4. Gérer la disposition des lieux de culte patrimoniaux
Il est toujours difficile, mais pas inhabituel dans une société qui évolue et se transforme rapidement, de déclarer qu’un lieu de culte patrimonial est superflu. Les changements démographiques et les besoins religieux des groupes confessionnels pourraient nécessiter le regroupement de divers lieux de culte ou le déplacement vers une nouvelle installation agrandie afin que le groupe confessionnel puisse continuer à servir ses membres.
Bien peu de paroisses ou groupes de fidèles ont la structure et la capacité nécessaires pour pouvoir financer la conservation à long terme d’un bien qu’ils n’utilisent plus. Les propriétaires de plusieurs lieux de culte patrimoniaux ont donc la tâche pénible de prendre des décisions concernant la façon de disposer de biens désormais inutilisés. La décision de disposer d’un bien peut parfois aider à financer la conservation d’autres lieux de culte patrimoniaux.
Lorsque le bien patrimonial n’est plus viable en tant que lieu de culte actif, le mode de disposition doit être considéré avec soin afin de protéger sa valeur ou son caractère sur le plan du patrimoine culturel. Un plan de conservation aide à déterminer la méthode de disposition la plus stratégique. Il importe de consulter la collectivité lorsqu’on élabore une politique ou une stratégie de disposition, car le lieu de culte patrimonial fait encore partie du patrimoine de la collectivité.
De nombreux anciens lieux de culte patrimoniaux, comme The Church Lofts sur Dovercourt Road à Toronto, ont été adaptés à de nouvelles utilisations, avec d’heureux résultats, ce qui leur a permis de continuer à jouer un rôle dans la vie de la collectivité. Il importe que la nouvelle utilisation soit compatible avec la valeur du lieu de culte sur le plan du patrimoine culturel afin d’en assurer la conservation à long terme.
4.1. Sécularisation et enlèvement des éléments liturgiques
Lorsqu’une paroisse ou un groupe confessionnel quitte un lieu de culte patrimonial désigné pour s’installer dans un nouveau bâtiment, les membres souhaitent souvent y amener les éléments liturgiques du bâtiment qui sont inhérents à l’observance du culte. Si ces éléments sont inclus comme attributs patrimoniaux dans le règlement de désignation, leur retrait nécessite l’approbation de la municipalité. Dans une telle situation, les objectifs de conservation et de protection devraient être considérés à la lumière des besoins religieux du groupe confessionnel, au cas par cas.
4.2. Vente à des fins de réutilisation adaptative
Un moyen courant de disposer d’un lieu de culte patrimonial inutilisé est de le vendre. Les lieux de culte patrimoniaux superflus sont souvent des biens très intéressants pouvant être réutilisés, soit que l’on continue à les utiliser comme lieux de culte ou qu’on les adapte à une autre utilisation. Du point de vue de la conservation du patrimoine, la vente d’un bien « en l’état » est préférable à son déplacement ou à sa démolition.
Réutiliser un bien à valeur patrimoniale plutôt que de le démolir est également considéré comme une option plus favorable pour l’environnement, étant donné que cette réutilisation diminue le gaspillage d’énergie et la production de déchets.
Idéalement, la nouvelle utilisation proposée par l’acheteur sera compatible avec le bâtiment existant et n’aura pas d’incidence sur ses attributs patrimoniaux.
Il existe en Ontario de nombreux exemples réussis de réutilisation adaptative d’un lieu de culte patrimonial dans son emplacement d’origine, entreprise avec un grand souci d’en respecter les attributs patrimoniaux. Outre les exemples fournis dans ce guide, l’Inventaire des lieux de culte de la Fiducie du patrimoine ontarien contient des études de cas détaillées illustrant un large éventail de réutilisations adaptatives.
4.3. Mise sous cocon
Lorsqu’un lieu de culte patrimonial n’est plus occupé mais qu’aucune autre utilisation n’a été décidée et que l’on considère les possibilités pour en disposer, le propriétaire est toujours responsable d’assurer un niveau minimal d’entretien du lieu de culte patrimonial pour éviter toute perte de sa valeur ou de son caractère sur le plan du patrimoine culturel. On appelle souvent cette intervention « mise sous cocon ». Dans ce cas, le bien est stabilisé pour prévenir la détérioration, il est protégé contre les dommages pouvant découler des intempéries, des animaux et insectes nuisibles et des vandales, et il est régulièrement inspecté et réparé au besoin. Ainsi, ses attributs patrimoniaux et sa valeur financière sont mieux protégés en prévision de son usage futur.
La municipalité peut veiller à l’exécution des normes en matière de bâtiments pour veiller à ce que le bien ne fasse pas l’objet d’une « démolition par négligence », qui pourrait poser un danger pour la santé et la sécurité publiques.
4.4. Déplacement
Le déplacement peut être envisagé dans les cas où les attributs patrimoniaux d’un lieu de culte patrimonial seraient menacés s’il demeurait à son emplacement d’origine. Il pourrait s’agir par exemple de l’élargissement d’une voie publique ou de tout autre projet semblable d’infrastructure municipal où les travaux empiètent sur la superficie du bâtiment même. Lorsque le déplacement est envisagé dans le but de moderniser l’immeuble ou de fournir de nouvelles installations, il importe d’examiner d’abord toutes les options de conception qui permettraient de laisser le bâtiment sur son emplacement d’origine.
Lorsqu’il a été déterminé qu’un lieu de culte patrimonial ne peut être maintenu dans son emplacement actuel, la première option serait de le déplacer ou de le réorienter sur son site d’origine. Le déplacement vers un autre terrain ne devrait être envisagé que lorsque toutes les options ont été soigneusement explorées.
Si le lieu de culte patrimonial est désigné, le déplacement est considéré comme un « enlèvement » aux termes de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario. Le propriétaire qui voudrait déplacer un lieu de culte patrimonial doit suivre le même processus d’approbation que celui qui est prévu pour une demande de démolition. Si un déplacement est approuvé, le conseil doit abroger le règlement de désignation visant le bien d’origine et peut envisager l’adoption d’un nouveau règlement désignant le bien vers lequel le bâtiment a été déplacé. Le Règlement de l’Ontario 385/21, pris en vertu de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario, offre aux municipalités la possibilité de suivre un processus de désignation modifié et accéléré dans le cadre du processus de demande de démolition ou d’enlèvement lorsqu’un bâtiment ou une construction d’un bien déjà désigné est déplacé vers un nouveau bien et qu’on a déterminé que le nouveau bien répond aux critères permettant d’établir la valeur ou le caractère d’un bien sur le plan du patrimoine culturel aux termes du Règlement de l’Ontario 9/06. Dans le guide « La désignation des biens patrimoniaux », vous pourrez trouver de plus amples renseignements sur les mesures qu’une municipalité peut et doit prendre après avoir consenti à l’enlèvement d’un bâtiment ou d’une construction sur un bien désigné.
Si on détermine que le déplacement hors du site d’origine est la seule option possible, le nouvel emplacement devrait être choisi en tenant compte des attributs patrimoniaux du bâtiment.
Figures 24 et 25 : L’église méthodiste Wesleyan Victoria Square à Markham était un modeste édifice à charpente de bois de 165 ans ayant servi de lieu de culte jusqu’en 1880. Elle fut alors remplacée par une église de briques plus grande de style renouveau gothique. L’ancien édifice fut enlevé du site et converti en forge. En 2003, les membres de l’église unie Victoria Square ont uni leurs forces pour acheter la structure vacante et gravement endommagée. La chapelle de bois d’origine a été ramenée à son lieu d’origine et restaurée avec amour. (Photo : avec la permission de la Ville de Markham).
4.5. Démolition d’un lieu de culte patrimonial
Dans la série Protégeons le patrimoine ontarien
Vous trouverez des détails sur le processus municipal de démolition des biens désignés dans le guide « La désignation des biens patrimoniaux : Guide de désignation municipale des biens individuels aux termes de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario » (https://www.ontario.ca/document/designating-heritage-properties).
Un lieu de culte patrimonial constitue une richesse pour toute la collectivité. Pour cette raison, la démolition d’un lieu de culte patrimonial ne devrait être considérée qu’en dernier recours, lorsque toutes les autres options ne comprenant pas de démolition ont été soigneusement examinées (par exemple, sa mise sous cocon, sa vente à des fins de réutilisation adaptative, son déplacement, sa conservation complète ou partielle dans un nouveau bâtiment.)
Les propriétaires d’un bien pourraient être amenés à considérer la démolition entière ou partielle d’un lieu de culte patrimonial lorsque sa structure est jugée instable ou dangereuse et qu’elle ne peut être réparée (par exemple, à la suite d’un incendie). En pareils cas, avant de décider de démolir le bien, le propriétaire devrait faire analyser la structure par un ingénieur de structures compétent ayant de l’expérience dans le domaine de la conservation des constructions historiques afin de déterminer s’il est possible de remédier aux dommages subis.
Les propriétaires de lieux de culte patrimoniaux protégés aux termes de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario (par exemple, inscrits à un registre municipal, désignés ou visés par une servitude de conservation du patrimoine) doivent suivre le processus d’autorisation de démolition prévu dans la Loi, ainsi que tout processus établi par la municipalité. La démolition ou l’enlèvement proposé d’une construction sur un bien désigné nécessite le consentement écrit du conseil municipal. Le propriétaire du bien peut interjeter appel de la décision du conseil municipal au sujet de la démolition auprès du Tribunal ontarien de l’aménagement du territoire.
Si le projet de démolition est exécuté, il importe de dresser un rapport complet des éléments du bâtiment existant. Des dessins à l’échelle et des photographies sont les meilleurs moyens d’avoir une vue d’ensemble de la construction et du bien, outre la collecte par des experts de tous les renseignements que l’on peut réunir sur l’histoire, la fabrication, la disposition et la description détaillée des attributs patrimoniaux. Lorsque le bien est protégé en vertu de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario, une pratique exemplaire consiste à déposer le rapport auprès de la municipalité en tant que dossier du bien. En l’absence d’autres options de conservation, une bonne pratique peut consister à déterminer si et comment les attributs patrimoniaux d’un bien peuvent être sauvegardés. Cette sauvegarde peut se traduire par une réaffectation ou un déplacement.
Le propriétaire du bien peut envisager d’ériger une plaque commémorative, un monument ou un panneau didactique pour reconnaître l’ancienne construction historique et le patrimoine du bien.
Étude de cas 4 : L’église unie de Rydal Bank, canton de Plummer Additional – Réutilisation adaptative d’un lieu de culte patrimonial
L’église unie de Rydal Bank est un lieu de culte patrimonial qui a été adapté avec succès aux fins de réutilisation sur son emplacement d’origine. Cette église de style gothique charpentier a été construite en 1907-1908 pour répondre aux besoins de cette collectivité agro-minière dynamique du Nord. Érigée sur des fondations en pierre contenant du poudingue (un conglomérat de roches local), cette église simple en bois est flanquée d’un clocher, revêtue de bardeau de bois décoratif et ornée d’une rive de pignon ajourée. L’église est un important symbole de la riche histoire de sa ville – il fut un temps où Rydal Bank avait deux hôtels, un magasin général, une scierie et trois églises. Au moment de sa fermeture en 1978, les membres de la collectivité craignirent que ce lieu emblématique local soit démoli ou laissé à l’abandon; en effet, ils avaient déjà assisté au démantèlement et au déplacement d’autres églises de leur localité.
Au cours des 10 années qui ont suivi, les membres de la collectivité ont fait le nécessaire pour que le bâtiment ne se détériore pas. Ils ont soigneusement préservé l’extérieur en bois, les vitraux et les panneaux de bois naturel à l’intérieur. La Rydal Bank Historical Society a été fondée en 1987 dans le but de trouver une nouvelle vocation à l’église. La société historique a acheté l’église en 1989. Ses bénévoles dévoués l’entretiennent comme un « musée vivant » et s’attachent à promouvoir l’histoire de l’église et de Rydal Bank au moyen de portes ouvertes, d’expositions muséographiques et de visites éducatives.
En 2006, la société historique a entrepris la désignation de ce bien en vertu de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario afin d’en assurer la protection continue. Ce fut la première désignation patrimoniale à Plummer Additional. À l’aide de la série Protégeons le patrimoine ontarien qui lui servit de référence, la société historique guida pas à pas le personnel de la municipalité et le conseil municipal dans le processus et les critères de désignation. Avec l’appui de la municipalité et l’assistance d’un architecte de Sault Ste. Marie, la société historique a soigneusement rédigé un règlement qui protégera les vitraux et les attributs patrimoniaux intérieurs – les lampes à ampoules blanches, les bancs d’église en bois, la table de communion, l’orgue à soufflerie manuelle et la chaire – ainsi que l’extérieur en bois. En faisant la plupart des démarches au nom du personnel municipal peu nombreux, la société historique a fait du processus de désignation un agréable jeu d’enfant.
Même si Rydal Bank n’est qu’une petite collectivité de 23 familles, la société historique est parvenue à réunir un financement considérable pour la restauration et l’entretien du bâtiment. Pour marquer le 100e anniversaire de l’église en 2008, le groupe a recueilli plus de 30 000 $ (dont une subvention de la Fondation Trillium de l’Ontario) pour la restauration des vitraux. La société historique poursuit sa campagne de financement en organisant des activités spéciales et son dîner communautaire annuel de l’Action de grâces. Le succès de la réutilisation adaptative et de la conservation de ce lieu emblématique local par une petite collectivité rurale est attribuable au travail sérieux de la société historique, à l’appui soutenu de la collectivité et à la coopération des divers intervenants pendant la disposition.
Points à noter
- L’originalité dans cette réutilisation adaptative a été le fruit de l’action bénévole populaire d’une petite collectivité rurale
- Ce lieu de culte patrimonial a été mis sous cocon et soigneusement entretenu sur une longue période jusqu’à ce qu’un nouvel usage lui soit attribué
- La réutilisation adaptative de ce lieu a été précédée et suivie d’une longue et fructueuse période de coopération et de collaboration entre le propriétaire du bien et la municipalité