4. Conservation de la valeur patrimoniale culturelle d’un bien désigné
Les propriétaires de biens et les municipalités partagent un intérêt mutuel à l’égard de la valeur des biens sur le plan du patrimoine culturel. Ils comprennent que l’entretien des attributs patrimoniaux d’un bien en protège la valeur sur le plan du patrimoine culturel.
Si un bien revêt de l’importance en raison de son style architectural ou de ses éléments d’origine et que son style est irrémédiablement modifié, il perd sa valeur sur le plan du patrimoine et son intégrité. Imaginons une maison georgienne construite au début du 19e siècle et qui a encore sa symétrie, fenêtres et briques d’origine, comparativement à une maison de la même époque qui a été recouverte d’un parement d’aluminium, dont les portes et fenêtres ont été déplacées et dont les fenêtres à guillotine d’origine en bois ont été retirées, éliminées et remplacées par des fenêtres à châssis de vinyle.
Si un bien est désigné en raison de son association avec une personne ou un événement d’importance, mais que les éléments matériels de l’époque ont disparu, la valeur du bien sur le plan du patrimoine est diminuée. Il y a toute une différence entre la possibilité de voir de ses propres yeux les cachettes et les symboles associés au chemin de fer clandestin, par exemple, et le fait de savoir seulement que « c’est ici que c’est arrivé ».
La même considération s’applique aux biens désignés en raison de leur qualité contextuelle – des arbres centenaires, un panorama que pouvaient admirer les générations précédentes ou encore un complexe industriel qui témoigne des procédés de production et de la vie des travailleurs d’antan. Un bâtiment, une construction ou un autre élément qui a été privé de son contexte a perdu une part importante de sa valeur sur le plan du patrimoine culturel.
La désignation de biens fournit un processus qui assure la prise en compte de leur valeur sur le plan du patrimoine culturel en cas de propositions de modifications. La section suivante se concentre sur la façon dont sont gérées les transformations apportées aux biens désignés et sur les types d’appui offerts par en faciliter la conservation.
4.1. Transformation des biens désignés
Aux termes de l’article 33 de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario, le processus prévu pour la transformation des biens désignés contribue à la conservation des attributs patrimoniaux d’un bien désigné et donc, de sa valeur sur le plan du patrimoine culturel. Si le propriétaire d’un bien désigné souhaite faire des transformations qui touchent les attributs patrimoniaux du bien, il doit obtenir le consentement écrit du conseil. Cette règle ne s’applique pas uniquement aux transformations visant des bâtiments ou des constructions, mais également aux transformations touchant d’autres aspects d’un bien désigné, tels que les éléments du paysage ou les éléments naturels qui ont été reconnus comme étant des attributs patrimoniaux, ou à la construction de nouveaux bâtiments et de nouvelles structures qui pourraient avoir une incidence sur les attributs patrimoniaux du bien.
La désignation en vertu de l’article 29 de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario ne garantit pas la pérennité ou la préservation de tous les éléments d’un bien. Les transformations du bien ou le passage du temps pourraient affecter celui-ci de même que les éléments qui contribuent à sa valeur sur le plan du patrimoine culturel. Par exemple, la dégradation naturelle peut faire des ravages. L’entretien des terres inoccupées peut être coûteux. Des interventions d’entretien bien intentionnées peuvent s’avérer avoir des répercussions négatives sur le caractère d’un bien.
La désignation ne vise pas à interdire toute transformation ou tout aménagement futur sur le bien. Les dispositions de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario permettent un changement dans le contexte d’un processus d’examen et de consentement.
En général, l’examen de la transformation devrait être axé sur la coopération, c’est-à-dire que le propriétaire du bien présente une demande afin de procéder aux travaux proposés et qu’il reçoit des conseils et de l’aide du comité municipal du patrimoine ou du personnel municipal. Sous réserve d’un appel, il revient au conseil de prendre les décisions définitives en ce qui a trait à l’approbation des demandes, à moins que ce pouvoir ait été délégué au personnel municipal aux termes du paragraphe 33(15) de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario.
Demande au conseil
Le propriétaire d’un bien désigné en vertu de l’article 29 de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario doit demander au conseil de consentir par écrit à la transformation du bien si cette transformation est susceptible d’avoir une incidence sur les attributs patrimoniaux du bien. Les demandes peuvent être signifiées au conseil en utilisant le système électronique de la municipalité pour soumettre les demandes, le cas échéant. Les renseignements et les documents minimaux qui doivent accompagner la demande sont énumérés dans le Règlement de l’Ontario 385/21 et doivent également comprendre tous les renseignements et documents supplémentaires définis par un règlement municipal, une résolution ou un plan officiel. Le conseil peut également exiger du demandeur qu’il fournisse tout autre renseignement ou document dont il estime avoir besoin.
Lorsque tous les renseignements et documents requis ont été reçus, le conseil doit signifier au demandeur un avis l’informant que la demande est complète. Le conseil peut aussi, à tout moment, informer le propriétaire que certains renseignements ou documents devant accompagner la demande n’ont pas été fournis.
La municipalité dispose de 60 jours à compter de la date de signification de la demande à la municipalité pour signifier au demandeur un avis indiquant que la demande est complète. Si la municipalité ne fournit pas de réponse dans ce délai, la demande sera considérée comme complète.
Les renseignements et documents minimaux qui doivent accompagner une demande, conformément au Règlement de l’Ontario 385/21, sont les suivants :
- le nom, l’adresse, le numéro de téléphone et, le cas échéant, l’adresse électronique du demandeur
- le nom de la municipalité dont le consentement est demandé
- une description du bien qui fait l’objet de la demande, incluant des renseignements tels que le numéro de la concession et celui du terrain, le numéro du plan de référence et de la partie, ainsi que les noms et numéros de rue
- des photographies illustrant les bâtiments, les constructions et les attributs patrimoniaux existants qui sont concernés par la demande, leur état et leur contexte
- un plan du site ou un croquis illustrant l’emplacement de la transformation proposée
- les dessins et spécifications écrites de la transformation proposée
- les raisons de la transformation proposée et les répercussions potentielles sur les attributs patrimoniaux du bien
- toutes les études techniques du bien sur le plan du patrimoine culturel qui sont pertinentes pour la transformation proposée
- un affidavit ou une déclaration sous serment du demandeur certifiant que les renseignements exigés dans la présente section et fournis par le demandeur sont exacts
Le conseil peut s’appuyer sur ces exigences minimales provinciales pour la demande. Cela doit être fait par règlement, résolution du conseil ou plan officiel. Ces exigences relativement à la demande pourraient faire partie d’un règlement municipal général de conservation du patrimoine, avec d’autres exigences administratives (par exemple, frais relatifs à l’extrait de registre, mandat du comité municipal du patrimoine, délégation du consentement à l’égard de la transformation, normes de construction, achat/location, expropriations, servitudes/covenants, subventions ou prêts, inspecteurs ou allégement fiscal à l’égard des biens patrimoniaux).
- Décision du conseil
Exigences relatives au délai de 90 jours
Le conseil ou son délégué doit accomplir les étapes ci-dessous dans un délai de 90 jours à compter de la date à laquelle l’avis de demande complète est signifié au propriétaire :
- solliciter les conseils de son comité municipal du patrimoine, quand un tel comité a été établi
- prendre une décision relativement à la demande
- signifier l’avis de la décision au propriétaire et à la Fiducie du patrimoine ontarien
Lorsque le conseil n’a pas fourni d’avis de demande complète ou d’avis de demande incomplète dans les 60 jours suivant le jour où la demande est entreprise (c’est-à-dire le jour où elle est signifiée au conseil), la période de 90 jours (mentionnée ci-dessus) commence après la fin de cette période de 60 jours après la demande.
Il convient de noter que les périodes de décision mentionnées ci-dessus peuvent être prorogées par entente mutuelle entre le propriétaire du bien et le conseil.
Décision
Durant la période de 90 jours susmentionnée, le conseil doit décider s’il consent à la demande, s’il y consent sous certaines conditions ou s’il rejette la demande. Le conseil doit aviser le demandeur et la Fiducie du patrimoine ontarien de sa décision. Si le conseil omet d’aviser le propriétaire de cette décision (comme indiqué ci-dessus) dans le délai de 90 jours susmentionné, le conseil sera réputé avoir consenti à la demande.
Si le conseil omet d’aviser le propriétaire de cette décision (comme indiqué ci-dessus) dans le délai de 90 jours susmentionné, le conseil sera réputé avoir consenti à la demande.
Délégation par le conseil
Le conseil a le pouvoir de déléguer le consentement aux transformations d’un bien à un employé ou à un cadre de la municipalité. Cette délégation doit être faite au moyen d’un règlement municipal et après consultation du comité municipal du patrimoine, si le conseil en a établi un. Un règlement municipal qui délègue à un employé ou un cadre de la municipalité le pouvoir du conseil de consentir à des transformations peut déléguer ce pouvoir à l’égard de toutes les transformations ou à l’égard de toute catégorie de transformations décrites dans le règlement municipal.
Appels
Si le propriétaire du bien s’oppose à la décision du conseil de refuser une demande ou d’y consentir sous certaines conditions, il peut interjeter appel auprès du Tribunal ontarien de l’aménagement du territoire.
Un avis d’appel doit être présenté à la fois au Tribunal et au secrétaire de la municipalité dans les 30 jours suivant la réception de l’avis du conseil relativement à sa décision au sujet de la demande. L’avis d’appel doit exposer l’opposition à la décision et les motifs à l’appui de celle-ci. L’avis d’appel doit également être accompagné des droits exigés par le Tribunal ontarien de l’aménagement du territoire.
Si un avis d’appel est donné dans ce délai de 30 jours, le Tribunal doit publier un avis d’audience et tenir ensuite l’audience. Le Tribunal est tenu de présenter l’avis d’audience au propriétaire du bien et aux autres personnes ou organismes que le Tribunal peut déterminer.
Toutefois, il à noter que dans certains cas, le Tribunal peut rejeter un appel sans audience conformément aux exigences particulières prévues aux paragraphes 33(12) et (13).
Si un avis d’appel est présenté en vertu de l’article 33 de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario, le secrétaire doit s’assurer qu’un procès-verbal de la décision du conseil concernant la demande est transmis au Tribunal dans les 15 jours suivant la remise de l’avis d’appel au secrétaire. L’article 12 du Règlement de l’Ontario 385/21 précise que les documents et renseignements suivants doivent être inclus dans le procès-verbal de la décision relative à la demande de transformation :
- une copie certifiée conforme du règlement municipal désignant le bien
- une copie des documents et renseignements requis qui ont constitué la demande (comme décrit au paragraphe 1 ci-dessus)
- une copie certifiée conforme de l’avis qui a été signifié au demandeur pour l’informer que sa demande est complète et la date à laquelle cet avis a été signifié
- une copie certifiée conforme de tout dossier relatif à un avis de demande incomplète, si un tel avis a été signifié
- une copie certifiée conforme de l’avis de décision du conseil relativement à la demande
- une copie de tout rapport examiné par le conseil
- une copie de l’ensemble des soumissions et commentaires écrits relatifs la décision et les dates auxquelles ils ont été reçus
- si une réunion publique liée à la décision a eu lieu, les documents prescrits relatifs à cette réunion
- tout document ou renseignement supplémentaire dont le conseil a tenu compte pour prendre sa décision
- un affidavit ou une déclaration sous serment d’un employé de la municipalité qui contient une attestation que tous les documents et renseignements exigés en vertu de cet article sont exacts.
Veuillez consulter le Règlement de l’Ontario 385/21 pour tous les détails.
Décision du tribunal
Après la tenue de l’audience, le Tribunal peut décider de rejeter l’appel ou d’ordonner à la municipalité de consentir à la demande, sous toute condition que le Tribunal précise. La municipalité doit notifier la décision du tribunal à la Fiducie du patrimoine ontarien.
4.2. Processus simplifié de transformation des bâtiments utilisés pour des pratiques religieuses
L’article 33 de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario impose aux propriétaires l’obligation de demander le consentement écrit du conseil municipal lorsqu’ils transforment des biens patrimoniaux désignés, si ces transformations sont susceptibles d’avoir une incidence sur les attributs patrimoniaux de ces biens, comme énoncé dans le règlement municipal désignant le bien. Le conseil peut alors consentir à la demande, y faire droit en l’assortissant de conditions ou la refuser.
Les paragraphes 33(18) à (26) de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario énoncent un processus simplifié d’approbation des transformations qui s’applique à un ensemble restreint de transformations proposées de bâtiments utilisés principalement pour l’exercice de pratiques religieuses.
Consultez le guide « Les lieux de culte patrimoniaux » pour en savoir plus sur ce processus.
4.3. Entretien
Il n’est habituellement pas nécessaire d’obtenir une approbation aux fins de la protection patrimoniale pour effectuer des travaux d’entretien général tels que repeindre les boiseries extérieures, refaire ou réparer un toit en asphalte existant ou effectuer des transformations et des réparations à des éléments d’un bien qui ne sont pas énumérés comme des attributs patrimoniaux dans le règlement municipal désignant le bien. Cependant, il est possible que le propriétaire du bien ait tout de même besoin d’un permis de construction, et il devra vérifier auprès du service de délivrance de permis de construction de sa localité.
Comme tous les autres propriétaires de biens, les propriétaires de biens désignés doivent entretenir leurs biens selon les normes de base établies par les règlements municipaux d’entretien et d’occupation. La Loi sur le patrimoine de l’Ontario permet aux municipalités de stipuler des normes minimales d’entretien pour les attributs patrimoniaux des biens désignés. Les conseils peuvent adopter un règlement municipal en vertu du paragraphe 35.3 de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario si la municipalité dispose déjà d’un règlement municipal sur les normes foncières en vertu de la Loi de 1992 sur le code du bâtiment. Le règlement municipal pris en vertu de la Loi sur le patrimoine de l’Ontario peut établir des normes minimales pour le maintien des attributs patrimoniaux des biens désignés. De cette façon, le conseil peut exiger du propriétaire d’un bien qu’il entretienne ou répare ledit bien selon des normes claires et objectives.
Établir des attentes transparentes en ce qui a trait à l’entretien pour les propriétaires de biens désignés peut aider le conseil à encourager la conservation du patrimoine dans la collectivité. Ce type de règlement municipal sur les normes foncières peut également s’appuyer sur des principes de conservation établis pour garantir que toute modification apportée à un bien patrimonial respecte les pratiques exemplaires.
Des chartes et ententes internationales définissent les principes directeurs pour la conservation des biens patrimoniaux du monde entier. Tous les ordres de gouvernement ont élaboré des lignes directrices en matière de conservation en se fondant sur ces principes. Pour obtenir de plus amples renseignements sur la manière d’effectuer des transformations judicieuses sur des biens du patrimoniaux, vous pourriez consulter les ressources suivantes :
- Huit directives en matière de conservation des biens du patrimoine bâti
- « Conserver, un savoir-faire » – le manuel de la Fiducie du patrimoine ontarien sur les théories et les pratiques de la conservation architecturale
- La publication Normes et lignes directrices de Parcs Canada pour la conservation des lieux patrimoniaux au Canada, peut être un document de référence utile
4.4. Appui à la conservation des biens désignés
De nombreuses municipalités ont établi des programmes d’incitatifs financiers afin d’aider les propriétaires à conserver leurs biens désignés.
Les municipalités peuvent également instaurer un programme d’allégement fiscal afin d’appuyer l’entretien continu et la conservation des biens désignés. La province contribue au coût de ces programmes en finançant la tranche scolaire de l’allégement des impôts fonciers. Pour obtenir de plus amples renseignements, consultez le guide du ministère sur l’allégement fiscal à l’égard des biens patrimoniaux.