans les circonstances auxquelles s’applique le Règlement de l’Ontario 58/16 (Collecte de renseignements identificatoires dans certaines circonstances - Interdiction et obligations) pris en vertu de la Loi, autres que celles permises par ce règlement;

Analyse et décision du directeur

Le 23 décembre 2016, vers 6 h 02, le Service de police de London (SPL) a exécuté un mandat de perquisition à la résidence de Samuel Maloney afin de l’arrêter pour méfait à l’égard de données informatiques, en contravention du paragraphe 430(5) du Code criminel, et utilisation non autorisée d’ordinateur, en contravention du paragraphe 342.1(1) du Code criminel, ainsi que pour saisir ses ordinateurs et autres appareils à son domicile qui pouvaient apporter la preuve de ces infractions. En raison d’incidents antérieurs impliquant M. Maloney et de la crainte que des armes pouvaient se trouver dans la maison, l’équipe d’intervention d’urgence (EIU) du SPL a été chargée d’exécuter le mandat. Les agents savaient alors qu’en plus de M. Maloney, son épouse, la TC no 1, et leurs deux enfants en bas âge pourraient aussi se trouver à la maison.

Lorsque l’EIU du SPL est entrée dans la résidence, l’AI no 1 et l’AT no 11 ont trouvé M. Maloney et la TC no 1 dans la salle d’ordinateur (qui est la pièce du milieu sur l’aile ouest de la maison). L’AI no 2 et l’AI no 3 ont trouvé les deux enfants dans la chambre du fond et sont restés avec eux. L’AI no 1 a confronté M. Maloney, et M. Maloney a tiré sur l’AI no 1 avec une arbalète, l’atteignant à la région abdominale. Initialement, l’AI no 1 ne s’est pas rendu compte du projectile, la flèche tirée par l’arbalète n’ayant pénétré que sa veste balistique, et il n’a pas été blesséfootnote 6. La TC no 1 a couru vers la chambre du fond, étant suivie de l’AT no 11. L’AI no 1 a immédiatement répondu à l’agression de M. Maloney avec trois coups de feu tirés de sa carabine semi automatique : une balle a heurté l’arbalète, la deuxième a atteint M. Maloney à la partie supérieure de l’épaule gauche et la troisième a manqué M. Maloney. L’AI no 1 est sorti en courant de la salle d’ordinateur et M. Maloney a couru vers la chambre du fond avec son arme à la main. Lorsque M. Maloney est arrivé à la chambre du fond, l’AI no 2 a tiré cinq fois sur M. Maloney avec son pistolet mitrailleur. Trois des balles, dont deux le blessant mortellement, ont atteint M. Maloney à la poitrine. M. Maloney est tombé sur les fesses dans l’entrebâillement de la porte de la chambre. L’AI no 3 a tiré une fois avec sa carabine, atteignant M. Maloney à la tête. Ce coup de feu a aussi été mortel.

Contexte

M. Maloney était connu du SPL. En 2007, un mandat de perquisition avait été exécuté à la résidence et une cache d’armes et de munitions avait été saisie. Des accusations avaient été portées contre M. Maloney et la TC no 1, mais seule la TC no 1 avait été condamnée. Au fil des ans, M. Maloney était connu pour ses positions anti police, anti gouvernement et anti establishment. L’AT no 10, un membre de l’EIU du SPL, a déclaré s’être rendu à la résidence de M. Maloney en juillet 2016, à la demande du service municipal des travaux publics de la ville de London, afin de veiller à l’ordre public pendant que les travailleurs municipaux nettoyaient la propriété mal entretenue de M. Maloney. M. Maloney se tenait alors debout dans la cour arrière en brandissant une hache, ce qui rendait les travailleurs nerveuxfootnote 7.

La TC no 1 travaillait pour un cinéma à London (le « Cinéma »). Les services de M. Maloney avaient été retenus pour la conception d’un logiciel et d’une base de données pour le Cinéma, y compris un programme informatique adapté pour modifier le site Web du Cinéma. M. Maloney était chargé de la maintenance et de la mise à jour du site Web du Cinéma ainsi que de diffuser les bulletins et d’envoyer des courriels aux nombreux abonnés du Cinéma. Le domaine pour le site Web du Cinéma était hébergé dans le serveur se trouvant dans le sous sol de M. Maloney, ce qui donnait à ce dernier un contrôle complet sur tout ce qui était publié sur ce site Web. En outre, on avait donné à M. Maloney accès à tous les mécanismes de protection, pare feu et codes d’accès du Cinéma. M. Maloney n’avait jamais conversé avec la TC no 5, qui était la propriétaire du Cinéma, ni ne l’avait rencontré. Toute mise à jour ou demande concernant le site Web ou la base de données était effectuée par l’entremise de la TC no 1, qui transmettait alors la demande à M. Maloney.

Le 11 décembre 2016, les abonnés du site Web du Cinéma ont reçu par courriel un vidéo qui comprenait une diatribe antisémite ainsi qu’un manifeste intitulé [traduction] « Bienvenue à Atlantis », dont M. Maloney aurait été l’auteur. La TC no 5 a avisé le SPL de ce qui était arrivé à son site Web.

L’AT no 25 a déclaré que, ce même jour du 11 décembre 2016, on l’a envoyée à la résidence de M. Maloney pour voir si tout allait bien avec la TC no 1, car la TC no 5 n’arrivait pas à entrer en communication avec la TC no 1 et s’inquiétait pour sa sécurité. L’AT no 25 et quatre autre agents se sont présentés à la résidence et, après avoir frappé plusieurs fois à la porte, la TC no 1 a répondu mais a refusé de laisser entrer les agents de police. Elle a dit qu’elle allait bien et qu’elle n’était pas retenue contre son gré. Plus tard ce même jour, l’AT no 25 a parlé à la TC no 1 au téléphone, et la TC no 1 lui a dit que les messages qui avaient été publiés sur le site Web du Cinéma avaient été envoyés par le président de la Palestine. à la suite de ce commentaire de la TC no 1, l’AT no 25 a envoyé un rapport à l’Unité des crimes haineux du SPL.

L’AT no 22, qui était l’agent en charge de l’Unité du crime organisé du SPL, a déclaré que, le 12 décembre 2016, il a reçu un courriel émanant d’un citoyen concernant la promotion de la haine contre les Juifs. Le citoyen déclarait avoir reçu, en provenance du Cinéma, un courriel avec 18 pages jointes et des liens vers des vidéos dont le citoyen avait trouvé le contenu troublant. L’AT no 22 a examiné le contenu du courriel et a constaté qu’il était signé de [traduction] « Sam Maloney alias Dieu, alias Jésus et l’avatar de Dieu. » L’AT no 22 a alors fait suivre ce courriel à l’AT no 23, un membre de l’Unité des crimes haineux du SPL. Le lendemain, l’AT no 23 a envoyé une réponse pour dire qu’il avait consulté un procureur de la Couronne et qu’on lui avait dit que le courriel en question ne répondait pas au critère de l’incitation à la haine. Le 16 décembre 2016, l’AT no 23 a dit à l’AT no 22 qu’il avait sollicité l’assistance de l’AT no 21, un membre de l’Unité du SPL de lutte contre l’exploitation des enfants sur Internet. Plus tard ce jour là, l’AT no 22 a déterminé que l’enquête devait être confiée aux membres de l’Unité des mesures d’enquête (UME).

L’AT no 23 a déclaré que, le 12 décembre, l’AT no 22 l’a informé d’un message émanant de l’AT no 25 qui décrivait de nombreuses plaintes au sujet de commentaires antisémites qui avaient été envoyés via un compte de courriel piraté du Cinéma. L’AT no 23 a examiné les courriels antisémites et le manifeste et, en consultation avec un procureur de la Couronne, a conclu que ces messages ne répondaient pas au critère d’un crime haineux. L’AT no 23 a communiqué son opinion et celle du procureur de la Couronne à l’AT no 22. Le 20 décembre 2016, l’AT no 23 a assisté à une réunion présidée par l’AT no 22 lors de laquelle la conduite de l’enquête a été transférée à l’UME. L’AT no 16, un membre de l’UME, devait préparer un mandat de perquisition pour la résidence de M. Maloney. Plus tard le même jour, l’AT no 23 s’est entretenu avec la TC no 5, qui lui a dit qu’elle n’avait jamais rencontré M. Maloney ni ne lui avait parlé, mais qu’elle l’avait embauché comme programmeur informatique par l’intermédiaire de la TC no 1. La TC no 5 a déclaré que tous ses serveurs pour le Cinéma se trouvaient dans le sous sol de la résidence de M. Maloney. L’AT no 23 a transmis cette information à l’AT no 16.

L’AT no 24, superviseur de l’Unité d’analyse des crimes du SPL et de l’UME, a déclaré que, le 16 décembre 2016, l’AT no 22 avait sollicité son assistance au sujet d’une enquête relative à un accès non autorisé à des ordinateurs au Cinéma. L’AT no 24 a confié l’affaire à l’AT no 16. Le 20 décembre 2016, l’AT no 24 a examiné les contenus relatifs à cette affaire et a constaté que les propos antisémites avaient été affichés sur le site Web du Cinéma puis envoyés par courriel à la liste de diffusion du Cinéma (environ 6 000 clients). Le matériel publié en ligne était signé « Samuel Maloney ». Le même jour, l’AT no 24 a participé à une réunion au sujet de l’incident lors de laquelle l’AT no 22 a indiqué que les propos antisémites affichés sur site Web ne répondaient pas au critère d’un crime haineuxfootnote 8. Ainsi, l’unité de l’AT no 24 a été chargée de mener l’enquête. L’AT no 16 a été chargé de préparer un mandat de perquisition pour la résidence de M. Maloney. L’AT no 24 a examiné le mandat final avant de le faire signer par un juge de paix (JP).

L’AT no 21 a indiqué que, comme il possédait de l’expérience en criminalité informatique, il avait aussi pris part à une réunion avec l’AT no 22, le 20 décembre, pour discuter de l’exécution d’un mandat de perquisition à la résidence de M. Maloney. L’AT no 21 a été interrogé au sujet de l’aspect informatique du mandat de perquisition. à l’issue de la réunion, l’AT no 21 et l’AT no 24 ont été chargés d’aider l’AT no 16 à rédiger le mandat de perquisition pour la résidence de M. Maloney. Le lendemain, l’AT no 16 a dit à l’AT no 21 que l’ébauche du mandat de perquisition était complète hormis les quelques paragraphes habilitants qu’il fallait obtenir de l’AT no 21. L’AT no 21 a examiné l’ébauche du mandat de perquisition et a précisé ce qu’il fallait y ajouter.

L’AT no 22 a dit aux enquêteurs que, le 20 décembre 2016, il a présidé une réunion et a confié à l’AT no 16 la tâche de rédiger le mandat de perquisition pour la résidence de M. Maloney. Lors de cette réunion, l’AT no 22 a pris connaissance du dossier et des antécédents de M. Maloney, y compris des articles affichés sur Facebook par M. Maloney qui contenaient de nombreuses menaces et des allusions à l’assassinat de personnes non nommées si elles ne renonçaient pas à leur judaïté d’ici le 25 décembre 2016. En raison de la mention du jour de Noël, l’AT no 22 voulait que le mandat de perquisition soit exécuté avant le 21 décembre 2016. Le plan était d’exécuter le mandat le 23 décembre 2016, mais d’arrêter M. Maloney à l’extérieur de sa résidence, si jamais il sortait de son domicile avant cette date, afin d’atténuer toute confrontation potentiellement violente pendant l’exécution du mandat de perquisition. Le 22 décembre 2016, comme M. Maloney n’avait pas quitté sa résidence, ainsi qu’on l’espérait, l’AT no 22 et l’AT no 1 ont décidé que le mandat de perquisition serait exécuté à 6 h du matin, le 23 décembre 2016, par l’EIU (équipe d’intervention d’urgence) au moyen d’une entrée dynamique dans la résidence.

L’AT no 8, un membre de l’Unité des enquêtes judiciaires numériques du SPL, a déclaré que l’AT no 16 a communiqué avec lui le 21 décembre pour l’informer qu’un courriel comportant de la propagande antisémite avait été envoyé en provenance du Cinéma. Après avoir examiné les hyperliens actifs, l’AT no 8 a confirmé que l’auteur de la propagande était M. Maloney. L’AT no 8 a dit à l’AT no 16 qu’il ne s’agissait pas là d’un « piratage traditionnel » en ce que M. Maloney était l’administrateur du compte, mais qu’il s’agissait davantage d’une utilisation non autorisée d’un système informatique et d’un mot de passe, puisque M. Maloney utilisait maintenant son pouvoir administratif à des « fins criminelles » en redirigeant les visiteurs du site Web du Cinéma vers le site Web « Morphis » que, selon lui, M. Maloney avait créé et à partir duquel il envoyait des courriels. L’AT no 8 a conseillé à l’AT no 16 de diffuser cette information en vue d’obtenir le mandat de perquisition [la dénonciation] nécessaire pour agir à cet égard. à l’issue d’une réunion ultérieure, l’AT no 8 a été chargé d’entrer dans la résidence de M. Maloney une fois le mandat de perquisition exécuté et de recueillir et sécuriser les éléments de preuve numériques.

L’AT no 16 a indiqué qu’il a fait une vérification des antécédents de M. Maloney et a découvert qu’un mandat de perquisition avait été exécuté à sa résidence en 2007 et qu’un certain nombre d’armes à feu avaient été saisies. Il y avait aussi des renseignements selon lesquels M. Maloney avait une arbalète chez lui et avait déjà agressé physiquement la TC no 1 dans le passé. L’AT no 16 n’a pas consigné cette information dans la dénonciation ni n’y a inclus de renseignements sur les antécédents de M. Maloney ou concernant la TC no 1, ou encore qu’ils avaient des enfants en bas âge et que l’on s’attendait à ce que certains ou tous les membres de la famille soient à la maison au moment de l’exécution du mandat de perquisition. Dans l’annexe B de sa demande de mandat de perquisition, l’AT no 16 a allégué qu’il avait des motifs raisonnables de croire que M. Maloney avait commis les infractions de méfait à l’égard de données informatiques, en contravention du paragraphe 430(5) du Code criminel, et d’obtention frauduleuse de services d’ordinateur, en contravention du paragraphe 342.1(1) du Code criminel.

Le 22 décembre 2016

D’après l’AI no 1, le 22 décembre 2016, lui et trois autres agents de l’EIU ont été chargés de mener une opération de surveillance au domicile de M. Maloney et de l’arrêter pour méfait à l’égard de données informatiques et utilisation non autorisée d’ordinateur s’il était vu sortant de la maison. M. Maloney n’est jamais sorti de la résidence ce jour là, de sorte qu’aucune arrestation n’a été faite.

L’AT no 12 était l’agent en charge de l’EIU du SPL. Il a déclaré que, le 22 décembre, il a assisté à une réunion avec l’AT no 1 et l’AT no 22 et qu’on lui a dit qu’un mandat de perquisition devait être exécuté le 23 décembre 2016, à 6 h 15, à la résidence de M. Maloney. Comme l’entrée dans la résidence allait être de nature dynamique, on allait recourir aux services de l’EIU du SPL. On a dit à l’AT no 12 que la cible du mandat était M. Maloney, qui était connu du SPL pour ses positions anti police, anti gouvernement et anti establishment. Mention a été faite alors d’un mandat de perquisition ayant été exécuté en 2007 à cette même adresse qui avait permis de trouver et saisir une cache d’armes à feufootnote 9. Plus tard ce jour là, l’AT no 12 a assisté à une séance d’information présidée par les AT no 6 et no 16. On l’a informé qu’il y avait une arbalète dans le sous sol de la résidence et qu’il était possible que la TC no 1 et les deux jeunes enfants se trouvent dans le logement. Le plan opérationnel prévoyait que les deux premiers agents de l’EIU qui se trouveraient à l’intérieur de la maison entreraient dans une salle d’ordinateur se trouvant à gauche de l’entrée principale.

Le mandat de perquisition

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. Aux fins de la présente enquête, il s’agit donc de déterminer dans un premier temps si les agents qui étaient présents ce matin là dans la résidence exécutaient une obligation légale. Cela soulève la question de savoir s’ils se fiaient à un mandat de perquisition légalement décerné.

Le 21 décembre 2016, l’AT no 16 a juré, devant un juge de paix, qu’il avait des motifs raisonnables et probables de croire que M. Maloney avait commis les crimes susmentionnés. Le juge de paix a autorisé l’exécution du mandat entre 6 h et 20 h 59, le 21, le 22 ou le 23 décembre. Il a autorisé la saisie de tout système informatique et de tout dispositif de stockage de données ainsi que de tout document écrit contenant des mots de passe informatiques et tout document relatif aux occupants de la résidence qui aideraient à prouver leur occupation de la maison et leur contrôle de tout matériel informatique trouvé là. Le mandat ne demandait pas l’autorisation d’entrer dans la résidence pour arrêter M. Maloney ni, comme on l’a dit plus haut, ne comportait de renseignements au sujet de M. Maloney, de ses antécédents, de sa propension à la violence, des armes susceptibles de se trouver dans la maison ou de la présence de la TC no 1 ou de leurs enfants à la maison. Même s’il est devenu évident, à la fin de la journée du 22 décembre, que M. Maloney n’allait pas être arrêté à l’extérieur de sa résidence, aucune modification au mandat initial n’a été demandée, malgré le fait que le SPL savait clairement que M. Maloney se trouverait à l’intérieur pendant l’exécution du mandat et que le SPL avait l’intention de l’arrêter lors de l’exécution du mandat.

Le 28 décembre 2016, cinq jours après que M. Maloney eut été tué par balle, le SPL a demandé et obtenu une ordonnance de mise sous scellés, laquelle scellait le contenu du mandat de perquisition. Les scellés du mandat ont été levés le 16 mars 2017 à la demande de l’UES.

Le 23 décembre 2016

Le matin du 23 décembre 2016, les agents de l’EIU du SPL se sont rendus à la résidence de M. Maloney. L’AI no 1 a indiqué qu’avant de se rendre à la résidence, entre 4 h 58 et 5 h 18 ce matin là, il y a eu une séance d’information au bureau de l’EIU au sujet du mandat de perquisition qui devait être exécuté plus tard le matin à la résidence. La séance d’information a été menée par l’AT no 6 et l’AT no 24. On a dit à l’AI no 1 que M. Maloney pouvait être mis en état d’arrestation pour méfait à l’égard de données informatiques et utilisation non autorisée d’ordinateur et que l’AI no 1 devait immédiatement saisir tout élément de preuve, y compris les ordinateurs, se trouvant dans la maison afin de prévenir leur destruction. Les agents ont été informés qu’il y avait un risque de violence en raison de l’aversion de M. Maloney pour la police. Le plan de la résidence a été fourni et les pièces cibles ont été indiquées.

L’AT no 12 a déclaré que, vers 5 h 45, l’équipe d’entrée de l’EIU s’est réunie près de la résidence de M. Maloney. L’AT no 12 et l’AT no 15, un membre de l’unité canine du SPL, ont pris position à l’arrière de la résidence. Vers 6 h 05, l’AT no 12 a donné l’instruction à l’EIU d’entrer dans la maison. L’AT no 4 a indiqué qu’à 6 h 06 l’AT no 7 et lui même ont forcé la porte d’entrée de la résidence après l’avoir frappée deux fois avec un bélier. Ils ont ensuite enfoncé la porte intérieure avec un autre coup de bélier. L’AI no 1 a déclaré que, alors que l’AT no 4 et l’AT no 7 forçaient la porte d’entrée, il les a entendus crier [traduction] « Police, mandat de perquisition ». Tandis qu’ils commençaient à entrer dans la maison, les autres membres de l’équipe ont aussi crié « Police, mandat de perquisition ».

Onze agents de l’EIU sont entrés dans la maison, de la façon suivante : l’AT no 4 et l’AT no 7 (qui avaient été désignés pour enfoncer la porte principale) sont entrés les premiers, suivis, dans l’ordre, par l’AT no 9, l’AT no 6, l’AT no 5, l’AT no 10, l’AI no 1, l’AT no 11, l’AI no 2, l’AI no 3 et l’AT no 12. Après être entrés dans le domicile, les agents se sont dispersés de la façon suivante : l’AT no 4, l’AT no 6 et l’AT no 9 se sont rendus dans le bureau vide en avant, puis l’AT no 4 s’est rendu au salon; l’AI no 1 et l’AT no 11 sont allés à la salle d’ordinateur, puis l’AT no 11 est allé dans la chambre du fond; l’AT no 7 et l’AT no 10 sont allés dans la cuisine, puis dans le sous sol par la suite; l’AT no 5 et l’AT no 12 sont allés dans le salon; et l’AI no 2 et l’AI no 3 sont allés dans la chambre du fond. Après leur entrée, les policiers ont vu M. Maloney et la TC no 1 dans la salle d’ordinateur et leurs deux enfants en bas âge dans la chambre du fond. Tous les agents étaient armés et portaient leur uniforme de l’EIU.

L’AT no 7 et l’AT no 4 ont indiqué qu’après avoir enfoncé les portes avant extérieure et intérieure, les membres de l’EIU se sont précipités dans la maison, tandis que l’AT no 7 entrait dans l’aire de la cuisine avec l’AT no 10 et que l’AT no 4 suivait le dernier agent de l’EIU dans le salon. Les deux policiers ont alors entendu au moins deux coups de feu et l’AI no 1 annoncer [traduction] « coup tiré » sur la radio (ce terme visait à avertir les autres membres de l’équipe qu’un agent avait tiré avec son arme à feu). Les agents ont entendu la TC no 1 commencer à crier. L’AT no 7 a vu l’AI no 1 et l’AT no 5 au seuil de la cuisine. L’AI no 1 a été entendu sur la radio en train de dire qu’on lui avait tiré dessus avec une arbalète et que M. Maloney était armé d’un fusil. On a ensuite entendu l’AI no 1 entamer des négociations avec M. Maloney, et l’AT no 7 a entendu l’AI no 1 dire à M. Maloney de sortir les mains en l’air. L’AI no 1 a également demandé à M. Maloney s’il voulait une ambulance, et M. Maloney a répondu que oui. M. Maloney a demandé à voir une copie du mandat de perquisition.

L’AT no 4 s’est mis à l’abri en prenant position dans la pièce vide de bureau à l’avant avec l’AT no 6 et l’AT no 9, puis il a continué son chemin jusqu’au fond de la maison, où il a relevé l’AT no 12 et a reçu l’instruction de se mettre en position pour contenir le mur ouest de la résidence. L’AT no 7, de sa position, a entendu l’AT no 11 demander un bouclier balistique pour évacuer la TC no 1 et ses enfants. L’AT no 7 a ensuite entendu un hurlement venant de la zone des chambres à coucher, suivi tout de suite du bruit de trois ou quatre coups de feu. L’AT no 4 a indiqué qu’il a lui aussi entendu trois à cinq coups de feu et que, un instant plus tard, il a entendu que M. Maloney était touché. L’AT no 7 et l’AT no 5 se sont rendus à la salle d’ordinateur, où M. Maloney avait été vu auparavant, et ils ont vu une grosse arbalète aux couleurs de camouflage qui était posée contre la chaise d’ordinateur. Après avoir vérifié que personne ne se trouvait dans la salle d’ordinateur, l’AT no 7 s’est rendu jusqu’à la chambre du fond et a vu M. Maloney gisant sur le sol.

L’AI no 1 a indiqué qu’après que la porte d’entrée fut enfoncée et qu’il fut entré dans la maison, il s’est rendu le premier dans le salon, puis a poursuivi dans la salle à manger et dans la cuisine, laquelle était faiblement éclairée. L’AI no 1 a ensuite traversé le petit couloir qui ouvrait sur trois pièces. L’AI no 1 a entendu la voix de la TC no 1 venant de l’une des deux pièces fermées (elle se trouvait dans la salle d’ordinateur). Elle parlait d’une voix forte mais inintelligible, et il semblait qu’elle était consciente de la présence de la police. L’AI no 1 a donné un coup de pied sur la porte et a crié [traduction] « Police, mandat de perquisition, mettez-vous à terre. » La porte s’est entrouverte d’environ deux pouces [5 centimètres] puis a immédiatement été refermée de l’intérieur. L’AI no 1 a alors entendu la TC no 1 crier de façon incohérente, puis il a forcé l’ouverture de la porte avec un coup d’épaule et a crié [traduction] « Montrez moi vos mains. » Lorsque la porte fut ouverte, la TC no 1 était couchée sur le plancher. à peine une ou deux secondes après, l’AI no 1 a ressenti un fort impact de la taille d’une pièce de dix sous sur son estomac et sa région abdominalefootnote 10. Croyant qu’on venait de lui tirer dessus, l’AI no 1 a regardé à sa droite et a vu M. Maloney, contorsionné, à environ quatre pieds [1,22 mètre] de lui. M. Maloney était assis sur une chaise pivotante, devant un bureau d’ordinateur, et avait une arbalète à la main gauche qui était pointée sur l’AI no 1. Le cadre de l’arbalète ressemblait à un fusil. L’AI no 1 a indiqué qu’il croyait que M. Maloney tenait aussi un pistolet de la main droite dans un étui de tissu ou de nylon et que l’arme était pointée sur lui. Croyant que M. Maloney allait de nouveau tirer, l’AI no 1 a tiré un coup avec sa carabine. Voyant que M. Maloney avait encore l’arbalète pointée sur lui, l’AI no 1 a tiré deux autres coups de feu. Bien que l’une des balles ait atteint M. Maloney au côté gauche de l’épaule, il n’y avait pas de réaction discernable de la part de M. Maloney. L’AI no 1 a estimé qu’un laps d’une seconde à une seconde et demie s’était écoulé entre le premier coup de feu et les deux tirs suivants. La TC no 1 était debout en train de crier. L’AI no 1 a crié [traduction] « coup tiré » pour avertir son équipe qu’il avait déchargé son arme à feu, puis a crié [traduction] « Fusil, fusil », car il croyait que M. Maloney avait une arme à feu à la main. à ce moment là, M. Maloney avait abandonné l’arbalète, mais il continuait de serrer le fusil des deux mains. L’AI no 1 a crié [traduction] « Dehors, dehors » puis s’est retranché à l’extérieur de la pièce.

L’AI no 1 a déclaré aux enquêteurs qu’il a crié à M. Maloney de laisser tomber le pistolet, pendant que la TC no 1 se précipitait en criant dans le couloir pour aller dans la chambre du fond. L’AI no 1 a tenté de négocier avec M. Maloney en lui demandant de laisser tomber son arme et de sortir de la pièce les mains en l’air. En colère, M. Maloney a exigé de voir le mandat de perquisition, ce à quoi l’AI no 1 a acquiescé à condition que M. Maloney sorte les mains vides. M. Maloney a parlé d’une voix basse et beaucoup de ce qu’il a dit n’a pu être entendu par l’AI no 1. L’AI no 1 a demandé à M. Maloney s’il avait été touché, et celui ci a répondu que oui sans préciser la nature de la blessure. Soudain, l’AI no 1 a entendu M. Maloney crier « Ahhhhhhh » depuis la salle d’ordinateur, puis il l’a vu courir vers la chambre du fond avec un objet sombre à la main gauche. L’AI no 1 a entendu deux ou trois coups de feu provenant de la zone de la chambre du fond puis un bruit sourd qu’il pensait être le bruit d’un corps tombant au sol. L’AI no 1 s’est avancé dans le couloir, où il a entendu un dernier coup de feu. à la porte menant à la chambre, l’AI no 1 a vu M. Maloney gisant sur le plancher. Lorsque l’AI no 1 est retourné plus tard dans la salle d’ordinateur, il a vu l’arbalète posée debout contre la chaise pivotante ainsi qu’un étui vide sur le sol, à côté de la chaise.

L’AI no 2 a déclaré qu’il est entré dans la résidence, qu’il a traversé le salon et la salle à manger adjacente, puis qu’il est retourné dans le salon et a traversé le couloir en direction de la chambre du fond. Ce faisant, il a vu l’AI no 1 et l’AT no 11 aller à la salle d’ordinateur. Lorsque l’AI no 2 s’est approché de la porte de la chambre du fond, il a entendu des cognements et des cris venant de la zone de la salle d’ordinateur, puis au moins un coup de feu. L’AI no 2 est entré dans la chambre qui était dans l’obscurité et a vu deux enfants en bas âge sur un lit double. Il a regardé dans le couloir en direction de la salle d’ordinateur et a vu l’AT no 11 lutter avec la TC no 1 juste à côté de la salle de bains. L’AT no 11 a ramené la TC no 1 dans la chambre. La TC no 1 était hystérique et poussait des cris. L’AI no 2 a soudain entendu un membre inconnu de l’équipe crier [traduction] « coup tiré » puis a entendu l’AI no 1 crier que M. Maloney se trouvait dans la salle d’ordinateur. L’AI no 1 a également dit qu’on lui avait tiré dessus et qu’il avait été touché à la poitrine, mais qu’il allait bien. L’AI no 2 a entendu l’AI no 1 crier à M. Maloney [traduction] « Police, mandat de perquisition » et a entendu M. Maloney répondre [traduction] « Lancez moi le mandat dans la pièce. » L’AI no 1 a alors demandé à M. Maloney s’il avait besoin d’une ambulance, ce à quoi M. Maloney a répondu oui. M. Maloney semblait très agité. L’AI no 2 se trouvait dans l’embrasure de la porte de la chambre du fond, se mettant à couvert derrière le cadre de la porte. Il a levé son arme, réglée en mode semi automatique, au niveau de son épaule gauche, l’a pointée en direction du couloir vers la salle d’ordinateur. La TC no 1 continuait de crier derrière lui, et les enfants pleuraient.

Quelques instants plus tard, l’AI no 2 a déclaré qu’il a vu M. Maloney torse nu arriver lentement dans le couloir, en sortant de la salle d’ordinateur, et marcher sur la pointe des pieds dans le couloir tout en jetant un regard à sa droite. L’AI no 2 a immédiatement activé la torche fixée sur son arme à feu et a illuminé M. Maloney. M. Maloney tenait une hachette au niveau de l’oreille. L’AI no 2 a crié à M. Maloney [traduction] « Montrez moi vos mains et mettez vous au milieu de la pièce, les mains vides. » M. Maloney a regardé directement vers l’AI no 2, puis est lentement sorti du champ de vision de l’AI no 2 en s’engageant dans la porte en retrait de la salle d’ordinateur. L’AI no 2 croyait que sa vie, de même que celles de la TC no 1 et de ses enfants, étaient maintenant en péril. L’AT no 11 s’est mis dans une position agenouillée à côté de l’AI no 2 dans l’embrasure de la chambre. Moins d’une minute plus tard, M. Maloney est soudainement sorti en courant de la salle d’ordinateur en tenant une hachette au dessus de la tête, la lame pointée vers l’extérieur. M. Maloney criait et courait vers la chambre du fond. Tandis que M. Maloney arrivait à environ cinq pieds [1,52 mètre] de la porte de la chambre, l’AI no 2 a pointé son arme à feu sur la poitrine de M. Maloney et a tiré au moins un coup mais moins de cinq. La ou les balles ont atteint M. Maloney à la poitrine, et il s’est plié au niveau de la taille. M. Maloney est alors tombé en avant, en tournant le dos à la porte ouverte pendant qu’il tombait, puis il a glissé jusqu’au mur. Il tenait encore la hachette à la main droite. L’AI no 2 a lentement reculé. M. Maloney était en position assise le dos contre la porte ouverte de la chambre lorsque l’AI no 3, qui était à genoux à environ deux pieds [0,61 mètre] à gauche de l’AI no 2, a tiré un coup avec sa carabine. M. Maloney s’est écroulé vers l’avant sur sa droite avec toujours la hachette dans sa main droite et sous son corps. L’AT no 11 s’est alors approché et a saisi les mains et les bras de M. Maloney comme pour le menotter.

L’AI no 3 a déclaré que, lorsqu’il est entré dans la résidence, lui et l’AI no 2 ont traversé le salon et se sont dirigés vers la chambre du fond. Alors qu’ils passaient devant la salle d’ordinateur située à gauche, l’AI no 3 a entendu un coup de feu puis a entendu la TC no 1 crier. La chambre du fond était dans l’obscurité et, tandis que l’AI no 3 y entrait, il a vu un enfant en bas âge debout dans un berceau et un nourrisson couché sur le lit. L’AI no 3 était dans la chambre depuis environ quatre secondes lorsque la TC no 1 s’est précipitée à l’intérieur et a saisi ses enfants. à ce moment là, l’AI no 2, l’AI no 3 et l’AT no 11 se trouvaient aussi dans la chambre. L’AI no 3 a entendu un agent dire [traduction] « L’homme a un pistolet » et qu’un agent avait été touché. L’AI no 3 a craint pour sa vie ainsi que celles de la TC no 1, des enfants et des autres agents. La TC no 1 a tenté de sortir de la chambre et l’AI no 3 a essayé de la maîtriser physiquement, mais sans succès. La TC no 1 poussait des cris et les enfants pleuraient. L’AI no 3 croyait que les autres agents avaient battu en retraite dans la maison après la fusillade, si bien qu’il a dit à la radio qu’il y avait encore trois membres de l’équipe dans la chambre du fond. Quelques secondes après, il a entendu l’AI no 1 négocier avec M. Maloney et a appris que l’AI no 1 avait été touché par un projectile lancé par une arbalète, que M. Maloney avait encore en sa possession. L’AI no 3 a envisagé d’évacuer les enfants par la fenêtre de la chambre, tandis que l’AT no 11, sur la radio, demandait des boucliers balistiques.

L’AI no 3 a déclaré que deux minutes après environ, il a entendu M. Maloney émettre un râle constant et commencer à se diriger vers la chambre. L’AI no 3 a entendu plusieurs coups de feu et a vu l’AI no 2, dans l’embrasure de la porte de la chambre, faire feu avec son arme semi automatique. L’AI no 3 croyait qu’il y avait un échange de coups de feu entre l’AI no 2 et M. Maloney. Lorsque l’AI no 2 s’est soudainement mis en retrait de la porte ouverte de la chambre, l’AI no 3 a cru que M. Maloney avait tiré et atteint l’AI no 2. M. Maloney est rapidement passé devant l’AI no 2 et s’est engagé dans la porte et, comme il passait, il s’est retourné et a fait face à l’AI no 2 avant de tomber sur les fesses. Les yeux de M. Maloney étaient ouverts et il tenait un objet sombre dans la main droite. L’AI no 3 a cru qu’il s’agissait d’un pistolet. Il ne voyait aucune blessure sur M. Maloney. à une distance d’environ quatre pieds [1,22 mètre], l’AI no 3 a tiré une balle dans la tête de M. Maloney, ayant l’intention de mettre fin à la menace le plus rapidement possible. Selon l’AI no 3, une seconde s’était écoulée entre le moment où M. Maloney était entré dans la chambre et celui où l’AI no 3 avait fait feu avec son arme. M. Maloney est alors tombé sur le côté et semblait neutralisé. Il y avait un long couteau dans son fourreau sur le côté gauche de la ceinture de M. Maloney et une hachette de couleur foncée sur le plancher, à côté de sa main droite. L’AI no 3 s’est alors rendu compte que c’était une hachette que M. Maloney avait brandie et non une arme de poing. L’AI no 3 a remarqué un pistolet à air ressemblant vraiment à une arme de poing posé sur une commode dans la chambre, ainsi qu’une hachette de grande taille, ou une hache, dans son fourreau au niveau de la tête du lit.

L’AT no 11 a déclaré qu’il est entré dans la maison en criant « Police, mandat de perquisition » et qu’il a suivi l’AI no 1 dans la salle d’ordinateur. La porte était fermée, de sorte que l’AI no 1 l’a forcée avec son épaule pour l’ouvrir puis ils sont entrés. La TC no 1 était assise sur le plancher juste dans l’entrebâillement de la porte en leur faisant face et elle criait qu’ils n’avaient pas le droit d’être chez elle. L’AI no 1 s’est penché en avant pour faire sortir la TC no 1 de la salle d’ordinateur, mais elle a résisté. L’AT no 11 a alors vu l’AI no 1 regarder vers la droite et crier soudainement [traduction] « Il a un pistolet. » L’AI no 1 a fait feu avec sa carabine en direction du coin de la salle d’ordinateur. L’AT no 11 a immédiatement saisi l’AI no 1 par sa veste de protection pour le tirer vers l’arrière et le faire sortir vers la salle d’ordinateur, en lui faisant franchir le couloir étroit et le faisant entrer dans la salle à manger. Ce faisant, il a vu la TC no 1 courir vers la chambre du fond. L’AT no 11 savait que des agents de l’EIU avaient été assignés à la chambre du fond, si bien qu’il a couru après la TC no 1. Lorsqu’il est entré dans la chambre, l’AT no 11 a vu un bébé et un enfant en bas âge sur un lit double. Se trouvaient aussi dans la chambre l’AI no 2 et l’AI no 3. La chambre était dans la pénombre. Pendant que l’AI no 3 surveillait la TC no 1 et ses enfants, l’AI no 2 se mettait en position haute tandis que l’AT no 11 se mettait en position basse à la porte de la chambre. Les deux agents pointaient leurs armes en direction de la salle à manger et de la salle d’ordinateur. L’AI no 1 a alors crié qu’il croyait qu’on lui avait tiré dessus avec une arbalète, mais qu’il allait bien. L’AT no 11 a entendu l’AI no 1 crier à M. Maloney de sortir de la salle d’ordinateur les mains vides, mais M. Maloney n’a pas obtempéré. Soudain, la TC no 1 a glissé du lit et s’est assise sur le sol avec ses enfants dans les bras, directement à côté de l’AT no 11. Craignant que la TC no 1 et ses enfants seraient exposés et dans la ligne de feu, l’AI no 3 a saisi la TC no 1 et ses enfants pour les remettre sur le lit. Comme l’AI no 3 perdait sa prise sur le tout petit, l’AT no 11 a rengainé son pistolet, a saisi le tout petit et l’a replacé sur le lit.

L’AT no 11 a déclaré qu’il se tenait debout au pied du lit, le dos contre l’AI no 2, qui pointait toujours son arme à feu en direction du couloir, lorsqu’il a soudainement entendu des coups de feu. Comme l’AT no 11 se retournait vers l’AI no 2, quelqu’un lui rentrait dedans avec une telle force qu’il est tombé sur les fesses au pied du lit, en faisant face à la porte ouverte. L’AT no 11 a vu M. Maloney atterrir sur ses fesses, le dos contre la porte ouverte. L’AT no 11 a vu M. Maloney sortir sa main droite pour saisir quelque chose de noir au niveau de la ceinture. Comme l’AT no 11 dégainait son pistolet et le pointait en direction de M. Maloney, deux coups de feu ont été entendus et M. Maloney s’est effondré sur le ventre. L’AT no 11 craignait que M. Maloney ait une arme à feu de dissimulée sous son ventre et, comme il ne pouvait voir ni la main ni le bras droit de M. Maloney, il a rengainé son pistolet et a saisi les bras de M. Maloney et les lui a mis dans le dos, et c’est alors qu’il a constaté que M. Maloney était inerte et qu’il s’est rendu compte qu’il était mort.

L’AT no 12 a dit aux enquêteurs que dans la minute qui a suivi l’instruction donnée à l’EIU d’entrer dans la maison, il a entendu sur la radio [traduction] « coup tiré », ce qui indiquait qu’un membre de l’EIU avait fait feu avec son arme. Il ne savait pas qui avait annoncé le coup de feu tiré. L’AT no 12 a aussi entendu, sur la radio, que M. Maloney était à l’intérieur de la maison, qu’il avait une arme de poing et qu’on avait tiré sur l’AI no 1 avec une arbalète, mais que la flèche l’avait atteint sur son gilet pare balle et qu’il allait bien. L’AT no 12 est entré dans la maison et a vu l’AI no 1 dans le salon en train d’engager verbalement M. Maloney. L’AI no 1 demandait à M. Maloney s’il était blessé et s’il voulait des services médicaux d’urgence (SMU). M. Maloney a répondu « oui » et l’AI no 1 a demandé à M. Maloney de sortir sans armes. L’AT no 12 savait que des membres de l’EIU se trouvaient dans la chambre du fond avec deux enfants et qu’ils avaient demandé des boucliers balistiques. L’AT no 12 a ensuite entendu un fort grognement de colère venant de M. Maloney, qui a été suivi d’un certain nombre de coups de feu tirés. La TC no 1 criait de façon hystérique. Vers 6 h 11, l’AT no 12 a entendu sur la radio l’annonce que M. Maloney était touché. On a fait sortir la TC no 1 et ses enfants de la chambre à coucher et on les a amenés au salon. L’AT no 12 est entré dans la chambre du fond et a trouvé ce qui lui semblait être une vraie arme de poing sur la commode; il a ultérieurement été déterminé qu’il s’agissait d’un pistolet pneumatique Diana Air 5.

L’AT no 10 a indiqué qu’il a suivi l’AT no 5 dans le salon et qu’il a continué d’avancer pour se mettre en position à l’entrée de la cuisine. à moins de deux pas de l’entrée de la cuisine, l’AT no 10 a entendu deux coups de feu provenant de la direction de la chambre du fond. Il a aussi entendu à la radio [traduction] « coup tiré » et a ensuite entendu de l’agitation dans la zone de la salle d’ordinateur, puis il a vu l’AI no 1 et l’AT no 5 arriver du couloir et reculer dans la cuisine. L’AT no 10 a entendu le mot « pistolet » qui était annoncé, et l’AI no 1 disait qu’on lui avait tiré une flèche au moyen d’une arbalète, mais qu’il allait bien. L’AI no 1 a demandé à plusieurs reprises à M. Maloney de sortir de la salle d’ordinateur avec rien dans les mains. M. Maloney a exigé [traduction] « Montrez moi le mandat. » L’AI no 1 a demandé à M. Maloney s’il avait besoin de SMU, ce à quoi M. Maloney a répondu oui. L’AT no 10 a entendu les agents de police se trouvant dans la chambre dire qu’il y avait la TC no 1 et ses enfants dans la chambre du fond, et il a entendu l’AT no 11 demander un bouclier. L’AT no 10 a ensuite entendu un fort grognement suivi de deux ou trois coups de feu. Après n’avoir fait que deux ou trois pas à l’intérieur de la salle à manger, l’AT no 10 a entendu quelqu’un annoncer sur la radio que le sujet était touché. L’AT no 10 est retourné dans la cuisine et, avec l’AI no 2, s’est assuré que le sous sol de la résidence était sécuritaire. Lorsque l’AT no 10 est remonté au rez de chaussée, il a vu M. Maloney qui gisait mort dans la chambre du fond.

L’AT no 6 a déclaré qu’il est entré dans la résidence de M. Maloney derrière l’AT no 9 et que les deux agents sont entrés dans le bureau vide à l’avant de la maison qui se trouve immédiatement à gauche en entrant. Les deux policiers pouvaient entendre la TC no 1 crier dans la salle d’ordinateur adjacente. L’AT no 9 a déclaré que, depuis le couloir, il a jeté un œil dans la salle d’ordinateur et qu’il a vu la TC no 1 adossée contre une porte fermée; il l’a alors illuminée avec la torche fixée sur sa carabine et lui a crié de montrer ses mains, ce qu’elle a fait. L’AT no 9 a indiqué que, de l’endroit où il se trouvait, à environ huit à dix pieds [2,44 à 3,05 mètres] de là, il ne pouvait pas voir l’intérieur de la pièce. L’AI no 1 a alors forcé l’ouverture de la porte arrière donnant sur le bureau, heurtant par inadvertance la TC no 1 et la faisant tomber par terre. L’AT no 9 a entendu l’AI no 1 crier [traduction] « Laissez tomber le pistolet », mais il ne pouvait pas voir qui d’autre était dans la pièce. L’AT no 6 a indiqué qu’il a alors entendu deux coups de feu, tandis que l’AT no 9 a observé l’AI no 1 faire feu trois fois avec sa carabine puis sortir de la pièce en criant [traduction] « Laissez tomber le pistolet. » L’AI no 1 a ensuite annoncé sur la radio [traduction] « coup tiré » et a indiqué qu’on lui avait tiré dessus possiblement avec un pistolet ou une arbalète.

L’AT no 6 a vu l’AI no 1 au seuil de la salle d’ordinateur sa carabine pointée à l’intérieur de la pièce et l’a entendu annoncer « coup tiré » sur sa radio portable. L’AT no 6 a de nouveau entendu la TC no 1 crier et les enfants pleurer. Les membres de l’EIU communiquaient verbalement entre eux et criaient. L’AT no 6 et l’AT no 9 sont retournés vers la porte d’entrée et l’AT no 6 a entendu quelqu’un déclarer qu’on avait tiré sur l’AI no 1 avec une arbalète mais qu’il allait bien. L’AT no 9 a vu la TC no 1 courir vers la chambre du fond. L’AT no 6 a entendu un agent inconnu de l’EIU déclarer que M. Maloney n’obtempérait pas à l’ordre de sortir de la pièce les mains vides. Quelqu’un a crié que M. Maloney avait un pistolet à la main. L’AT no 9 a demandé à l’AT no 6 d’obtenir des boucliers balistiques, et l’AT no 6 a couru jusqu’à la porte d’entrée puis est allé chercher les boucliers dans la fourgonnette de l’EIU. Pendant qu’il se trouvait à l’extérieur, l’AT no 6 a entendu plusieurs coups de feu puis a entendu à la radio l’annonce que M. Maloney était touché.

L’AT no 9, qui était toujours à l’intérieur de la maison, a déclaré avoir entendu plus d’un coup de feu et, peu de temps après, avoir vu la TC no 1 sortir du salon en portant ses jeunes enfants. L’AT no 9 a examiné l’AI no 1 pour une éventuelle blessure par balle, et il a vu ce qu’il pensait être soit une balle soit l’extrémité métallique brisée d’une flèche d’arbalète incrustée dans l’une des plaques balistiques de la veste de protection de l’AI no 1, laquelle avait apparemment empêché la balle ou la pointe cassée de pénétrer dans le corps de l’AI no 1.

L’AT no 5 a déclaré qu’après être entré dans la maison, il s’est dirigé vers le salon. Moins de 20 secondes après son entrée dans la résidence, il a entendu un coup de feu et quelqu’un crier [traduction] « coup tiré ». Il a vu l’AI no 1 reculer de la salle d’ordinateur en criant [traduction] « Il a un pistolet. » L’AT no 5 a pris une position en se tenant debout par dessus l’AI no 1, lequel était en position à genoux dans le pas de la porte de la cuisine, couvrant la salle d’ordinateur. L’AI no 1 a dit à l’AT no 5 qu’on lui avait tiré dessus. L’AT no 5 lui a demandé s’il était blessé et l’AI no 1 a répondu qu’il se sentait bien. L’AT no 5 croyait que l’AI no 1 avait reçu une balle. L’AI no 1 a essayé de négocier avec M. Maloney, mais ce dernier parlait d’un ton colérique et avec défiance. La TC no 1 n’arrêtait pas de crier depuis la chambre du fond. L’AT no 5 a entendu l’appel d’un membre de l’EIU sur la radio qui disait que les agents étaient enfermés dans la chambre du fond avec la TC no 1 et ses enfants et qu’ils ne pouvaient pas évacuer de façon sécuritaire les enfants sans boucliers balistiques pour assurer leur protection. Environ deux à trois minutes plus tard, M. Maloney, qui était torse nu, a couru en criant dans le couloir jusqu’à la chambre du fond. M. Maloney se déplaçait si rapidement que l’AT no 5 n’a pas eu le temps de lever son arme. Une seconde après, l’AT no 5 a entendu plusieurs coups de feu tirés de la chambre du fond. L’AT no 5 s’est rendu jusqu’à la chambre et a vu M. Maloney gisant sur le sol.

Paragraphe 25(1) et paragraphe 34(1)

En vertu du paragraphe 25(1) du Code criminel, les agents de police peuvent seulement recourir à la force qui est raisonnablement nécessaire dans l’exécution d’une obligation légale. à la lumière de la preuve qui m’a été soumise, il est clair que deux buts étaient poursuivis le matin du 23 décembre, lorsque l’EIU du SPL s’est rendue à la résidence de M. Maloney.

Le premier but a été énoncé dans le mandat de perquisition : saisir les ordinateurs de M. Maloney comme preuve de son implication dans les infractions qu’on lui reprochait concernant le Cinéma. Plusieurs agents ont été informés d’une réunion tenue le 20 décembre lors de laquelle on a discuté de l’enquête et on a réparti les tâches. L’AT no 22 a dit aux enquêteurs qu’il avait présidé la réunion en présence de nombreux policiers. Il n’y avait aucun procès verbal de cette réunion. L’AT no 22 a déclaré que, lors de cette réunion, l’AT no 16 a été chargé de l’obtention d’un mandat de perquisition pour la résidence de M. Maloney et l’AT no 22 a examiné le dossier et les antécédents de M. Maloney, y compris les articles de M. Maloney publiés sur Facebook qui renvoyaient à des événements susceptibles de se produire le 25 décembre 2016. L’AT no 22 voulait que le mandat de perquisition prenne effet avant le 21 décembre 2016, mais qu’il soit exécuté le 23 décembre 2016, car on prévoyait que M. Maloney serait arrêté à l’extérieur de sa résidence avant cette date. La raison pour laquelle on avait l’intention d’arrêter M. Maloney à l’extérieur de sa résidence avant l’exécution du mandat de perquisition était qu’on voulait éviter une confrontation potentiellement violente avec lui pendant l’exécution du mandat de perquisition, le 23 décembre 2016.

L’AT no 21 a également dit aux enquêteurs que la réunion était présidée par l’AT no 22 et qu’elle avait pour objet de discuter de stratégies concernant l’exécution d’un mandat de perquisition à la résidence. L’AT no 21 a été questionné au sujet de l’aspect informatique du mandat de perquisition et on l’a chargé, lui ainsi que l’AT no 24, de prêter assistance à l’AT no 16 – qui n’avait jamais rédigé de mandat de perquisition auparavant – dans la rédaction du mandat. L’AT no 23 a confirmé que la réunion du 20 décembre a été présidée par l’AT no 22 et que, lors de cette réunion, la conduite de l’enquête a été transférée à l’EIU du SPL et l’on a confié à l’AT no 16 la tâche de préparer le mandat de perquisition. Plus tard ce jour là, lorsque l’AT no 23 a appris de la TC no 5 que tous les serveurs pour le Cinéma se trouvaient dans le sous sol de la résidence de M. Maloney, il a transmis cette information à l’AT no 16, car elle serait manifestement d’une importance critique pour la rédaction du mandat de perquisition. L’AT no 24, le superviseur de l’EIU du SPL, était aussi présent à la réunion du 20 décembre. L’enquête a été confiée à son unité car les documents ne répondaient pas au critère d’un crime haineux. L’AT no 24 a chargé l’AT no 16 de rédiger le mandat, bien que l’AT no 16 n’aie jamais auparavant pris part à l’établissement d’un mandat de perquisition au cours de sa carrière, et l’AT no 24 allait l’aider dans cette tâche. L’AT no 24 a déclaré qu’il n’avait aucun problème à guider l’AT no 16, car il avait rédigé des centaines de mandats au cours de ses années passées à l’Unité des fraudes et des crimes majeurs. L’AT no 24 a relu la version finale du mandat avant d’aller la faire signer par un juge de paix.

L’AT no 16 a dit aux enquêteurs qu’il a demandé conseil à l’Unité des enquêtes judiciaires numériques du SPL au sujet de la production du mandat de perquisition. L’AT no 8 de cette unité, après avoir examiné les hyperliens, a confirmé que l’auteur de la « propagande » était M. Sam Maloney et que l’infraction en cause était l’utilisation non autorisée d’ordinateur, et il a conseillé à l’AT no 16 d’avoir la dénonciation correspondante en vue d’obtenir un mandat de perquisition qui reflète cette infraction.

L’AT no 8 a dit aux enquêteurs qu’après l’exécution du mandat de perquisition, il est entré dans la résidence de M. Maloney et a cherché les ordinateurs de la TC no 1, mais n’a rien trouvé qui avait une valeur probante. Il a ensuite trouvé de nombreux ordinateurs et accessoires dans la salle d’ordinateur, ainsi qu’un gros serveur dans le sous sol qui desservait les multiples ordinateurs. L’AT no 21 a déclaré qu’il a aidé l’AT no 8 à photographier et à sécuriser les appareils informatiques aux fins de preuve. Avec l’aide des membres de l’Unité judiciaire numérique du SPL, l’AT no 8 a saisi un certain nombre de systèmes informatiques et d’ordinateurs portables, lesquels ont été apportés au laboratoire du SPL pour un examen plus approfondi. En fin de compte, aucune valeur probante n’a été trouvée. En fait, il n’a pas été possible de fouiller le contenu des ordinateurs et du serveur en raison du niveau élevé de cryptage.

Le mandat de perquisition décerné par le juge de paix le 21 décembre anticipait clairement et autorisait la localisation et la saisie du matériel informatique de M. Maloney, car il autorisait expressément la saisie de tout système informatique et appareil de stockage de données, de tout document écrit comportant des mots de passe informatiques et de tout document concernant les occupants de la résidence qui aiderait à prouver leur occupation de la maison et le contrôle qu’ils avaient donc de tout matériel informatique qui s’y trouvait.

Tout cela mène à l’inévitable conclusion que l’objet initial du mandat de perquisition était de saisir le matériel informatique de M. Maloney. Les plans ont été clairement discutés et la décision a été prise, à la réunion du 20 décembre, d’arrêter M. Maloney à l’extérieur de sa résidence soit le 21 soit le 22 décembre, en sorte que les agents puissent entrer dans la résidence de M. Maloney le 23 décembre, en vertu du mandat de perquisition, afin d’exécuter le mandat et de saisir le matériel informatique sans que M. Maloney soit présent dans la maison. L’AI no 1, l’un des trois agents impliqués et le premier à avoir tiré sur M. Maloney le 23 décembre, a dit aux enquêteurs que, le 22 décembre, il était l’un des quatre membres de l’EIU à qui on avait assigné la tâche de surveiller la résidence de M. Maloney, avec mandat de l’arrêter s’il était vu à l’extérieur de la maison. On savait que M. Maloney, la TC no 1 et leurs deux enfants se trouvaient tous alors à l’intérieur de la maison.

Le deuxième but de l’entrée de l’EIU à 6 h du matin, le 23 décembre, dans la résidence de M. Maloney était clairement de trouver et d’arrêter M. Maloney. Bien que le plan énoncé par l’AT no 22 lors de la réunion du 20 décembre était d’arrêter M. Maloney à l’extérieur de sa résidence soit le 21 soit le 22 décembre, c’est à dire bien avant l’exécution du mandat de perquisition, cela ne s’est pas produit. L’AT no 22 a reconnu cela et a indiqué aux enquêteurs que, le 22 décembre, lui et l’AT no 1 ont pris la décision que le mandat de perquisition serait exécuté à 6 h du matin, le 23 décembre, par l’EIU, en utilisant une entrée dynamique. C’est l’AT no 1 qui commandait l’intervention sur place relativement à l’exécution du mandat de perquisition à la résidence M. Maloney, et il a dit aux enquêteurs qu’il était parfaitement au courant des antécédents de M. Maloney et de sa propension à adopter un comportement antisocial. L’AT no 1 a déclaré que c’était lui l’agent qui avait approuvé une entrée dynamique dans la résidence, mais il a soutenu que c’était dans le but de préserver la preuve informatisée. Comme l’a expliqué l’AT no 12, on avait expressément dit à l’agent en charge de l’EIU du SPL, qui avait assisté à une réunion avec l’AT no 1 et l’AT no 22 le 22 décembre, que la cible du mandat de perquisition était M. Sam Maloney, qui était connu du SPL pour avoir des positions anti police, anti gouvernement et anti establishment et que l’on recourait à l’EIU du SPL parce que l’entrée dans le domicile allait être de nature dynamique. Les agents de breffage ont aussi mentionné le mandat de perquisition qui avait été effectué à la même adresse en 2007 et lors duquel une cache d’armes à feu avait été saisie. Aucun de ces renseignements, cependant, n’a été inclus dans la dénonciation rédigée en vue de l’obtention du mandat de perquisition.

Malgré l’affirmation de l’AT no 1 selon laquelle on allait effectuer une entrée dynamique dans la résidence à 6 h du matin (moment auquel lui et les autres savaient que M. Maloney serait présent avec sa conjointe et leurs deux enfants) afin de préserver la preuve informatisée, il est clair que la raison véritable était de s’assurer que M. Maloney était chez lui, de manière à ce qu’il puisse être arrêté. étant donné que la police était au courant de la propension de M. Maloney à la violence et du fait que l’on pensait que des armes se trouvaient chez lui, je crois que c’est l’arrestation de M. Maloney qui était la véritablement justification du recours à l’EIU, du moment choisi tôt le matin (et donc avec un élément de surprise) pour procéder à l’entrée et de la manière de cette entrée.

Malheureusement, le mandat de perquisition est muet sur la question de l’arrestation de M. Maloney. La dénonciation sous jacente est également muette sur tous les aspects des antécédents de M. Maloney, y compris toute information qui aurait justifié de faire appel à l’EIU dans l’exécution du mandat de perquisition, notamment le mandat de perquisition de 2007 qui avait été exécuté à la résidence de M. Maloney et lors duquel nombre d’armes à feu ont été saisies, l’information selon laquelle M. Maloney avait une arbalète chez lui et l’information que M. Maloney avait physiquement agressé la TC no 1 dans le passé. Bien qu’on ne sache pas pourquoi ces renseignements n’ont pas été inclus dans la dénonciation montrée au juge de paix lorsque l’autorisation du mandat de perquisition était demandée, je n’ai aucune preuve, ni aucune raison de croire, qu’ils ont été omis à des fins trompeuses.

évidemment, sans autorisation judiciaire, aucun des agents impliqués n’aurait été fondé à invoquer le paragraphe 25(1) du Code Criminel pour justifier son recours à la force contre M. Maloney à l’intérieur de sa résidence. Les agents présents, cependant, étaient ils fondés à se fier au mandat de perquisition qui avait été décerné pour la recherche et la saisie du matériel informatique et des documents connexes comme autorisation judiciaire d’entrer dans la résidence de M. Maloney dans le but de l’arrêter? Plus succinctement, les agents qui sont entrés dans la résidence le matin du 23 décembre 2017 agissaient ils dans l’exécution légitime de leurs fonctions? Cette question est d’autant plus pertinente que l’AI no 1, qui savait précisément, de ses fonctions remplies la veille, que l’intention était d’arrêter M. Maloney lorsqu’ils entreraient dans la maison. Mais en fait, aux dires de l’AI no 1, tous les agents présents étaient en possession de cette information à l’issue de la séance d’information qui avait été tenue plus tôt le matin du 23 décembre, tandis que l’on avait dit à lui même et aux autres membres de l’EIU que la cible était M. Maloney et qu’il devait être arrêté pour méfait à l’égard de données et utilisation non autorisée d’ordinateur.

Dans l’arrêt R. c. Feeney, [1997] R.C.S. no 49, la Cour suprême du Canada a statué que, sauf dans des circonstances exceptionnelles, les policiers ne peuvent procéder à des arrestations sans mandat (sans autorisation judiciaire) dans une maison privée. Dans le cas qui nous occupe, les agents de l’EIU avaient l’autorisation judiciaire d’entrer dans la résidence de par le mandat de perquisition qui avait été décerné pour la saisie du matériel informatique, mais cette autorisation était muette sur la question de l’arrestation anticipée de M. Maloney. Récemment, dans la décision R. c. Rodgerson, [2016] O.J. no 5886 (C.S.J.), la juge Bird a déterminé qu’il n’était pas nécessaire à la police d’obtenir un mandat Feeney distinct (autorisant la police à entrer de force dans une résidence pour effectuer une arrestation) si la police avait déjà un mandat pour entrer dans la résidence afin de saisir des biens, et ce, même si la police savait que la cible se trouvait chez elle et que son intention était de l’arrêter. La juge Bird s’est appuyée sur la décision que le juge Nordheimer a rendue dans R. c. Lucas, [2009] O.J. no 5333 (C.S.J.), et dans laquelle il a déclaré qu’il serait redondant d’exiger de la police qu’elle obtienne une autorisation complémentaire (ou mandat Feeney) pour entrer dans le domicile pour lequel elle était déjà munie d’un mandat valide d’entrée et de perquisition. La juge Bird s’est également appuyée sur la décision que la juge Pardu (tel était alors son titre) a rendue dans R. c. Pierre, 2011 ONSC no 3388 (C.S.J.) ainsi que sur la décision R. c. Al Amiri, [2015] N.J. no 270 de la Cour d’appel de Terre Neuve. Bien que la juge Bird ait souligné que la dénonciation pour obtenir le mandat de perquisition dans l’affaire dont elle était saisie révélait la présomption que la cible se trouverait chez elle (information qui n’a pas été divulguée dans la dénonciation en l’espèce), je crois que le cas est encore applicable dans la présente affaire. En cherchant à obtenir un mandat de perquisition pour la résidence de M. Maloney il serait naturel et attendu de supposer que M. Maloney serait probablement à son domicile, d’autant plus que la dénonciation n’informait pas le juge de paix du plan selon lequel M. Maloney devait être arrêté avant l’exécution du mandat. Même si l’agent, dans l’affaire R. c. Rodgerson, avait demandé l’autorisation expresse d’une entrée dynamique et exposé ses motifs de croire qu’une telle entrée était nécessaire, la juge Bird, en s’appuyant sur R. c. Al Amiri et sur R. c. Thompson, [2010] O.J. no 2070 (C.S.J.), a reconnu que la loi n’exigeait pas que la police obtienne pareille autorisation.

Par conséquent, je conclus que l’AI no 1, l’AI no 2 et l’AI no 3 agissaient dans l’exécution légitime de leurs fonctions lorsqu’ils sont entrés dans la résidence de M. Maloney et ont confronté M. Maloney.

La question suivante consiste alors à déterminer si leur recours à la force, en l’occurrence lorsqu’ils ont tiré sur M. Maloney, était raisonnablement nécessaire dans les circonstances. Une question qui est clairement liée à celle ci, mais qui est distincte de l’enquête sur la possibilité d’invoquer les paragraphes 25(1) et (3), est celle de la légitime défense prévue au paragraphe 34(1) du Code criminel. En vertu du paragraphe 34(1), l’AI no 1, l’AI no 2 et l’AI no 3 étaient chacun fondés à tirer sur M. Maloney si :

  1. chacun de ces agents croyait, pour des motifs raisonnables, que la force était employée contre lui ou une autre personne ou qu’on menaçait d’employer la force contre lui ou une autre personne;
  2. chacun de ces agents a tiré sur M. Maloney dans le but de se défendre ou de se protéger – ou de défendre ou de protéger une autre personne – contre l’emploi ou la menace d’emploi de la force;
  3. la fusillade était raisonnable dans les circonstances.

Aux termes du paragraphe 34(2), pour décider si la fusillade était raisonnable dans les circonstances, il me faut tenir compte de facteurs tels que les suivants :

  1. la nature de la force ou de la menace à l’endroit de l’agent;
  2. la mesure dans laquelle l’emploi de la force était imminent et l’existence d’autres moyens pour parer à son emploi éventuel;
  3. le rôle joué par M. Maloney lors de l’incident;
  4. la question de savoir si M. Maloney a utilisé ou menacé d’utiliser une arme;
  5. la taille, l’âge, le sexe et les capacités physiques des parties en cause;
  6. la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
  7. l’historique des interactions ou communications entre les parties en cause;
  8. la proportionnalité de la réaction de l’agent à l’emploi ou à la menace d’emploi de la force de M. Maloney;
  9. la question de savoir si la fusillade a été en réaction à un emploi ou à une menace d’emploi de la force que l’agent savait légitime.

En commençant par l’AI no 1, je conviens que, lorsqu’il a tenté d’entrer dans la salle d’ordinateur de la résidence de M. Maloney, il a donné un coup de pied à la porte et a crié [traduction] « Police, mandat de perquisition, mettez vous à terre, » et que la porte s’est alors ouverte partiellement puis qu’elle a été refermée de l’intérieur. L’AI no 1 a alors enfoncé la porte d’un coup d’épaule, faisant tomber la TC no 1 dans cette manœuvre, et, au même moment, M. Maloney a immédiatement tiré sur l’AI no 1 avec son arbalète, l’atteignant à l’abdomen. Compte tenu de la preuve selon laquelle M. Maloney était éveillé et à son ordinateur avant l’entrée de la police et qu’il y avait des caméras à l’extérieur de la résidence, ce qui aurait révélé la présence de la police à M. Maloney avant l’entrée des policiers dans son domicile, je crois que M. Maloney attendait que l’AI no 1 entre dans la pièce pour pouvoir lui tirer dessus. Je note que même après avoir tiré sur l’AI no 1 avec l’arbalète, M. Maloney a continué de pointer l’arbalète armée en direction de l’agent. Alors qu’il croyait qu’on venait de lui tirer dessus (ce qui, en fait, était le cas), qu’il croyait que M. Maloney était armée et d’une arbalète et d’un pistolet et qu’il pensait que M. Maloney pouvait de nouveau lui tirer dessus, l’AI no 1 a tiré trois coups de feu sur M. Maloney, l’atteignant une fois à l’épaule. Je ne crois pas que l’on puisse douter que l’AI no 1 n’ait pas employé plus de force que ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances étant donné qu’on venait de lui tirer dessus avec une arbalète presque à bout portant et qu’il s’attendait raisonnablement à ce qu’on lui tire dessus de nouveau. Par conséquent, j’accepte que les actions de l’AI no 1 étaient justifiées tant en vertu du paragraphe 25(3) que du paragraphe 34(1).

Le deuxième agent qui a eu recours à la force contre M. Maloney était l’AI no 2. Lui et l’AI no 3 étaient dans une position différente de celle de l’AI no 1 quant à leur emploi de la force, mais l’un l’autre dans une position similaire. Ni l’AI no 2 ni l’AI no 3 n’a reçu de tir ni n’a été agressé physiquement par M. Maloney, car les deux agents étaient restés dans la chambre du fond avec la TC no 1 et les enfants. Toutefois, pendant leur interaction avec M. Maloney, ils savaient qu’il était armé et qu’il avait déjà tiré sur leur collègue. Ils savaient aussi qu’il ne se conformait pas aux exigences de la police, qu’il était contre la police et qu’il était connu pour posséder des armes.

Après que M. Maloney eut tiré sur l’AI no 1 et qu’il eut reçu des tirs en retour, plusieurs agents ont vu M. Maloney sortir en courant de la salle d’ordinateur une arme à la main et se diriger vers la chambre du fond, où se trouvaient sa conjointe et les enfants en bas âge. L’AI no 1 a entendu M. Maloney crier « Ahhhhhhh » et l’a vu courir en direction de la chambre du fond un objet sombre à la main gauche. L’AI no 2 a déclaré qu’après que M. Maloney a vu où il se trouvait dans la chambre du fond, M. Maloney est soudainement sorti en courant de la salle d’ordinateur en tenant une hachette au dessus de sa tête, la lame pointée vers l’extérieur, en criant et en se précipitant vers la chambre du fond. Je suis convaincu que l’objet sombre vu par l’AI no 1 et ultérieurement par l’AI no 3 que M. Maloney tenait à la main lorsqu’il est entré dans la chambre était la hachette qu’avait vue l’AI no 2 (tel que montrée dans la photo incluse plus haut), étant donné qu’elle a été observée près du corps de M. Maloney après que l’AI no 2 et l’AI no 3 aient fait feu sur lui. L’AT no 11 a également indiqué que M. Maloney cherchait à saisir quelque chose au niveau de sa ceinture lorsqu’il est entré dans la chambre. Des témoins civils ont aussi indiqué aux enquêteurs de l’UES que M. Maloney gardait un couteau dans sa ceinture. Comme on peut le voir plus haut, plusieurs couteaux ont été trouvés sur la personne de M. Maloney.

L’AI no 3 a aussi entendu M. Maloney émettre un râle constant tandis qu’il commençait à se diriger vers la chambre, lorsque que l’AT no 12 a entendu un fort grognement de colère venant de M. Maloney et que l’AT no 10 a entendu M. Maloney émettre un « Ahhhhhhh » très sonore avant les derniers coups de feu tirés. L’AT no 5 a indiqué que M. Maloney était torse nu lorsqu’il est sorti en courant de la salle d’ordinateur et qu’il s’est précipité dans le couloir qui mène à la chambre du fond. Je retiens que tel était le comportement de M. Maloney lorsqu’il est sorti de la salle d’ordinateur et qu’il s’est dirigé vers la chambre du fond. Bien que le TC no 4 ait indiqué qu’il n’a pas entendu M. Maloney crier lorsqu’il était sur une ligne téléphonique ouverte avec lui, le TC no 3 a déclaré que, lui, a entendu M. Maloney crier. Je note que le TC no 4 n’a pas non plus entendu l’AI no 1 indiquer qu’on lui avait tiré dessus ni n’a entendu M. Maloney demander à voir le mandat ni demander une attention médicale, autant de paroles dont je conviens qu’elles ont été dites. étant donné le chaos de la scène dans la maison ce matin là, je ne suis pas étonné que le TC no 4 ait pu ne pas entendre tout ce qui a été dit par les personnes présentes dans la maison à ce moment là. Je conclus que c’est peut être parce que le téléphone à la résidence de M. Maloney était gardé dans la salle d’ordinateur et qu’il est probablement resté là pendant que M. Maloney courait vers la chambre du fond.

Pendant tout ce temps, l’AI no 2 et l’AI no 3 se trouvaient dans une pièce sombre avec la TC no 1 et ses deux jeunes enfants. Alors que M. Maloney courait dans le couloir, la hachette à la main, en direction de la chambre du fond, l’AI no 2 a fait feu sur lui en tirant cinq coups de suite, touchant trois fois M. Maloney. Compte tenu de cette preuve et dans ces circonstances, j’admets que la croyance déclarée de l’AI no 2 qu’il faisait face à une menace imminente était raisonnable et que l’utilisation de son arme à feu était justifiée dans les circonstances pour répondre à la menace à laquelle faisaient face lui même et les autres personnes dans la chambre. Je conviens aussi que l’AI no 2 était justifié dans son recours à la force en vertu des paragraphes 25(3) et 34(1).

En ce qui concerne maintenant l’AI no 3, qui était dans la même situation que l’AI no 2 et était le dernier agent à avoir tiré sur M. Maloney, je conviens, dans les circonstances où l’AI no 3 croyait que M. Maloney venait de tirer sur l’AI no 2 (après avoir tiré plus tôt sur l’AI no 1) et où M. Maloney continuait de tenir un objet sombre (dont l’AI no 3 a cru alors, avec raison, qu’il s’agissait d’une arme à feufootnote 11) à la main, que la seule intention de l’AI no 3, lorsqu’il a ouvert le feu une fois sur M. Maloney en le touchant à la tête, dans la seconde où M. Maloney est entré dans la chambre dans laquelle se trouvaient l’AI no 3, la TC no 1 et les enfants, était de mettre fin à la menace le plus rapidement possible. Comme pour les deux autres agents, je conviens que l’AI no 3, en répondant à la menace à laquelle il faisait face, a employé un degré de force conforme à ce qui était raisonnablement nécessaire dans les circonstances et qu’il était fondé à agir ainsi en vertu des paragraphes 25(3) et 34(1).

Agents superviseurs

Pour les fins de ma décision, j’ai également examiné la question de savoir si les agents superviseurs ayant pris part à l’affectation de la tâche de préparer le mandat de perquisition et à la prise des décisions concernant la planification et le mode d’exécution du mandat, comme l’AT no 22, l’AT no 1, l’AT no 12 et l’AT no 24, devraient être tenus criminellement responsables de la mort de M. Maloney.

Compte tenu de tous les renseignements connus alors, il semble assez clair que, bien que le mandat de perquisition énonçait les infractions soupçonnées d’utilisation non autorisée d’ordinateur (art. 342.1) et de méfait à l’égard de données informatiques (par. 430(5)), l’objectif sous jacent de l’exécution du mandat de perquisition était de neutraliser une attaque terroriste perçue en arrêtant M. Maloney. J’en arrive à cette conclusion au motif qu’il ne pouvait pas y avoir eu d’autres raisons au choix du calendrier de l’opération selon lequel il était crucial d’exécuter le mandat avant le 25 décembre 2016, en raison de la date mentionnée dans le courriel dont M. Maloney était l’auteur et du fait que la police était déjà en possession de tous les éléments de preuve dont elle avait besoin pour décider si M. Maloney avait ou non commis une infraction visée par l’une ou l’autre des deux dispositions du Code Criminel en vertu desquelles le mandat aurait été sollicité.

Je trouve particulièrement préoccupant qu’un mandat de perquisition avec entrée dynamique ait été sollicité après qu’on eut demandé et obtenu une opinion d’un procureur de la Couronne selon laquelle le courriel en cause ne constituait pas une infraction, ainsi que des renseignements émanant de diverses organisations antiterroristes qui étaient au courant du courriel « offensant » de M. Maloney et qui étaient d’avis que M. Maloney ne représentait pas pour elles une personne d’intérêt et ne posait apparemment aucune menace quant aux contenus du courrielfootnote 12.

Bien que je doute que l’une ou l’autre des deux infractions dont faisait état le mandat de perquisition était appropriée au vu de ces faits (étant donné que l’article 342.1 vise principalement les personnes qui accèdent à des ordinateurs sans autorisation (c. à d. du piratage) – autorisation que M. Maloney avait – et que le paragraphe 430(5), pour être invoqué, aurait nécessité que le perpétrateur altère des données informatiques – or il semble que, tout au plus, M. Maloney ne faisait qu’afficher son propre courriel)footnote 13, je trouve extrêmement préoccupant qu’un agent superviseur se serve de la ruse qui consiste à solliciter un mandat de perquisition au motif de l’obtention d’éléments de preuve dont, si l’on présume que leur analyse juridique était correcte, ils n’avaient pas besoin, dans le but d’inculper ou d’arrêter M. Maloney.

Qui plus est, le fait que la rédaction du mandat de perquisition ait été laissée à un agent qui ne faisait partie de l’unité que depuis trois mois et qui n’avait jamais auparavant préparé de mandat de perquisition et qu’on ait permis à ce mandat d’être soumis à un juge de paix, lequel a judiciairement autorisé l’entrée dans le domicile pour perquisitionner, alors que ce procédé était manifestement vicié, me donne encore plus de raisons de croire que l’objet du mandat, malgré ce qu’on pouvait y lire dans son énoncé, était d’entrer dans la résidence de M. Maloney et de l’arrêter, même s’il a dû apparaître très clairement aux hauts responsables impliqués que la validité du mandat de perquisition n’aurait probablement été justifiée lors d’un procès ultérieur.

Il semble que le maître d’œuvre des décisions qui ont été prises au sujet du mandat de perquisition et de son exécution était l’AT no 22, l’agent en charge de l’Unité du crime organisé du SPL. Bien que l’AT no 22 ait présidé les réunions et envoyé les courriels précisant les fonctions de chacun concernant la préparation du mandat de perquisition et son exécution, il maintient que ces décisions ont été prises à l’issue des réunions avec l’AT no 1 et l’AT no 12. Bien que j’admette que ces deux agents étaient aussi présents aux réunions lors desquelles on a discuté de la planification et de l’exécution de la perquisition ultime au domicile de M. Maloney, j’estime qu’il ressort clairement de la preuve que c’est l’AT no 22 qui était le premier en charge et le promoteur des événements ayant mené à l’exécution du mandat de perquisition le matin du 23 décembre.

Lorsqu’on examine la responsabilité criminelle possible de l’AT no 22 et des autres agents ayant pris part aux décisions concernant le mandat de perquisition et son exécution, je crois qu’il y a deux types d’infraction qui pourraient répondre aux critères de ce scénario : négligence criminelle causant la mort (article 220 du Code criminel) et méfait causant un danger pour la vie des gens (paragraphe 430(5.1) du Code criminel.

En vertu de l’article 219 du Code criminel :

(1) Est coupable de négligence criminelle quiconque :

  1. soit en faisant quelque chose;
  2. soit en omettant de faire quelque chose qu’il est de son devoir d’accomplir,

montre une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui.

(2) Pour l’application du présent article, « devoir » désigne une obligation imposée par la loi.

La décision que la Cour d’appel de l’Ontario a rendue dans R. c. R. (M). (2011), 275 C.C.C. (3d) 45, est pertinente à mon analyse en ce que les agents ayant pris part aux décisions quant à la manière d’exécuter le mandat de perquisition n’étaient pas les mêmes que ceux qui ont effectivement exécuté le mandat. Dans cette affaire, il est indiqué que la mens rea applicable à une partie à l’infraction nécessite que le tiers aidant ait fait quelque chose dans l’intention de faciliter une conduite criminellement négligente et que cette personne connaissait suffisamment de détails sur la conduite facilitée pour faire que cette conduite devienne de la négligence criminelle. Essentiellement, il faut que cette partie à l’infraction sache qu’elle facilite une conduite qui constitue un écart marqué et important par rapport à la norme de la personne raisonnable en pareilles circonstances, quoiqu’il ne soit pas nécessaire que le tiers aidant anticipe de façon subjective les conséquences de l’acte criminellement négligent qu’elle facilite. Il suffit de démontrer qu’une personne raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, aurait mesuré une conséquence (lésions corporelles ou mort) qu’aurait entraînée l’acte négligent. Dans R. c. Pinske (1988), 6 M.V.R. (2d) 19 (B.C.C.A.), décision confirmée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Pinske, [1989] 2 R.C.S. 979, la Cour d’appel de la Colombie Britannique a statué que la prévisibilité du risque de décès n’est pas un facteur dont le jury devrait tenir compte au moment de trancher la question de savoir si la conduite de l’accusé a constitué de la négligence criminelle.

La prochaine question est de savoir ce qui constitue « une obligation imposée par la loi ». Bien qu’il n’y ait pas de définition précise du « devoir » imposé à un agent de police, comme il a été mentionné précédemment, le paragraphe 25(1) du Code Criminel prévoit une exception à la poursuite lorsqu’un policier, qui fait quelque chose d’autorisé par la loi, que ce soit dans l’application ou l’exécution de la loi, est « fondé à employer la force nécessaire pour cette fin ». Par conséquent, on pourrait soutenir que le paragraphe 25(1) impose aux agents le devoir de ne pas employer une force excessive lorsqu’ils font quelque chose d’autorisé par la loi dans l’application ou dans l’exécution de la loi. De plus, l’alinéa 2(1)g) de l’annexe de la partie VII (Code de conduite) du Règlement de l’Ontario 268/10, pris en vertu de la Loi sur les services policiers, qualifie d’inconduite un « usage de force injustifiée à l’égard d’un prisonnier ou d’une autre personne avec qui il [l’agent de police] entre en contact dans le cadre de ses fonctions. » Cet article définit aussi clairement l’obligation pour les agents de ne pas recourir à une force inutile. On pourrait donc arguer que les agents superviseurs ont manqué à leur obligation imposée par la loi en exigeant que ce mandat de perquisition soit exécuté de la manière dont il l’a été, car cela nécessitait une force inutile prévisible.

Toutefois, même s’il peut être établi que les superviseurs ont manqué à leur obligation imposée par la loi, la négligence criminelle, en soi, n’est pas une infraction criminelle. Il faut plutôt que la conduite cause la mort (article 220) ou des lésions corporelles (article 221) à une autre personne pour constituer une conduite criminelle. Par conséquent, pour établir la responsabilité criminelle de l’un ou l’autre des agents superviseurs, y compris l’AT no 22, en lien avec de la négligence criminelle causant la mort, il me faut avoir des motifs raisonnables de croire que 1) ils avaient le devoir de ne pas recourir à une force inutile dans l’exécution du mandat de perquisition, 2) en exécutant ou en fixant le mode d’exécution du mandat, ils ont facilité ou adopté une conduite qui constituait un écart marqué et important par rapport à la norme de la personne raisonnable en pareilles circonstances et 3) leur conduite a causé la mort de M. Maloney.

à mon sens, lorsqu’on s’attache à la lettre de la loi, il n’y a pas de motifs raisonnables de croire que les agents ayant pris part au processus décisionnel et de planification ont causé la mort de M. Maloney du fait qu’il y a eu un acte intermédiaire qui a rompu le lien de causalité ayant abouti à la mort de M. Maloney. Dans R. c. Shilon (2006), 240 C.C.C. (3d) 401, la Cour d’appel de l’Ontario a reconnu qu’une [traduction] « Intervention humaine délibérée et indépendante dans une suite d’événements amorcée par l’accusé [en l’occurrence, la police dans la présente affaire] peut rompre le lien de causalité. » Selon les faits dont je suis saisi en l’espèce, M. Maloney, de sa propre initiative, a choisi de s’armer d’une arbalète chargée lorsqu’il s’est rendu compte que la police était entrée dans sa résidence (une entrée dont il devait être conscient en raison de l’annonce faite par les agents lors de leur entrée et des caméras qu’il avait installées à l’extérieur de sa maison), et qu’il a tiré sur l’AI no 1 alors qu’il se trouvait à quelques mètres de lui, le touchant à l’abdomen. C’est uniquement en conséquence directe de cet acte intermédiaire, ou de cette « intervention humaine délibérée et indépendante », de la part de M. Maloney que l’AI no 1 a été forcé de tirer sur lui. Si l’AI no 1 n’avait pas porté son gilet pare balle à ce moment là, la flèche tirée par M. Maloney aurait pu blesser gravement ou tuer l’AI no 1. L’AI no 1, croyant que M. Maloney était armé d’un pistolet, en plus de l’arbalète dont il venait de se servir, a alors réagi en déchargeant son arme à feu sur M. Maloney, le touchant à l’épaule.

à ce moment là, au lieu de sortir de la salle d’ordinateur les bras en l’air, comme il en avait reçu l’instruction, M. Maloney a choisi de s’armer d’une hachette, de brandir cette hachette au dessus de sa tête et de courir en criant vers la chambre du fond dans laquelle il savait qu’il y avait sa conjointe et leurs deux enfants en bas âge. C’est une conséquence directe de ces actes intermédiaires de la part de M. Maloney qui a fait que l’AI no 2, qui se trouvait dans la chambre faiblement éclairée pour protéger la femme et les enfants de M. Maloney, en est arrivé à la conclusion qu’ils étaient attaqués et a tiré cinq coups de feu sur M. Maloney, tandis que celui ci s’approchait du seuil de la porte de la chambre, touchant M. Maloney à la poitrine. Dans la seconde qui a suivi l’arrivée de M. Maloney à l’embrasure de la porte de la chambre, l’AI no 3, qui a vu l’AI no 2 tomber en arrière et qui croyait que M. Maloney avait tiré sur l’AI no 2 et était encore armé d’une arme à feu, a déchargé sa carabine une fois sur M. Maloney, le touchant à la tête. Compte tenu de ces faits, je ne doute pas que M. Maloney a été tué par balle en conséquence directe et en réponse de ses actes violents. Si M. Maloney s’était conformé aux demandes des agents au lieu de réagir de façon violente comme il l’a fait, on ne lui aurait pas tiré dessus; ce sont ces actes intermédiaires de la part de M. Maloney qui ont rompu le lien de causalité entre les actions des agents superviseurs et la mort subséquente de M. Maloney.

Par conséquent, je conclus que ce sont les gestes que M. Maloney a posés de sa propre initiative qui ont entraîné sa mort, et je n’ai pas de motifs raisonnables de croire que son décès a été causé par la méthode ou l’exécution comme telle du mandat de perquisition à son domicile ce matin là. à titre d’illustration, si, au lieu d’être au courant de la haine de M. Maloney pour la police et de sa possession d’armes, les agents superviseurs avaient su que M. Maloney avait une maladie cardiaque grave et avaient décidé, malgré ce fait, d’effectuer une entrée dynamique à 6 h du matin avec onze agents de l’EIU, sachant ou croyant que M. Maloney serait endormi à cette heure et que, durant cette entrée, M. Maloney avait eu une crise cardiaque et était mort, alors on pourrait soutenir que les agents ont directement causé son décès et pourraient être tenus responsables de cela, car il n’y aurait pas eu d’acte intermédiaire qui aurait rompu le lien de causalité. Mais ce n’est pas le cas ici.

En ce qui concerne la deuxième accusation possible en l’espèce, l’article 430 du Code Criminel définit comme suit un méfait causant un danger pour la vie :

(1) Commet un méfait quiconque volontairement,

[...]

  1. empêche, interrompt ou gêne l’emploi, la jouissance ou l’exploitation légitime d’un bien;
  2. empêche, interrompt ou gêne une personne dans l’emploi, la jouissance ou l’exploitation légitime d’un bien.

(5.1) Quiconque volontairement accomplit un acte ou volontairement omet d’accomplir un acte qu’il a le devoir d’accomplir, si cet acte ou cette omission est susceptible de constituer un méfait qui cause un danger réel pour la vie des gens [...] est coupable [...]

Le libellé du paragraphe 430(5.1) est très semblable à celui utilisé pour la négligence criminelle, notamment en ce qui concerne le « devoir ». Là encore, il semble que le devoir d’un agent soit de ne pas recourir à une force inutile dans l’exécution de ses obligations légales. à la différence de la négligence criminelle, qui exige une preuve que l’accusé a fait montre d’une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui, cependant, le méfait exige la preuve que l’acte est susceptible de constituer un méfait qui cause un danger réel pour la vie des gens.

La jurisprudence relative à cet article n’énonce aucune particularité sur ce qui constituerait un méfait en dehors d’une action qui empêche, interrompt ou gêne l’emploi légitime d’un bien. Il ne fait aucun doute que les événements qui se sont déroulés à la résidence de M. Maloney le matin du 23 décembre ont empêché, interrompu ou gêné l’emploi légitime de sa maison. Les événements ont aussi causé un danger réel pour la vie de tous ses occupants – la TC no 1, ses enfants, M. Maloney et les agents se trouvant à l’intérieur de la maison. Je me retrouve toutefois encore confronté à la question de la causalité. était ce la conduite des agents ayant planifié l’exécution du mandat ou ayant effectivement exécuté le mandat de perquisition qui a causé ce danger réel pour la vie de la TC no 1 et de ses enfants? Ou était ce les décisions prises par M. Maloney et les armes qu’il a utilisées en prenant ces décisions qui ont causé le danger? Dans l’exécution du mandat de perquisition, l’AI no 2 et l’AI no 3 sont allés immédiatement à la chambre du fond, où les enfants se trouvaient, et y sont demeurés jusqu’à la fin de l’incident. Ils se sont efforcés d’obtenir des boucliers pour évacuer les enfants de façon sécuritaire. Leur présence, je crois, a effectivement assuré la sécurité des occupants civils de cette pièce. pour les mêmes motifs que j’ai énoncés plus haut, je conclus que c’est le comportement de M. Maloney qui a causé le danger réel pour les occupants. Ce fut sa décision de tirer sur un agent armé avec une arbalète au lieu d’obtempérer aux demandes de l’agent; ce fut sa décision de ne pas se conformer aux demandes de reddition des agents et ce fut sa décision de courir dans le couloir en direction de ses enfants, en criant et en étant armé d’une hachette et de couteaux. Par conséquent, il me faut de nouveau conclure que ce sont les actes intermédiaires posés par M. Maloney qui ont entraîné sa mort et je ne trouve pas le lien nécessaire de causalité entre les actions de la police et le décès de M. Maloney. Sur la foi de cette preuve, je conclus que je n’ai pas de motifs raisonnables de croire que l’un ou l’autre des agents ayant pris part soit à la planification du mandat de perquisition soit à son exécution subséquente a commis une infraction criminelle, de sorte qu’aucune accusation ne sera portée.

Date : 20 mars 2018

Original signé par

Tony Loparco
Directeur
Unité des enquêtes spéciales