Établissement du contexte

La Société canadienne du cancer a estimé que 82 100 Ontariens et Ontariennes recevront un diagnostic de cancer en 2019 et que 29 700 mourront d’un cancer (4). Pour l’avenir, à moins que nous réalisions des progrès en matière de prévention et de traitement, environ 44 % de la population sera atteinte d’un cancer dans sa vie et 24 % mourront d’un cancer. En se fondant sur ce qui est actuellement connu sur les causes du cancer, on a estimé qu’environ la moitié de tous les cancers, y compris ceux causés par le travail, sont évitables (5, 6).

Bien que nous ignorions encore bien des choses sur les causes du cancer, un grand nombre de cancérogènes professionnels ont été identifiés. Une récente recherche du Centre international de Recherche sur le Cancer (CIRC), lequel propose un programme visant à classifier la cancérogénicité des agents présumés, a ciblé 47 cancérogènes de groupe 1 (cancérogène) qui ont été classés en fonction des données probantes sur la cancérogénicité du milieu de travail (7). En étoffant cette analyse, le Centre de recherche sur le cancer professionnel (CRCP) a ciblé 63 cancérogènes professionnels de groupe 1 du CIRC et 44 cancérogènes professionnels de groupe 2A (probablement cancérogène) du CIRC en se fondant sur les études épidémiologiques ou les études portant sur l’exposition citées dans les monographies publiées en juillet 2019 (Figure 1) (8).

Figure 1 : Analyse du CRCP des cancérogènes professionnels en fonction de la classification du CIRC

Diagramme à secteurs du groupe 1 (cancérogène) : 51 % (61) de cancérogènes professionnels selon les données épidémiologiques; 44 % (53) de cancérogènes non professionnels; 3 % (4) de cancérogènes professionnels selon les données sur l’utilisation/occurrence; 2 % (2) de cancérogènes professionnels selon les données sur l’exposition.

Diagramme à secteurs du groupe 2A (probablement cancérogène) : 40 % (33) selon des données épidémiologiques; 34 % (28) selon des données sur les cancérogènes non professionnels; 12 % (10) selon des données sur l’utilisation/occurrence; 13 % (11) selon des données sur l’exposition.

 

Groupe 2B (peut-être cancérogène) : 20 % (61) selon des données épidémiologiques; 37 % (116) selon des données sur les cancérogènes non professionnels; 32 % (99) selon des données sur l’utilisation/occurrence; 11 % (35) selon des données sur l’exposition.

Groupe 3 (données insuffisantes pour déterminer la cancérogénicité) : 13 % (67) selon des données épidémiologiques; 35 % (176) selon des données sur les cancérogènes non professionnels; 41 % (204) selon des données sur l’utilisation/occurrence; 11 % (54) selon des données sur l’exposition.

Légende de la figure 1, qui consiste en quatre diagrammes circulaires. Présente le fondement de la classification, qui est composé de données épidémiologiques, de données sur l’exposition, de données sur l’utilisation/occurrence et de données sur les cancérogènes non professionnels.

Incidence des cancérogènes professionnels en Ontario

Des centaines de milliers d’Ontariens ont été exposés à un grand nombre de cancérogènes connus et présumés en milieu de travail. Cependant, l’incidence de ces expositions sur la santé n’est pas toujours évidente. Afin de répondre à cette question, le CRCP a mis sur pied le projet Fardeau du cancer lié à des expositions professionnelles footnote 1 , qui présente des estimations du nombre et de la proportion de cancers causées par l’exposition aux cancérogènes professionnels au Canada. Le projet a reçu une subvention nationale d’équipe de la Société canadienne du cancer et a été réalisé en collaboration avec des chercheurs de la Colombie-Britannique (C.-B.), du Québec et de l’Ontario (5). Les estimations des coûts économiques ont été élaborées par l’Institute for Work & Health (9), tandis que les estimations des antécédents d’exposition ont été principalement élaborées par CAREX Canada. Lorsque des données adéquates étaient disponibles, le projet a estimé que le nombre de cancers causés par l’exposition à des cancérogènes professionnels bien connus. Bien que l’objectif à long terme de ce projet soit de promouvoir la prévention du cancer professionnel au Canada, ses résultats sont également pertinents dans le cadre du présent rapport.

Comme l’indique le Tableau 1, environ 3 000 cancers diagnostiqués chaque année en Ontario sont causés par une exposition professionnelle à 16 cancérogènes qui se trouvent couramment dans les milieux de travail (10).

Tableau 1 : Fardeau du cancer professionnel en Ontario
CancérogèneNombre de cancers par année en Ontario (note 1)Actuellement exposé (note 2)
Rayons UV solaires au travail1 400 cancers de la peau sans présence de mélanome449 000
Amiante630 cancers du poumon, 140 mésothéliomes, 15 cancers du larynx, moins de 5 cancers des ovaires, cancers colorectaux et cancers de l’estomac supplémentaires52 000
Gaz d’échappement des moteurs diesel170 cancers du poumon, 45 cancers de la vessie301 000
Silice cristalline200 cancers du poumon142 000
Fumées de soudage100 cancers du poumon169 000
Nickel80 cancers du poumon48 000
Chrome hexavalent25 cancers du poumon39 000
Fumée secondaire au travail50 cancers du poumon, 10 cancers du pharynx, 5 cancers du larynx (note 3)125 000
Radon60 cancers du poumon34 000
Arsenic20 cancers du poumon8 000
Benzène10 leucémies, moins de 5 myélomes multiples147 000
HAP60 cancers du poumon, 15 cancers de la peau, 30 cancers de la vessie134 000
Travail par postes180 à 460 cancers du sein833 000
Rayonnements UV artificiels5 cancers de l’œil48 000
Poussière de boisMoins de 5 cancers naso-sinusaux, moins de 5 cancers nasopharyngiens92 000
FormaldéhydeMoins de 5 leucémies, moins de 5 cancers naso-sinusaux, moins de 5 cancers nasopharyngiens63 000

Remarques concernant le tableau

  1. données basées sur les statistiques de 2011 relatives au cancer; les associations probables avec le CIRC apparaissent en gras
  2. source : Carex Canada
  3. chez les personnes qui n’ont jamais fumé

Le rayonnement solaire, l’amiante, le gaz d’échappement des moteurs diesels et la silice cristalline sont les cancérogènes professionnels ayant la plus grande incidence sur le fardeau du cancer en Ontario (10).

  • Environ 449 000 travailleurs de l’Ontario passent beaucoup de temps à travailler à l’extérieur et sont exposés au rayonnement solaire, ce qui entraîne une estimation annuelle de 1 400 cas de cancer de la peau sans présence de mélanome.
  • Bien que moins de 55 000 travailleurs en Ontario soient aujourd’hui exposés à l’amiante dans le cadre de leur travail, une exposition antérieure est responsable de 630 cancers du poumon, de 140 mésothéliomes, de 15 cancers du larynx et de moins de 5 cancers des ovaires de chaque année dans la province. L’exposition à l’amiante peut également être responsable de cancers colorectaux et de cancers de l’estomac supplémentaires, mais le projet n’a pas été en mesure d’en estimer le nombre.
  • L’exposition au gaz d’échappement des moteurs diesels, laquelle touche actuellement environ 301 000 travailleurs ontariens, est responsable de 170 cancers du poumon et de 45 cas présumés de cancer de la vessie chaque année.
  • On estime que 142 000 travailleurs ontariens sont actuellement exposés à la silice cristalline, qui cause environ 200 cas de cancer du poumon chaque année.

Les analyses économiques de l’étude, qui ont été dirigées par l’Institute for Work & Health, ont examiné les coûts directs (p. ex., les coûts des soins de santé, les frais remboursables, l’administration des régimes d’assurance et les coûts pour les aidants naturels), les coûts indirects (p. ex., les coûts de productivité/en produits et les coûts de remplacement des travailleurs malades) et les frais intangibles (p. ex., valeur pécuniaire de la perte de la qualité de vie en raison de la santé). Les estimations économiques représentent les coûts totaux du cycle de vie des cancers nouvellement diagnostiqués au Canada (pour l’année de référence 2011).

  • les coûts estimés par cas de mésothéliome et de cancer du poumon se sont élevés à environ 1,1 et 1,0 million de dollars, respectivement (9)
  • le coût estimé pour chaque cas de cancer professionnel de la vessie était de 660 000 $ (11)
  • le coût estimé pour chaque cas de cancer de la peau sans présence de mélanome variait du carcinome squameux au carcinome basocellulaire (10 600 $ et 5 700 $, respectivement) (12)
  • les estimations du fardeau économique peuvent également être réalisées pour des expositions en particulier. Par exemple, le fardeau économique pour le cancer du poumon et le mésothéliome causés par l’exposition à l’amiante au Canada s’élève à 831 millions de dollars en coûts directs et indirects pour les nouveaux cas ciblés et 1,5 milliard de dollars canadiens de coûts liés à la qualité de vie (13)

Il est important de souligner qu’il ne s’agit pas des coûts au système d’indemnisation, mais de coûts mesurés à l’échelle sociale.

Le nombre de cancers professionnels indemnisés en Ontario

En 2013, le CRCP a publié un rapport qui a utilisé des données de l’Association des commissions des accidents du travail du Canada (ACATC) pour décrire les tendances des demandes indemnisées à la suite d’un décès attribuable à un cancer professionnel en Ontario et au Canada pour la période de 1997 à 2010 (14). Les demandes indemnisées à la suite d’un décès attribuable à un cancer professionnel ont augmenté considérablement au cours de cette période, dépassant celles pour les blessures traumatiques au Canada. Le changement a été particulièrement marqué en Ontario où le nombre de demandes pour les cancers professionnels a dépassé les demandes pour les blessures en 2005. En 2010, le nombre de ces demandes avait plus que doublé. L’analyse a été étendue jusqu’en 2017 pour le présent rapport (Figure 2). Bien que le nombre varie d’une année à l’autre, les données indiquent qu’il y a encore un nombre beaucoup plus élevé de demandes pour des cancers mortels acceptées chaque année que de demandes pour des blessures traumatiques.

Figure 2  : Demandes pour décès sur les lieux de travail acceptées par la CSPAAT (1997-2017)

La figure 2 est un graphique qui présente le nombre de demandes d’indemnisation pour décès acceptées, à la fois en ce qui concerne les blessures traumatiques et le cancer professionnel. En 1997, le nombre de demandes d’indemnisation pour décès acceptées en raison de blessures traumatiques dépassait à peine 100, alors que celui lié aux maladies professionnelles était juste un peu plus de 50. En 2017, le nombre de demandes d’indemnisation pour décès acceptées en raison de blessures traumatiques a chuté sous la barre des 100, tandis que le nombre lié aux maladies professionnelles a atteint plus de 150. Le tableau indique que le nombre de demandes d’indemnisation acceptées pour des décès liés aux maladies professionnelles a d’abord dépassé le nombre lié aux blessures traumatiques en 2004, et qu’il est demeuré plus élevé depuis.

Toutefois, les demandes d’indemnisation pour décès ne représentent qu’une partie des demandes attribuables aux cancers. Selon les données fournies par la CSPAAT sur toutes les demandes d’indemnisation pour un cancerfootnote 2, 4 044 demandes d’indemnisation pour un cancer ont été présentées à la CSPAAT entre 2009 et 2018, et 1 678 (ou 41,5 %) de ces demandes ont été acceptées (Tableau 2 ). Par conséquent, au cours des 10 dernières années, une moyenne de 400 demandes d’indemnisation pour un cancer ont été présentées à la CSPAAT par année et, en moyenne, 170 de ces demandes d’indemnisation ont été acceptées par année (exclusion faite des demandes d’indemnisation liées aux présomptions applicables aux pompiers). Le nombre total de demandes d’indemnisation acceptées était réparti comme suit : 762 pour un mésothéliome (45 % de toutes les demandes d’indemnisation pour un cancer acceptées), 596 pour un cancer du poumon (36 %), 71 pour un cancer de la peau (40 %), 4,2 pour le cancer de la vessie cancer (2,4 %) et 209 pour d’autres cancers (12 %). Cette répartition s’explique en grande partie parce que plus de la moitié des demandes d’indemnisation présentées (n = 2 035) étaient des demandes pour un cancer attribuable à l’amiante et 63 % (n = 1 291) de ces demandes ont été acceptées (Tableau 3). En revanche, seulement 19 % (n = 391) de toutes les autres demandes d’indemnisation ont été acceptées.

Tableau 2 : Demandes d’indemnisation pour un cancer acceptées (2009 à 2018), par diagnostic primaire/cause de décès
Cancer primitif2009201020112012201320142015201620172018Total
Mésothéliome90798870738066787662762
Cancer du poumon87755662454871455453596
Autres cancers49384132271717203247320
Total2261921851641451451541431621621 678
Tableau 3 : Principal agent responsable des demandes d’indemnisation acceptées pour le cancer en Ontario (2009-2018)
AgentCas
Amiante1291
Silice cristalline23
Benzène21
Défoliants et herbicides38
Exposition au soleil et au rayonnement ultraviolet24
Goudron de houille14
Émissions de fonderies13
Émissions de cokeries11
Émissions d’usines de frittage et de nickel18
Fumées de soudage9
Uranium (radon)8
Gaz d’échappement – moteur diesel7
Produits chimiques provenant de caoutchouc6
Rayonnement ultraviolet6
Solvants6
Poudre d’aluminium6
Trichloréthylène5
Rayonnements ionisants5
Hydrocarbure aromatique5
Autres agents et agents non spécifiés172

Écart entre le fardeau estimé et les demandes indemnisées en Ontario

Une comparaison des données du tableau 1 (page 5) et du tableau 3 (ci-dessus) révèle que les statistiques sur les demandes ne reflètent pas le véritable nombre estimé de cancers professionnels en Ontario. Les demandes pour les cancers attribuables à l’exposition à l’amiante étaient la catégorie de demandes la mieux indemnisée de 2009 à 2018, avec une moyenne d’environ 130 demandes indemnisées chaque année (Tableau 3). Parmi ces demandes, environ 80 étaient pour un mésothéliome (Tableau 2). Cependant, pour l’année de référence 2011, le projet Fardeau du cancer lié à des expositions professionnelles a estimé que l’exposition à l’amiante professionnelle a causé 630 cancers du poumon et 140 mésothéliomes (et un plus petit nombre de cancers du larynx, de cancers des ovaires, de cancers colorectaux et de cancers de l’estomac en Ontario (Tableau 1) (13). Des divergences semblables ont été constatées dans le nombre de cas prévus par rapport au nombre de demandes d’indemnisation acceptées pour l’exposition au rayonnement solaire UV (1 400 prévues par rapport à 24 acceptées), aux gaz d’échappement des moteurs diesels (170 prévues par rapport à 7 acceptées), à la silice cristalline (200 prévues par rapport à 23 acceptées) et les vapeurs de soudage (100 prévues par rapport à 9 acceptées). En se fondant sur des associations bien établies, un total de 2 900 cas de cancer a été prévus pour l’ensemble des 16 carcinogènes énumérés au Tableau 1 comparativement à la moyenne de 170 demandes acceptées par année. Il est important de souligner que seulement une fraction de cet écart s’explique par le rejet des demandes d’indemnisation, étant donné que seulement 400 demandes sont déposées par an et un grand nombre de ces demandes sont pour des associations qui ne sont pas comprises dans la liste du CIRC.

Comparaison de l’Ontario et d’autres territoires de compétence

Comparaison de l’Ontario et des autres provinces canadiennes

Pour comparer l’indemnisation en Ontario à celle dans les autres provinces, nous avons calculé le taux des demandes d’indemnisation pour 100 000 travailleurs au moyen de données provenant de l’ACATC sur les demandes pour des décès acceptées et d’un rapport sur la portée de la couverture de la population active (15). Selon les données de l’ACATC, 161 demandes d’indemnisation pour un cancer mortel ont été présentées en Ontario en 2015, entraînant un taux de demandes d’indemnisation de 3,1 pour 100 000 travailleurs assurés. Le taux global de demandes d’indemnisation au Canada cette année était de 2,5, qui était un taux semblable à celui de la C.-B. (soit 2,4), du Québec et du Manitoba (tous deux à 2,5). Terre-Neuve-et-Labrador avait le taux le plus élevé (soit 5,2), tandis que l’Alberta avait le taux le plus faible (soit 1,2) et les autres provinces (qui avait trop peu de cas pour calculer un taux distinct) avaient adopté un taux combiné de 2,0 demandes pour 100 000 travailleurs assurés. Selon les données de l’ACATC, les demandes pour un mésothéliome causé par l’exposition à l’amiante ont été les demandes pour un cancer mortel les plus indemnisées au Canada, représentant 46 % du nombre total de demandes d’indemnisation. Les demandes pour un mésothéliome représentaient 36 % des demandes pour un décès en Ontario et en Alberta, 58 % au Québec, ainsi que 65 % en C.-B.

Le projet Fardeau du cancer lié à des expositions professionnelles estime qu’il existe près de cinq cancers du poumon liés à l’amiante pour chaque mésothéliome, et nos recherches indiquent que ces deux types de cancer sont gravement sous-déclarés et sous-indemnisés. Il y a un certain nombre de facteurs qui pourraient avoir une incidence sur une indemnisation, tels que les politiques provinciales et la reconnaissance de la causalité par les cliniciens. En 2016, le CRCP a mené une petite analyse afin d’enquêter sur l’incidence de ces facteurs sur l’indemnisation des mésothéliomes mortels et des cancers du poumon attribuable à l’exposition à l’amiante (16). Pour calculer la proportion de demandes indemnisées, nous avons divisé le nombre moyen de demandes indemnisées pour un décès attribuable à l’exposition à l’amiante pour la période de 2011 à 2014 (tiré des données de l’ACATC) par le nombre de demandes pour des cancers mortels attribuables à l’exposition à l’amiante en 2011 fourni par le projet Fardeau du cancer lié à des expositions professionnelles. Les résultats globaux ont révélé que 61 % des demandes pour un mésothéliome et 5 % des demandes pour un cancer du poumon attribuables à l’exposition à l’amiante au Canada ont été indemnisées. En Ontario, ces résultats étaient 61 % et 6 %, respectivement. Parmi les autres provinces, seulement la C.-B. a eu de résultats meilleurs pour les demandes pour les mésothéliomes, avec pratiquement toutes les demandes indemnisées à ce moment. Pour le cancer du poumon, les taux du Québec et de la C.-B. étaient semblables à celui de l’Ontario, les autres provinces acceptant moins de demandes d’indemnisation.

Comparaison de l’Ontario et de territoires de compétence internationaux retenus

Pour comparer l’indemnisation au Canada à celle de certains territoires de compétence européens importants, nous avons utilisé les données d’un rapport intitulé « Sinistralité et repérage des cancers professionnels dans neuf pays européens », qui comprenait des statistiques pour l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la Finlande, la France, l’Italie, la Suède et la Suisse (17). En 2016, les pays affichant les taux les plus élevés de demandes d’indemnisation acceptées pour des cancers professionnels pour 100 000 travailleurs assurés étaient les suivants : l’Allemagne, la France, le Danemark, l’Italie et la Belgique (Figure 3). En 2018, l’Ontario a accepté 162 demandes d’indemnisation pour tous les types de cancer. Avec 5 592 000 personnes assurées en 2018, le taux de demandes d’indemnisation acceptées pour un cancer en Ontario était considérablement inférieur à tous ces territoires de compétence avec un taux de 2,9 pour 100 000 travailleurs assurés.

Figure 3 : Comparaison du taux d’acceptation des demandes d’indemnisation en Ontario et de celui de territoires de compétence retenus

Demandes acceptées pour 100 000 travailleurs assurés :

Allemagne

15,1

France

11,4

Danemark

6,9

Italie

6,3

Belgique

4,7

Ontario

2,9

Les pays qui ont accepté le pourcentage le plus élevé de demandes d’indemnisation présentées étaient l’Autriche (87,2 %) et la France (79,1 %), tandis que le Danemark en a accepté le moins à 28,2 %. En comparaison, l’Ontario a accepté 42 % des demandes d’indemnisation présentées en 2018.

Dans tous les territoires de compétence sauf l’Allemagne, les demandes d’indemnisation pour un cancer acceptées en 2016 étaient surtout des demandes pour les cancers attribuables à l’exposition à l’amiante. En Allemagne, les demandes pour les cancers attribuables à l’exposition à l’amiante représentaient 30 % des demandes d’indemnisation acceptées, tandis que dans les huit autres pays, 75 % ou plus des demandes étaient pour des cancers attribuables à l’exposition à l’amiante. En Ontario, les demandes pour les cancers attribuables à l’exposition à l’amiante représentaient 77 % du nombre total de demandes acceptées en 2018. Globalement, l’Allemagne, la France et l’Italie ont accepté des demandes d’indemnisation pour le plus grand nombre de types différents de cancer. En 2015, l’Allemagne a inscrit le cancer de la peau causé par les rayonnements ultraviolets sur la liste des maladies professionnelles, et dès 2016, la majorité des demandes d’indemnisation acceptées étaient pour le cancer de la peau (3 782 demandes d’indemnisation, soit 58 %). La France a le deuxième pourcentage le plus faible de demandes d’indemnisation pour les cancers attribuable à l’amiante (soit 75 %) et elle est le seul pays qui a indemnisé plus de demandes pour les cancers du poumon attribuables à l’exposition à l’amiante que pour les mésothéliomes.

Pour l’Allemagne et la France, presque tous cas reconnus étaient sur les listes de présomptions (voir Territoires de compétences internationaux retenus dans la partie 5 du présent rapport). L’Allemagne a reconnu seulement 28 cancers « hors-liste » (0,43 %), tandis que la France en a reconnu 94 (4,44 %). Bien que l’exposition professionnelle à un cancérogène peut varier entre les pays en fonction des principaux secteurs et de la prévention de l’exposition, il est intéressant de noter que la Suède, qui n’a aucun cancer inscrit sur sa liste de présomptions, avait un ratio de seulement 0,5 demande d’indemnisation acceptée pour 100 000 assurés en 2016 et a reconnu uniquement 27 demandes (sur total de 56 demandes présentées, soit 48 %).

La façon dont les demandes d’indemnisation pour les cancers professionnels sont indemnisées en Ontario

Dans cette section, nous résumons notre compréhension de la façon dont les demandes d’indemnisation pour les cancers professionnels sont indemnisées en Ontario et la manière dont les principes scientifiques sont actuellement utilisés pour éclairer le processus d’élaboration des politiques. Bien qu’une analyse détaillée du contexte politique et juridique de l’indemnisation pour les cancers professionnels dépasse le cadre du présentexamen, nous avons fourni une liste des politiques relatives aux cancers professionnels de la CSPAAT dans cet examen à l’Annexe 2.

Pour établir l’admissibilité à l’indemnisation spécialement en cas de cancers professionnels et plus généralement en cas de maladies professionnelles, la question à résoudre concernant les décisions clés est le lien de causalité. Par conséquent, lorsqu’ils prennent une décision concernant une demande d’indemnisation, les décideurs cherchent à déterminer si la maladie a résulté de la nature de l’emploi du travailleur (c.-à-d. La maladie est-elle liée au travail?). Trois principes généraux régissent la façon dont le lien de causalité est évalué et l’admissibilité est déterminée :

  1. L’emploi ne doit pas nécessairement constituer la cause prédominante ou primaire. L’exposition doit contribuer de manière significative ou concrète à l’apparition de la maladie, mais rien dans la loi ou les politiques n’exige que le travail ou l’exposition soit la seule cause. p\Pour déterminer si l’exposition était d’importance causale, les décideurs devraient appliquer le critère de minimis (c.-à-d. le degré d’exposition du travailleur est-il plus que négligeable?).
  2. La certitude absolue n’est pas requise. Étant donné que la norme de preuve est la prépondérance des probabilités, la certitude absolue n’est pas exigée pour évaluer la cause et pour déterminer l’admissibilité à l’indemnisation. Les décideurs doivent soupeser la preuve et avoir la certitude que, selon toute vraisemblance, l’exposition professionnelle a contribué de façon importante au développement du cancer du travailleur.
  3. Le travailleur a le bénéfice du doute. Lorsque les arguments en faveur et contre la causalité ont le même poids, la Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail exige que le bénéfice du doute soit donné au demandeur et que la question soit réglée en sa faveurfootnote 3.

Ces principes s’appliquent aux décisions prises concernant toutes les demandes d’indemnisation, peu importe si elles sont pour des maladies professionnelles, des blessures physiques ou des blessures psychologiques. Le critère pour la causalité et le fardeau de la preuve sont les mêmes pour les blessures et les maladies professionnelles, sauf celles auxquelles s’appliquent les présomptions pour lesquelles le fardeau de réfuter le lien avec le travail incombe à l’employeur.

Le programme des maladies professionnelles et des prestations de survivant, un service composé d’agents d’indemnisation, de médecins, d’hygiénistes du travail et d’infirmières gestionnaires de cas de la CSPAAT, est responsable de prendre les décisions concernant les demandes d’indemnisation pour un cancer professionnel en Ontario et de gérer ces demandes. L’admissibilité est établie selon les méthodes suivantes :footnote 4 par renvoi aux présomptions fournies aux annexes 3 et 4 du Règlement de l’Ontario 175/98, par application des politiques opérationnelles énoncées aux chapitres 16 et 23 du Manuel des politiques opérationnelles et au cas par casfootnote 5. Selon la CSPAAT, la collecte de renseignements constitue l’étape clé de toutes les demandes d’indemnisation pour des maladies professionnelles ainsi que la plus pertinente pour le présent examen. À cette étape, quelle que soit la méthode de prise de décision, le décideur recueille, analyse et soupèse les renseignements suivants : les antécédents professionnels, les antécédents détaillés d’exposition, les antécédents médicaux (p. ex., les rapports de diagnostic et les avis médicaux), les données scientifiques actuelles sur les expositions et les maladies professionnelles et les renseignements personnels pertinents (18). Le cas échéant, les décideurs consulteront des ressources internes et externesfootnote 6 pour répondre à toute question qu’ils ont sur la causalité et le lien entre la maladie et le travail.

Indemnisation des cancers présumés avoir un lien avec le travail

Un grand nombre de systèmes d’indemnisation des travailleurs au Canada et dans le monde possèdent des listes de maladies professionnelles dans les annexes de la loi ou dans les règlements connexes. Si un travailleur est diagnostiqué avec une maladie inscrite dans une liste prévue par un règlement et qu’il a travaillé dans les activités correspondantes, la maladie sera présumée être une maladie professionnelle. Bien que les présomptions de lien avec le travail soient généralement réfutables (p. ex., des preuves du contraire peuvent être données qui permettent à la commission d’indemnisation de conclure que, dans le cas particulier d’un travailleur, la maladie n’était pas attribuable au travail), certains territoires de compétence, notamment l’Ontario, ont des présomptions de maladies professionnelles qui sont irréfutables (p. ex., des preuves du contraire ne sont pas autorisées).

En vertu des annexes 3 et 4 du Règement de l’Ontario 175/98, trois cancers bénéficient d’une présomption de lien de causalité avec le travail : le cancer épithéliomateux (peau), le cancer primitif des fosses nasales ou des sinus paranasaux et le mésothéliome de la plèvre et du péritoine (Tableau 4)footnote 7. Les présomptions énumérées à l’annexe 3 peuvent être réfutées, tandis que celles énumérées à l’annexe 4 sont irréfutables.

Tableau 4a : Cancers énumérés à l’annexe 3 du Règlement de l’Ontario 175/98, avec présomption réfutable de lien de causalité avec le travail
Description de la maladieDescription du procédé
Cancer – cancer épithéliomateux (peau)Tout procédé comportant l’utilisation ou la manipulation de brai de goudron, de bitume, d’huile minérale ou de paraffine ou tout composé, produit ou résidu de ces substances.
Cancer – cancer primitif des fosses nasales ou des sinus paranasauxConcentration, fonte ou affinage dans l’industrie productrice de nickel
Tableu 4b : Cancers énumérés à l’annexe 4 du Règlement de l’Ontario 175/98, avec présomption irréfutable de lien de causalité avec le travail
Description de la maladieDescription du procédé
Néoplasme malin primaire du mésothéliome de la plèvre du péritoine [sic]Tout procédé du secteur des mines, du broyage, de la fabrication, de l’assemblage, de la construction, de la réparation, de la modification, de l’entretien ou de la démolition qui produit des fibres d’amiante aéroportées.
Cancer primitif des fosses nasales ou des sinus paranasauxTout procédé à l’usine de frittage Copper Cliff d’Inco Limited.
Cancer primitif des fosses nasales ou des sinus paranasauxTout procédé dans le service de lixiviation, de calcination et de frittage d’Inco Limited à Port Colborne, tel qu’il était pratiqué avant le 1er janvier 1966.

Indemnisation des cancers lorsqu’il n’y a pas de présomption de lien avec le travail

En Ontario, comme dans de nombreux territoires de compétence, les travailleurs atteints d’un cancer peuvent toujours demander une indemnisation et y être admissible, même si leur cancer n’est pas inscrit dans une annexe prévoyant des présomptions ou lorsque leur exposition ne correspond pas à l’exposition stipulée dans une présomption. Dans ces cas, il faut démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que leur maladie a été contractée par le fait ou à l’occasion du travail en raison de leur exposition à des dangers sur leur lieu de travail (19, 20). Les éléments qu’il faut prouver exigés par les territoires de compétence varient, mais il est généralement nécessaire de fournir une preuve qu’il est plus probable que non que la maladie ait été causée par l’emploi du travailleur, même si le travailleur était exposé à d’autres dangers à l’extérieur du lieu de travail (19, 20).

En Ontario, les politiques pertinentes se trouvent aux chapitres 11, 16 et 23 du MPO. L’Ontario n’a pas de politique générale sur la façon de déterminer le lien de causalité avec le travail pour des demandes d’indemnisation pour cancer professionnel. À l’exclusion d’une politique pour cancers chez les pompiers, 12 des 22 politiques relatives aux maladies professionnelles que contiennent ces chapitres portent sur les cancers professionnels. Des 12 politiques sur les cancers professionnels, 7 fournissent des lignes directrices relativement à la prise de décisions concernant les demandes pour le cancer du poumon et 2 fournissent des lignes directrices relativement à la prise de décisions concernant les demandes pour le cancer du larynx. Les trois autres politiques sur les cancers professionnels fournissent des lignes directrices sur le cancer du nez, le cancer gastro-intestinal et le mésothéliome. Toutes les politiques de la CSPAAT concernant les cancers professionnels qui ont été prises en compte dans le présent examen figurent à l’Annexe 2.


Notes en bas de page

  • note de bas de page[1] Retour au paragraphe Le terme « fardeau » fait référence à la répercussion humaine et aux coûts économiques associés à une cause de maladie.
  • note de bas de page[2] Retour au paragraphe Comprend les demandes présentées et acceptées.
  • note de bas de page[3] Retour au paragraphe Les dispositions relatives au bénéfice du doute raisonnable sont énoncées au paragraphe 119 (2) de la Loi et considérées dans la Politique 11-01-13.
  • note de bas de page[4] Retour au paragraphe L’autre méthode utilisée est l’application des articles 15.1 et 15.2 de la Loi (et le renvoi au Règlement de l’Ontario 253/07 pour les demandes des pompiers.) Comme il est mentionné ailleurs dans le présent rapport, la discussion portant sur les demandes des pompiers n’est pas comprise dans la portée du présent examen.
  • note de bas de page[5] Retour au paragraphe Pour les demandes présentant un diagnostic de cancer reconnu par présomption, l’admissibilité est d’abord déterminée en sachant si l’exposition du travailleur satisfait aux critères établis dans la deuxième colonne de l’annexe appropriée. Si ces critères ne sont pas respectés, l’admissibilité n’est pas prise en compte aux termes des politiques pertinentes ou selon le principe du cas par cas. La décision au cas par cas est basée sur les faits de la demande et une évaluation des preuves des liens de causalité entre l’exposition professionnelle et la maladie.
  • note de bas de page[6] Retour au paragraphe Les ressources internes comprennent les suivantes : médecins du travail et autres médecins spécialistes, infirmières de pratique avancée, hygiénistes du travail et personnel de soutien de la Direction des politiques opérationnelles (comprend le soutien politique et scientifique).
  • note de bas de page[7] Retour au paragraphe Le Règlement de l’Ontario 253/07 comprend également une liste de 17 cancers qui sont des maladies prescrites pour l’application du paragraphe 15.1 (4) de la Loi.