Les grands enjeux liés à l’acquisition de droits de négociation sont probablement ceux qui soulèvent le plus de débats entre les employeurs et les syndicats, et ils figurent certainement parmi les plus importants du point de vue de la politique publique. Au cours des 25 dernières années, de nombreux changements importants ont été apportés à la loi et à l’interprétation de la Constitution. Le marché du travail et la structure de l’emploi ont aussi fait l’objet de changements. Ces changements, jumelés au déclin de la couverture syndicale dans le secteur privé, font en sorte qu’il faut repenser et réévaluer la situation dans ce secteur.

La chute de la syndicalisation dans le secteur privé (qui est passée de 19,2 % en 1997 à seulement 14,3 % en 2015)footnote 443 et son absence dans les petites entreprises sont frappantes. En effet, comme nous l’avons souligné dans notre rapport intérimaire, les travailleurs vulnérables qui occupent des emplois précaires sont légion dans un grand nombre de domaines du secteur privé, où la syndicalisation est très faible.

La récente modification de la loi vient au deuxième rang des changements importants. Établie par les plus hautes cours du Canada, cette modification confirme que la liberté d’association est désormais un droit constitutionnel dont l’interprétation doit être large. La Cour suprême du Canada a déclaré aux Canadiens et au gouvernement que la liberté d’association exige que les Canadiens aient un accès véritable au processus de négociation collective.

La modification rapide des règles d’accréditation est un troisième ensemble d’événements importants. Après une période de stabilité relative de plus de 40 ans dans le système d’accréditation, les règles ont changé rapidement en 1993, 1995, 1998, et encore en 2005.

Ces changements ont été apportés par les trois partis politiques. Pour des raisons qui n’étaient pas toujours évidentes et qui n’étaient pas soutenues par une analyse indépendante réalisée par un tiers, toutes les personnes concernées semblaient rejeter le statu quo concernant l’acquisition de droits de négociation en vigueur dans les années 1940 et 1950 et jusqu’en 1993. Notre objectif est de trouver une nouvelle stabilité et de recommander une série de changements dans ce domaine qui pourraient agir à titre de principes de base sur une plus ou moins longue période, à moins que de nouveaux éléments importants ne démontrent que ces changements sont des erreurs ou qu’ils sont insuffisants.

Jusqu’en 1993, le processus d’acquisition de droits de négociation par des syndicats était largement admis en tant que compromis mis en place sur plusieurs années par le gouvernement progressiste-conservateur, puis par le gouvernement libéral. Bien que ce processus était réputé équitable, certains membres du mouvement syndicaliste ont toujours prôné le recours à un processus de pétition qui était indissociable d’une accréditation fondée sur les cartes d’adhésion (ou cartes de vérification) au cours de ces années. Le modèle d’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion en vigueur pendant cette longue période permettait aux syndicats d’être accrédités sans vote au scrutin secret, si plus de 55 % des employés avaient signé leur carte de membre. Toutefois, le système permettait aux employés, pendant une courte période suivant la signature de leur carte, de changer d’avis (de signer une pétition). Il permettait aussi aux employeurs de faire connaître leur opinion sur la syndicalisation, du moment qu’ils n’interféraient pas, qu’ils ne faisaient aucune menace ou promesse, qu’ils ne forçaient, n’intimidaient ou n’influençaient de façon indue personne (ci-après appelé « activité illégale » ou « inconduite de l’employeur »). Si un nombre suffisant d’employés changeaient d’avis, alors un vote au scrutin secret avait lieu. Étant donné le déséquilibre présumé en matière de pouvoir sur le lieu du travail entre les employeurs et les employés, lorsque ces derniers changeaient soi-disant d’avis, il leur incombait de prouver que le changement était volontaire et qu’il ne survenait pas en raison d’une pression exercée par l’employeur ou d’une intervention de celui-ci. Dans la plupart des cas, les employés avaient de la difficulté à prouver que le changement de cap était volontaire, soit parce qu’il y avait soutien de l’employeur ou, ce qui arrivait plus souvent, parce qu’il y avait des signes que l’employeur était l’instigateur du changement.

Le nouveau système d’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion en vigueur entre 1993 et 1995, en vertu du projet de loi 40, était différent de l’ancien système en ce sens que le changement d’avis des employés après la date d’entrée en vigueur était alors non reconnu par la loi. Si le syndicat obtenait un soutien de 55 % fondé sur la preuve d’adhésion à la date de la demande, il était accrédité. La même approche avait été mise en œuvre conformément au Code canadien du travail depuis de nombreuses années.

Ce changement était perçu par les employeurs et par le gouvernement subséquent comme un changement important et indésirable comparativement au statu quo en vigueur depuis des décennies. Toutefois, en 1995, le gouvernement nouvellement élu a adopté une loi (le projet de loi 7) qui rendait obligatoire le vote par scrutin secret dans chaque cas. Cette loi éliminait radicalement l’approche historique adoptée par l’Ontario. Ces nouvelles dispositions confirmant le vote par scrutin secret obligatoire sont restées en vigueur pendant plus de vingt ans, avec une seule exception : l’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion a été rétablie dans le secteur de la construction en 2005. Le système d’avant 1993 pour lequel il y avait un consensus généralisé n’a jamais été rétabli.

Des changements aux dispositions d’accréditation correctives (sans vote) de la Loi de 1995 sur les relations de travail (LRT) ont été apportés encore plus fréquemment depuis 1993. Avant 1993, si une inconduite d’un employeur avait pour résultat que l’objectif réel des employés ne serait probablement pas confirmé par un vote, le syndicat était accrédité sans vote, du moment que le nombre de membres était suffisant pour soutenir la négociation collective. Puis, en 1993, l’exigence selon laquelle un soutien suffisant des membres était requis pour la négociation a été éliminée. En 1995, elle a été rétablie. Plus important encore, en 1995, l’accréditation corrective a été limitée aux situations où la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO) constatait qu’aucune autre mesure corrective, autre qu’un deuxième vote, ne pouvait contrer l’inconduite de l’employeur. Puis, en 1998, l’accréditation corrective a été éliminée dans sa totalité. Enfin, en 2005, l’accréditation corrective a été rétablie, mais la CRTO ne peut plus accréditer un syndicat sans qu’un vote n’ait lieu que dans les cas où « aucun autre recours [a] été jugé suffisant pour contrer les effets de la contravention ». Cela est toujours en vigueur aujourd’hui. La CRTO peut aussi aujourd’hui tenir compte des résultats d’un scrutin de représentation antérieur et du fait qu’un syndicat a ou non « l’appui d’un nombre suffisant de membres » dans le cadre d’une négociation collective.

Ces changements ont été apportés sans évaluation indépendante ou réalisée par un tiers et, à quelques reprises, ils ont représenté des positions politiques et des compromis sur les intérêts de la main-d’œuvre et des employeurs, avec des répercussions importantes sur les droits des travailleurs.

Depuis les modifications de 2005, de nombreuses accréditations correctives ont été accordées (trois par année en moyenne). Selon nous, ce n'est pas surprenant étant donné l’absence totale d’accréditations correctives de 1998 à 2005 et que depuis 2005, il y a eu des accréditations correctives restrictives. Dans tous les cas, les règles d’accréditation corrective sont importantes, non pas parce qu’elles ont une influence sur les résultats dans quelques cas litigieux chaque année, mais parce qu’elles ont des répercussions importantes sur la conduite des parties dans des centaines de campagnes d’accréditation qui surviennent chaque année. C’est cette conduite que nous cherchons à influencer au moyen de nos recommandations, et non pas simplement les résultats obtenus dans un certain nombre de cas devant la CRTO.

Nous reconnaissons que les raisons données pour justifier les quelques cas d’accréditation corrective sont fondées sur des preuves empiriques et sont de nature quelque peu spéculative, mais selon les organisateurs syndicaux expérimentés consultés, ce n’est pas parce que la conduite des employeurs pour influencer le vote a diminué. La conduite des employeurs aura toujours un effet sur le vote. Selon ce que nous avons appris, le peu de demandes repose sur le fait que la loi actuelle est telle qu’un syndicat hésite à obtenir une accréditation corrective lorsque le soutien dont il profite a été miné par une conduite illégale de l’employeur. Dans ces cas, et même si l’accréditation est obtenue, la négociation collective est très difficile sans l’accessibilité à l’arbitrage correctif de la première convention collective. Lorsque le soutien au syndicat est érodé par une inconduite de l’employeur, le soutien aux objectifs raisonnables d’une négociation collective l’est aussi. La révocation d’une accréditation est une possibilité plus probable lorsqu’il y a eu inconduite de l’employeur. Aussi, tout indique qu’il est plus coûteux et litigieux pour un syndicat de chercher à obtenir une accréditation corrective. Il semble que le petit nombre de cas dans ce secteur soit une preuve circonstancielle que la loi est trop faible pour être efficace dans un grand nombre de casfootnote 444.

Cependant, la façon dont les règles d’accréditation et d’accréditation corrective influencent la conduite des employeurs et des syndicats est beaucoup plus importante que le nombre de cas. Ce que nous cherchons à obtenir, c’est un système logique et juste qui permettrait de réduire les manifestations de conduite illégale pendant les campagnes de syndicalisation et qui serait viable et cohérent avec le droit constitutionnel des employés de profiter d’un processus véritable de négociation collective.

11.1 Critères pour nos recommandations

Selon nous, l’approche axée sur les enjeux dans ce secteur doit comprendre un ensemble intégré et complet d’idées, et non un amas confus de compromis et de picorage parmi les divers éléments que forment les enjeux auxquels doivent faire face les décideurs. C’est la raison pour laquelle une de nos plus importantes recommandations concernant l’acquisition de droits de négociation est que nos recommandations dans ce secteur, tout particulièrement les recommandations 1 à 6, soient acceptées dans leur totalité (comme un ensemble).

Nous avons soigneusement assemblé nos recommandations pour qu’elles reflètent un objectif d’équilibre et de stratégie; elles constituent un système et un cadre complets. Par exemple, si une personne organise à la base un vote au scrutin secret, certaines conséquences pourraient suivre. Permettre aux syndicats ou aux employeurs de sélectionner seulement les éléments qu’ils préfèrent, et non pas ceux qui ne font pas leur affaire, n’est pas une méthode rationnelle d’élaborer des politiques. Les deux parties auront leurs raisons de critiquer les caractéristiques de notre ensemble de recommandations, mais si l’objectif de la stratégie en matière de relations de travail était de plaire aux parties, très peu de changements seraient alors apportés aux politiques.

Tous les syndicats soutiennent avec vigueur ce qu’ils appellent la « restauration » de l’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion, qui, il semblerait, a été utilisée pendant des décennies. Comme nous l’avons susmentionné, le modèle d’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion en vigueur avant 1993 était très différent de celui de 1993. Le modèle de 1993 a été en vigueur à l’extérieur du secteur de la construction pendant seulement deux ans, et c’est le modèle que les syndicats privilégient aujourd’hui. Les syndicats prétendent que le système fondé sur les cartes d’adhésion est démocratique et que lorsqu’il est en vigueur il joue le rôle nécessaire de contrepoids à l’inconduite illégale des employeurs dans le cadre des campagnes d’accréditation, parce qu’il permet de mesurer fréquemment le soutien, avant que l’employeur apprenne qu’une campagne de sensibilisation est en cours. Le soutien des syndicats pour l’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion s’explique par le fait que les syndicats semblent atteindre plus souvent leur objectif avec un tel modèle d’accréditation qu’avec un modèle fondé sur le vote obligatoirefootnote 445.

Les employeurs s’opposent à l’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion avec autant de vigueur que les syndicats la soutiennent. Les employeurs s’opposent à la modification de la LRT principalement en raison de ce modèle d’accréditation. Chaque groupe d’employeurs s’oppose avec vigueur à l’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion. Même si le système utilisé en Ontario avait été mis en place il y a plus de 40 ans et qu’il permettait l’accréditation sans vote fondée sur une majorité vérifiable selon le nombre de cartes de plus de 55 %, les employeurs se méfient de l’authenticité du système fondé sur les cartes d’adhésion. Ils ont tendance à croire que les employés signent leurs cartes parce qu’ils sont peut-être mystifiés par des promesses irréalisables ou par de fausses déclarations, qu’ils subissent une pression excessive de la part du syndicat ou de pairs, ou encore qu’ils sont victimes d’intimidation. De plus, ils ajoutent que le vote démocratique dans notre société est le vote au scrutin secret, où la vie personnelle des personnes est protégée. Cette prise de position des employeurs prend cependant racine dans le fait que les syndicats semblent avoir moins de succès lorsque le processus comprend un vote au scrutin secret et qu’une partie importante de ce système est que l’employeur a une occasion de faire connaître son point de vue avant le vote.

L’opposition des syndicats au système actuel et la raison du soutien des syndicats envers l’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion sont pratiques et importantes. Tout d’abord, les syndicats disent qu’ils rencontrent une forte opposition souvent illégale des employeurs lorsqu’il y a une demande d’accréditation et que cette activité fait souvent peur aux employés et les intimide. Selon leur expérience, le soutien des employés envers un syndicat chute de façon drastique lorsqu’ils craignent de perdre leur emploi ou des avantages une fois que leur employeur commence à se mobiliser. Quelquefois, l’opposition et l’inconduite d’un employeur sont évidentes. Dans bien des cas, elles sont cachées ou subtiles, mais elles ne sont pas moins efficaces.

L’étude de la professeure Sara Slinn menée pour le présent examen confirme que les publications des chercheurs soutiennent l’opinion selon laquelle la chute du taux de succès des demandes d’accréditation est associée à certaines tactiques particulières des employeurs dont plusieurs sont illégales :

Cette recherche a permis de révéler que des baisses importantes du taux de succès des demandes d’accréditation sont associées à des tactiques particulières d’employeur, notamment celle de rendre plus difficile l’accès du syndicat aux employés (Bentham, 2002). La réduction de la probabilité que des démarches en vue d’une accréditation soient couronnées de succès est aussi associée à des cessations d’emploi illégales (31 % de la baisse), des contraintes visant le groupe (19 % de la baisse) et des pratiques de travail injustes (7 % de la baisse) (Riddell, 2001). Aussi, la baisse du taux de succès des demandes d’accréditation est associée à des discours devant des auditoires captifs, à des rencontres par petits groupes organisées par l’employeur, à la distribution de documents antisyndicaux, à des promesses des employeurs d’augmenter les salaires et les avantages, au resserrement des règles de travail, à des menaces contre les personnes qui soutiennent les activités de syndicalisation et à des interrogatoires de travailleurs (Thomason et Pozzebon)footnote 446.

Il semble évident que les faits confirment que le taux de succès des demandes d’accréditation a tendance à être moindre lorsqu’il n’est pas question d’une accréditation fondée sur les cartes d’adhésion. En pourcentage, la différence est élevée. Dans le cas des accréditations fondées sur les cartes d’adhésion conformément au projet de loi 40, 72,7 % des demandes ont été couronnées de succès alors que dans les premières années de la procédure de vote obligatoire du projet de loi 7, le taux de succès était de 64,3 %footnote 447. Pendant l’exercice 2014-2015, 58,7 % des demandes d’accréditation ont été accordéesfootnote 448.

En termes plus larges, le taux de succès des demandes d’accréditation syndicale dans les régimes fondés sur les cartes d’adhésion tend à être d’environ 20 points de pourcentage plus élevés que dans les systèmes avec vote obligatoire, et les études montrent que cette différence se concentre dans le secteur privéfootnote 449. Dans certaines études portant sur plusieurs territoires, et dans lesquelles les accréditations des secteurs public et privé ont été mesurées ensemble, l’écart en points de pourcentage s’élève à 9 ou 10footnote 450.

Le pouvoir de l’employeur d’influencer le processus de vote par des actions manifestes ou subtiles, qui comprend quelquefois – comme les syndicats le diraient souvent – des inconduites, est la principale raison pour laquelle les syndicats privilégient l’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion. La vulnérabilité des employés associée à une inconduite d’un employeur qui peut annuler ou réduire les droits des employés représente le meilleur argument pour justifier le recours à un système fondé sur les cartes d’adhésion.

Dans ce débat entre syndicats et employeurs, nous sommes d’avis que les plus importants facteurs à considérer dans la prise de décision sont les critères qui sont au centre d’un processus de véritable négociation collective protégé par la Constitution. Selon la Cour suprême du Canada, ces critères sont : le choix des employés et l’indépendance des employés.

Comme nous l’avons mentionné précédemment, la liberté d’association est un droit constitutionnel en vertu de la Charte dont profitent tous les Canadiens et qui leur permet de participer à une véritable négociation collective s’ils le souhaitent. Comme il a été statué par la Cour, l’objectif du droit constitutionnel des employés d’adhérer à un syndicat est d’augmenter leur force en tant que groupe et de faire en sorte qu’ils ne soient pas opprimés par des employeurs plus puissants. Le choix d’un employé, de concert avec la capacité de s’associer pour établir un intérêt collectif, est la base d’une véritable négociation collective :

« […] al. 2 d) vise à la fois à empêcher que des personnes – qui, isolées, demeureraient impuissantes – soient opprimées par des entités plus puissantes et à accroître leur influence par l’exercice d’un pouvoir collectif. Or, cette double fonction de l’al. 2 d) ne peut être plus évidente que dans le cadre des relations de travail. En effet, les employés, agissant individuellement, ne disposent habituellement pas du pouvoir de négocier et de poursuivre des objectifs relatifs à leurs conditions de travail avec un employeur plus puissant. Seul le regroupement en association en vue de négocier collectivement — qui augmente ainsi leur pouvoir de négociation – permet à des employés de poursuivre véritablement leurs objectifs relatifs à leurs conditions de travail. »

En termes simples, son objectif consiste à protéger l’autonomie collective des employés contre le pouvoir supérieur de l’administration et à maintenir un équilibre entre les parties.

[…] d’un processus véritable de négociation collective qui offre aux employés une liberté de choix et une indépendance suffisantes pour leur permettre de décider de leurs intérêts collectifs et de les défendre. [Nous soulignons]footnote 451

La liberté de choix des employés devrait être protégée par un processus de vote au scrutin secret qui garantit le libre choix ainsi que la confidentialité, à condition que la loi protège aussi leur indépendance dans le choix ou le rejet d’un agent négociateur. Toute inconduite de l’employeur (ou du syndicat) qui mine l’indépendance de l’employé détruit la fiabilité du processus de vote au scrutin secret. La Cour suprême du Canada a reconnu le déséquilibre de pouvoir entre les employés et les employeurs et le fait qu’un processus véritable de négociation collective comprend la protection des droits des employés à se joindre à des associations ou à des syndicats qui ne sont ni influencés ni dominés par l’employeur :

[il existe une] inégalité présumée entre le pouvoir économique de l’employeur et la vulnérabilité relative du travailleur.

L’objectif de la négociation collective n’est pas atteint si l’employeur domine ou influence le processus qui l’entoure. C’est pourquoi un processus véritable de négociation collective protège le droit des employés de former des associations qui sont indépendantes de la direction, et d’y adhérer (Delisle, aux paragr. 32 et 37)footnote 452.

L’important déséquilibre du pouvoir en milieu de travail et la capacité de l’employeur à influencer les employés est reconnue depuis longtemps dans la Loi de 1995 sur les relations de travail (LRT).

Le droit d’un employé à choisir librement d’être représenté par un syndicat est protégé par la LRT. Ce droit est protégé plus particulièrement contre toute interférence de la part de l’employeur, que ce soit par la contrainte ou la corruption. En vertu de la LRT, il s’agit d’une pratique déloyale de la part de l’employeur que de « chercher, par la menace de congédiement ou autre, ou par l’imposition d’une peine pécuniaire ou autre, ou par un autre moyen quelconque à obliger un employé à devenir ou à ne pas devenir, à continuer ou à cesser d’être membre, dirigeant ou agent d’un syndicat ou à s’abstenir d’exercer d’autres droits que lui confère la présente loifootnote 453. » De plus, selon la LRT, l’employeur emploie une pratique déloyale s’il « [participe] à la formation, au choix ou à l’administration d’un syndicat », mais elle lui reconnaît le droit « d’exprimer son point de vue, pourvu qu’il ne recoure pas à la contrainte, à l’intimidation, à la menace, à une promesse ni n’abuse de son influencefootnote 454. » Ces interdictions se fondent sur le fait que les employés qui participent à l’organisation d’un syndicat sont vulnérables au pouvoir et à l’influence de l’employeur. Les mesures et les messages de l’employeur qui cherchent à souligner la vulnérabilité des employés face au pouvoir économique de l’employeur sont incompatibles avec la liberté des employés « de former des associations qui sont indépendantes de la direction, et d’y adhérer ». De tels comportements nuisent aussi au processus de vote secret et à la fiabilité de ses résultats.

La Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO), comme les cours et les autres tribunaux, a reconnu l’importance d’un choix indépendant libre de toute interférence de la part de l’employeur. La CRTO a affirmé que les employeurs ne peuvent prendre parti entre ceux qui appuient et s’opposent à la création d’un syndicat et a mis en garde les employeurs souhaitant exprimer leur opinion de ne pas interférer. Dans Emco-Fab Ltd., le vice-président Picher affirmait :

Un employeur ne peut prendre parti ni pour les employés qui soutiennent le syndicat ni pour ceux qui s’y opposent. Agir de telle sorte fait pencher la balance et empêche les employés d’exercer librement les droits qui leur sont conférés par la LRT. Soutenir un des camps, ouvertement ou secrètement, correspond à une interférence interdite par la LRT. Bien qu’il soit impossible dans le monde réel de s’attendre à ce que les employés prennent une décision pour ou contre le syndicat dans des « conditions de laboratoire » sans influence de l’extérieur, la LRT vise autant que possible à isoler le processus par lequel les employés choisissent d’être représentés ou non par un syndicat. Mis à part son droit d’exprimer son opinion, droit qui doit être exercé avec prudence, la LRT oblige l’employeur à respecter une règle simple : « Ne pas interférer. »footnote 455

Les dispositions actuelles de la LRT ne sont pas suffisamment sensibles aux effets négatifs de l’inconduite de l’employeur sur le droit à un choix libre et indépendant des employés.

En vertu de la version actuelle de la loi, un deuxième scrutin est permis dans tous les cas d’accréditation corrective, et la CRTO peut accréditer le syndicat seulement « si aucun autre recours n’était suffisant pour contrer les effets de la contraventionArticle 11  de la LRT.. » Aussi, au moment de déterminer si elle doit ordonner un deuxième scrutin de représentation, la CRTO peut tenir compte des résultats du scrutin précédent et du « fait que le syndicat semble ou non avoir l’appui d’un nombre suffisant de membres pour négocier collectivementfootnote 457. » Si l’inconduite de l’employeur a sapé les appuis au syndicat avant le premier scrutin, ou rendu impossible d’obtenir assez d’appuis pour un premier scrutin, il est illogique de tenir compte des résultats de ce scrutin ou de l’absence de preuves d’adhésion comme facteurs pour déterminer s’il devrait y avoir un deuxième scrutin. Un deuxième scrutin dans de telles circonstances n’est pas une mesure corrective efficace pour contrecarrer une conduite illégale visant à influencer le choix des employés. Cela revient à tolérer une violation de la LRT.

L’idée que la prise de mesures pour permettre un second vote est suffisante pour contrer les effets de l’inconduite de l’employeur est erronée. Bien que dans de rares cas un syndicat peut gagner un second vote après une inconduite de l’employeur, nous sommes d’avis, en nous appuyant sur notre expérience collective et notre longue pratique, que, tel un jaune d’œuf crevé, le statu quo ne pourra être restauré et que le second vote sera généralement biaisé par l’inconduite. Une conduite de l’employeur qui vise à accroître ou est la cause des préoccupations de l’employé quant à la stabilité ou à la sécurité future de son emploi laisse une marque indélébile. Lorsque des menaces ou des promesses illégales entraînent la peur de soutenir le syndicat ou l’espoir d’une récompense pour avoir voté contre le syndicat, il est peu probable que la situation puisse être résolue par une décision de la commission du travail déclarant qu’il y a eu conduite illégale, même si elle s’accompagne d’un mea culpa de l’employeur à ses employés à la suite d’une ordonnance de la commission.

L’employeur possède un pouvoir d’influence réel sur le gagne-pain des employés. Toute personne ayant déjà été employée, qu’il s’agisse d’un poste d’échelon élevé ou bas, comprend à quel point la direction possède du pouvoir sur ses employés, notamment sur l’attribution des tâches et des responsabilités, l’avancement professionnel et la promotion, la rétrogradation, la rémunération et le maintien en emploi. Les employés comprennent que l’employeur a le pouvoir de prendre des décisions touchant à l’avenir de l’entreprise au complet, comme des mises à pied, des délocalisations et la fermeture de toute l’entreprise ou d’une partie de ses activités. Une fois que l’inconduite de l’employeur a ébranlé les souhaits sincères des employés, les résultats du scrutin risquent fortement de perdre leur fiabilité.

11.2 Recommandations pour l’ensemble des dispositions

Nous ne croyons pas qu’il existe une seule « bonne » procédure d’accréditation. Nos recommandations sont conçues pour protéger le choix des employés et leur indépendance afin qu’ils puissent choisir de participer à une négociation collective libre de toute influence indue ou menace. Il s’agit du droit constitutionnel fondamental de l’employé.

De plus, bien que nous ayons conclu qu’un vote par scrutin secret est préférable aux preuves d’adhésion seules comme indicateur fiable de l’opinion des employés, nous ne partageons pas l’opposition exprimée par la communauté élargie des employeurs à l’égard de l’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion. Pendant de nombreuses années en Ontario, l’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion était considérée comme un indicateur fiable des préférences des employés et comme moins vulnérable à l’influence négative de l’opposition de l’employeur à l’accréditation que le vote par scrutin secret. L’ironie est que le vote par scrutin secret, qui d’après la communauté des employeurs est nécessaire pour se prémunir contre le manque de fiabilité de l’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion, n’est pas fiable s’il y a inconduite de l’employeur.

Quand, en 1992, les conseillers spéciaux nommés par le gouvernement de la Colombie-Britannique pour réfléchir à une réforme du droit de travail ont recommandé de revenir à l’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion – une recommandation unanime d’un groupe tripartite respectéfootnote 458, c’était parce que cette forme d’accréditation était nécessaire pour contrer l’inconduite des employeurs :

Malgré qu’il soit en apparence avantageux, le vote par scrutin secret ne résiste pas à l’examen. Depuis l’adoption des votes par scrutin secret en 1984, les cas de pratiques déloyales de travail chez les employeurs ont augmenté de plus de 100 pour cent. Lorsque l’accréditation dépend d’une campagne à laquelle l’employeur participe, l’expérience nous apprend que des pratiques de travail déloyales visant à entraver la campagne de syndicalisation suivent inévitablement […] Généralement, le syndicat obtient l’adhésion d’une majorité claire d’employés et un scrutin est ordonné. Puis, les principaux organisateurs syndicaux sont congédiés ou mis à pied et la campagne est dominée par des menaces de fermeture, et le scrutin est alors vu comme un vote pour décider de garder ou non son emploi, plutôt qu’un vote pour redéfinir la relation d’emploi. Il est inacceptable que l’exercice par un employé de son droit fondamental à adhérer à un syndicat fasse l’objet de telles conséquences et d’une interférence illégale. Il n’est pas non plus raisonnable de croire qu’il serait possible de recourir à des mesures de dissuasion efficaces à l’égard d’une conduite illégale de l’employeur pendant une campagne de syndicalisationfootnote 459. »

Pour les raisons énoncées ci-après, nous recommandons la préservation du processus de vote au scrutin secret pour l’accréditation, à condition qu’il y ait des mesures de redressement appropriées en cas d’inconduite de l’employeur. En l’absence d’un véritable recours pour une conduite illégale de l’employeur, il y a des motifs impérieux pour un retour à l’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion.

D’autres facteurs ont influencé notre recommandation. Premièrement, le vote par scrutin secret est la norme quand il s’agit de prendre une décision démocratique, du moins pour des élections, et ne devrait être rejeté sans preuve supplémentaire qu’il n’est pas possible d’y avoir recours de façon efficace.

Deuxièmement, le vote par scrutin secret constitue la norme dans les relations industrielles en Ontario depuis plus de 21 ans maintenant, et il n’est pas si facile de revenir en arrière. À cet égard, la situation en Ontario est différente du système fédéral, où le scrutin obligatoire n’a été en vigueur que pendant une très courte période avant que le système fondé sur les cartes d’adhésion soit remis en place. Les grands employeurs syndiqués occupent une place beaucoup plus grande dans le secteur privé fédéral, alors que le secteur privé ontarien est beaucoup plus diversifié. Les petits employeurs du secteur privé craignent la syndicalisation, et si l’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion était réadoptée en Ontario, il y a de fortes probabilités que la communauté d’affaires tente de pousser un gouvernement subséquent à revenir au vote par scrutin secret. Les fondements du système et les règles entourant l’acquisition des droits de négociation ne devraient pas être modifiés à chaque changement de gouvernement.

Troisièmement, les résultats des votes par scrutin secret ont plus de crédibilité aux yeux de tout le monde, y compris les employés, les employeurs et le grand public. La légitimité et la crédibilité sont importantes, et elles sont affaiblies si le vote par scrutin secret n’est pas la norme.

Quatrièmement, et surtout, nous n’avons jamais connu de processus de scrutin secret dans lequel la conduite illégale de l’employeur – qui rend improbable l’expression authentique de la volonté des employés – a mené à une accréditation sans scrutin et, le cas échéant, à l’arbitrage de la première convention collective.

Le processus obligatoire actuel de vote par scrutin secret, qui prévoit l’accréditation corrective et l’arbitrage de la première convention collective, n’est pas suffisant pour protéger le droit d’association des employés. Si l’inconduite de l’employeur a un effet important sur les employés et nuit à leur libre choix, alors le système actuel, qui favorise le deuxième scrutin et le soutien adéquat pour la négociation dans les circonstances où ce soutien a été sapé par la conduite de l’employeur, est biaisé. La situation est inéquitable pour déterminer la volonté authentique et indépendante des employés.

Le choix est clair sur le plan des politiques. Si le vote par scrutin secret doit rester la norme dans notre système de relations industrielles, alors la politique juste et adéquate est d’insister sur l’intégrité de ce processus en ne permettant pas à l’inconduite et à l’interférence de l’employeur de le saper. Il est insensé d’insister sur le moyen le plus démocratique et populaire de déterminer le choix des employés, c’est-à-dire le vote par scrutin secret, tout en tolérant et en approuvant en pratique l’inconduite de l’employeur, ce qui nuit à l’intégrité du processus de vote. Un deuxième scrutin, après l’inconduite de l’employeur, ne peut corriger ou éliminer l’effet de l’inconduite de l’employeur et ne constitue pas une façon fiable de mesurer le soutien libre et volontaire accordé au syndicat. Une fois que tout le monde sait que le puits est empoisonné, personne n’y boit. Par conséquent, si un employeur entrave illégalement les droits des employés à la liberté d’association et à un choix indépendant et honnête, cette conduite doit donner lieu à de véritables mesures de redressement, à savoir l’accréditation sans vote et l’accès à l’arbitrage de la première convention collectivefootnote 460.

Ainsi, notre recommandation est que l’accréditation par scrutin secret soit maintenue, mais que le gouvernement évalue l’efficacité de l’accréditation corrective et de l’arbitrage de la première convention collective comme mécanismes pour dissuader l’inconduite des employeurs. S’il est démontré que le système par scrutin secret est incompatible avec un choix authentique et avec l’indépendance des employés, alors il nous faudra peut-être avoir recours au modèle d’accréditation de l’industrie de la construction de l’Ontario ou au système fédéral, dans lesquels la procédure d’accréditation n’est considérée, en pratique, que comme un système efficace d’autorisation, par lequel un groupe d’employés habilite le syndicat à agir en son nomfootnote 461.

Dans les circonstances actuelles, la politique que nous préférons est un système de vote par scrutin secret qui comprend comme mesures correctives pratiques l’accréditation et l’accès à l’arbitrage de la première convention collective lorsque l’inconduite de l’employeur nuit à l’intégrité du vote.

D’après nous, cet ensemble de recommandations mènera à un système viable fondé sur des principes, auquel les syndicats aussi bien que les employeurs devraient pouvoir apporter leur soutien. Les syndicats devraient être en faveur d’un système où le libre choix de l’employé est optimisé et où l’on remédie efficacement à toute interférence illégale de l’employeur. Les employeurs devraient appuyer la préservation du scrutin secret, une véritable liberté de parole pour leurs employés et une franche discussion avec les syndicats et les employés sur les enjeux. La plupart des employeurs comprennent qu’une conduite illégale, qui brime ou fait obstacle au droit constitutionnel des employés qu’est la liberté d’association, exige des mesures correctives efficaces. La plupart des employeurs comprennent que ceux qui ont une conduite illégale ne devraient pas être récompensés par la défaite du syndicat. D’après notre estimation, la communauté des employeurs, qui respecte très majoritairement la loi et les droits de ses employés en vertu du droit du travail et de la constitution, n’aura aucun intérêt à protéger les employeurs qui enfreignent la loi et qui minent l’intégrité du processus de scrutin secret.

Recommandation

  1. Nous recommandons que le processus de scrutin secret pour l’accréditation soit préservé, à condition que les recommandations 2 à 6 ci-dessous soient également acceptées.

11.2.1 Accréditation corrective (accréditation sans vote)

Pour les raisons énoncées précédemment, nous sommes d’avis qu’un deuxième scrutin est une façon adéquate de réagir à l’inconduite d’un employeur qui nuit au libre choix, à l’indépendance et à l’intégrité d’un premier vote. Nous considérons aussi que le critère du soutien adéquat à la négociation n’est pas approprié comme façon de mesurer le seuil pour l’accréditation corrective lorsqu’il y a eu inconduite de l’employeur. Ce critère est incompatible avec un résultat équitable parce qu’il récompense les employeurs qui contreviennent rapidement à la LRT afin d’empêcher la campagne de syndicalisation de gagner de la vitesse, ou qui entreprennent des activités illégales plus tard dans la campagne, ce qui démoralise et effraye les employés de façon à détruire les appuis envers le syndicat. Dans les cas où la CRTO arriverait à la conclusion que la volonté authentique des employés ne serait probablement pas établie par un vote par scrutin secret en raison de l’inconduite de l’employeur, l’accréditation serait accordée.

Recommandation

  1. Nous recommandons que l’article 11 de la Loi de 1995 sur les relations de travail soit revu afin de prévoir ce qui suit :
     

    Lorsqu’un employeur, l’organisation d’un employeur ou une personne agissant au nom d’un employeur ou de l’organisation d’un employeur contrevient à la Loi de manière à ce que les véritables souhaits des employés de l’employeur ou d’un membre de l’organisation de l’employeur ne puissent probablement pas être réalisés, la Commission devra, à la demande du syndicat, accréditer le syndicat en tant qu’agent de négociation des employés de l’unité de négociation.

11.2.2 Arbitrage de la première convention collective

Les syndicats ont soutenu que suivant l’accréditation, l’accès à l’arbitrage de la première convention collective devrait être automatiquement accordé une fois le droit de grève ou de lock-out obtenu. Les employeurs se sont généralement opposés à l’arbitrage de la première convention collective ainsi qu’à l’intervention de tiers, parce qu’il s’agit d’une entrave à la libre négociation collective.

Nous nous opposons au droit à l’arbitrage de différends dès l’accréditation d’un syndicat. Imposer l’arbitrage de différends obligatoire pour la négociation de la première convention collective dans tous les cas signifierait une violation générale du droit de grève, un droit que la Cour suprême du Canada a décrit comme une « composante indispensable » du droit constitutionnel à la négociation collectivefootnote 462. De plus, un droit automatique à l’arbitrage de la première convention collective s’écarterait considérablement des valeurs acceptées que sont le volontarisme et la reconnaissance par les parties de leur responsabilité à l’égard des résultats de la négociation. Comme exposé ci-après, nous favorisons un système de médiation intensive pour la négociation des premières conventions collectives, ce qui s’inspire de loi de la Colombie-Britannique et qui, de plus, permet l’arbitrage de la première convention collective comme mesure corrective en cas d’inconduite de l’employeur.

L’arbitrage de la première convention collective se justifie comme mesure corrective en réponse à l’inconduite de l’employeur pour deux raisons. Premièrement, l’inconduite de l’employeur oblige à y recourir. Si l’inconduite de l’employeur a fait fondre les appuis au syndicat et que l’employeur a révélé son intention antisyndicale aux employés, alors le soutien des employés à la négociation collective aura aussi été sapé. Donner accès à l’arbitrage de la première convention collective est la seule façon pratique de s’assurer que les employés ont un droit véritable à la négociation collective lorsqu’il y a eu inconduite menant à une accréditation corrective.

Deuxièmement, le fait que l’arbitrage de la première convention collective soit offert en cas d’inconduite de la part de l’employeur pendant le processus d’accréditation aura pour effet de dissuader celui-ci. Les employeurs sauront qu’une conduite illégale pourrait mener à l’accréditation et à l’arbitrage de la première convention collective.

Toutefois, ce droit ne devrait pas être absolu. Les syndicats et les employeurs doivent avoir l’occasion de négocier pendant la première convention collective, à la suite d’une accréditation corrective. L’accréditation corrective ne devrait pas donner la possibilité au syndicat d’adopter des positions déraisonnables pendant la négociation de la première convention collective. Par conséquent, nous proposons un modèle de médiation intensive, expliqué ci-après, pour la négociation de la première convention collective. Dans le modèle proposé, l’accès à l’arbitrage peut être refusé à la suite d’une accréditation corrective si le syndicat négocie de mauvaise foi ou refuse les compromis sans motif raisonnable.

Recommandation

  1. Lorsqu’une accréditation corrective est ordonnée en vertu de l’article 11, il devrait être possible d’obtenir une première convention collective prévue en vertu de l’article 43 de la Loi de 1995 sur les relations de travail, à moins que le syndicat n’ait négocié de mauvaise foi ou refuse, sans motif raisonnable, de faire des compromis. Lorsque la négociation collective entre les parties n’a pas débouché sur une convention collective, le cas devrait être envoyé en processus accéléré et intensif de médiation ou d’arbitrage, et la médiation devrait être assurée par une personne choisie soit par les parties, soit, si les parties sont incapables de s’entendre, par la LRT.

11.2.3 Processus de médiation intensive pour la première convention collective

Conformément à la loi en vigueur, un arbitrage de la première convention collective peut être dirigé par la CRTO dans les circonstances suivantes : l’employeur refuse de reconnaître le syndicat; le syndicat ou l’employeur adopte une position intransigeante sans motif raisonnable; une des parties ne fait pas rapidement des efforts raisonnables pour conclure la convention collective; ou pour tout autre motif que la CRTO estime pertinent. Nous convenons que l’arbitrage de la première convention collective est justifié dans ces circonstances, tout comme le serait une accréditation corrective.

Nous recommandons aussi d’autres changements au système actuel conformément aux dispositions concernant la première convention collective à l’article 43  de la LRT.

Une première convention collective est habituellement plus difficile à négocier que celles qui suivront. Il existe un bon nombre de raisons à cela, notamment les circonstances mentionnées dans le paragraphe précédent. De plus, les parties pourraient être inexpérimentées ou un conflit pourrait survenir dans le cadre du processus d’accréditation et compromettre la consolidation de la relation qui les unit.

Toutes les négociations de première convention collective qui n’aboutissent pas à un règlement sur une base volontaire tireront parti d’un processus de médiation intensive où le médiateur, qui collabore étroitement avec les parties, a l’autorité pour recommander les principales modalités d’une entente ou encore la poursuite de la médiation, une médiation-arbitrage, un arbitrage ordinaire, ou une grève ou un lock-out.

Le modèle de « médiation intensive » adopté en Colombie-Britannique en 1993 offre une solution raisonnable pour l’Ontario. Cette solution pourrait permettre d’améliorer grandement les relations de travail au cours des négociations de la première convention collective, notamment après une accréditation corrective. Certes, après une accréditation corrective, une approche différente pour la négociation collective est justifiée, mais faciliter l’arbitrage d’une première convention collective dans tous les cas où il y a vote de grève (à moins que le syndicat ne puisse démontrer que l’inconduite de l’employeur a rendu un vote de grève intenable) est préférable pour les relations de travail en Ontario. Selon la professeure Slinn, des études ont démontré que l’approche de médiation intensive en Colombie-Britannique devrait permettre le maintien de relations plus longuesfootnote 463.

Conformément à nos recommandations, un médiateur pourrait être nommé tôt dans le processus pour fournir de l’aide aux parties en facilitant et en favorisant la négociation collective et en informant les parties sur les différentes pratiques et procédures, ce qui devrait aider à éviter que les négociations collectives prennent fin sans possibilité de rétablissement. Dans la plupart des cas, avec l’aide d’un médiateur, une première convention collective sera conclue, mais, si ce n'est pas le cas, il existe un processus pour régler une entente, notamment en tenant une ou certaines des activités suivantes : médiation, médiation-arbitrage, arbitrage par un arbitre indépendant ou la permission pour les parties de déclencher une grève ou un lock-out. La CRTO prendra la décision finale quant au processus qui devrait être utilisé.

Vous trouverez ci-dessous une liste non exhaustive des facteurs dont tiendra compte la British Columbia Labour Relations Board pour décider si des négociations de première convention collective devraient être envoyées à l’arbitragefootnote 464 :

  • il y a une preuve de mauvaise foi dans les négociations ou de négociations de façade;
  • la conduite de l’employeur montre qu’il refuse de reconnaître le syndicat;
  • une partie adopte une position intransigeante pendant les négociations sans motifs raisonnables;
  • une partie ne fait pas d’efforts raisonnables ou ne le fait pas rapidement pour conclure une convention collective;
  • des demandes ou attentes irréalistes sont faites en raison de la conduite intentionnelle ou de l’inexpérience en négociations d’une partie;
  • un conflit long et exacerbé fait en sorte qu’il est peu probable que les parties en viennent à une entente.

Selon la jurisprudence en Colombie-Britanniquefootnote 465, l’approche générale veut que tous les cas qui font suite à un vote de grève bénéficient d’une médiation intensive, si les parties l’exigent. En Colombie-Britannique, le processus est tel que les cas qui, sous la loi ontarienne, seraient admissibles à un arbitrage des intérêts sont finalement envoyés en arbitrage si une solution n’est pas trouvée en médiation, mais les conflits qui n’entrent pas dans cette catégorie sont résolus sans arbitrage. En d’autres mots, à l’exception de notre recommandation selon laquelle tous les cas qui suivent une accréditation corrective sont admissibles à un arbitrage de la première convention collective, le modèle de médiation intensive n’est pas prévu et ne vise pas la catégorie des cas admissibles à l’arbitrage de la première convention en vertu de la loi actuelle en Ontario.

Nous partageons la philosophie et l’approche générale de la Colombie-Britannique et nous croyons qu’il serait profitable pour l’Ontario d’adopter une approche semblable, mais qui ne serait pas identique. Selon notre nouveau système, la CRTO appliquerait ces critères ou des critères semblables, et ceux-ci remplaceraient les critères express mentionnés dans la présente section. Selon notre expérience, nous avons une très grande confiance dans les processus de médiation et de médiation-arbitrage. Si ces processus devaient être rendus accessibles lors des négociations de la première négociation collective avec le concours de médiateurs expérimentés, non seulement plus de premières conventions collectives seraient conclues sans grève ou lock-out, mais les relations dans le cadre de négociations collectives seraient bien meilleures et bien plus efficaces.

Recommandation

  1. La Loi de 1995 sur les relations de travail devrait être modifiée de façon à permettre une approche de « médiation intensive » semblable à celle utilisée en Colombie-Britannique. Cette approche devrait généralement se calquer sur le texte législatif de la Colombie-Britannique, à l’exception de certains éléments différents ou supplémentaires : 
    1. L’employeur ou le syndicat peut demander au président de la Commission des relations de travail de l’Ontario de nommer un médiateur afin d’aider les deux parties à s’entendre sur une convention collective une fois les critères suivants respectés : 1) les parties ont négocié collectivement sans parvenir à une entente, et 2) le syndicat a obtenu un mandat de grève.
    2. La seconde exigence en a) ci-dessus ne s’applique pas si le syndicat a obtenu une accréditation corrective, ou s’il peut prouver que l’inconduite de l’employeur suivant l’accréditation a empêché le syndicat d’obtenir un vote de grève positif.
    3. Une fois la demande déposée, les parties ne peuvent déclencher de grève ou de lock-out à moins d’en avoir reçu l’autorisation par la CRTO.
    4. La demande doit comporter une liste des questions en litige et le point de vue sur ces questions de la partie qui dépose la demande. Dans les cinq jours, l’autre partie doit fournir une liste des questions en litige et présenter son point de vue sur ces questions à l’autre partie et à la Commission des relations de travail de l’Ontario.
    5. Le président nommera un médiateur dans les sept jours suivant la réception de la demande.
    6. Si, dans les 20 jours, la médiation ne porte pas ses fruits et une première convention collective n’est pas conclue, le médiateur doit en faire rapport au président et recommander d’entreprendre les étapes suivantes :
      • les modalités de la première convention collective à présenter aux parties et/ou
      • un processus pour conclure la première convention collective comprenant au moins un des éléments suivants :
        • une autre médiation;
        • une médiation-arbitrage ou un arbitrage seulement, par un arbitre unique ou par la Commission des relations de travail de l’Ontario; ou
        • une grève ou un lock-out.
    7. Si les parties n’acceptent pas les modalités recommandées par le médiateur pour la première convention collective ou si une convention n’a pas été conclue dans les 20 jours suivant la production du rapport par le médiateur, le président doit imposer une des méthodes de la liste ci-dessus pour résoudre le litige.
    8. Un syndicat qui a obtenu une accréditation corrective est, de prime abord, en droit de soumettre le litige à une médiation-arbitrage ou à un arbitrage, à moins qu’il soit jugé que sa conduite lors des négociations le prive du droit de recourir à cette mesure corrective.
    9. Si le président ordonne une autre médiation ou un autre arbitrage, les parties ne peuvent recourir à une grève ou à un lock-out jusqu’à ce qu’elles y soient autorisées, par la suite.
    10. Toutes les conventions imposées aux parties demeurent en vigueur pour une période de deux ans et sont exécutoires.

11.2.4 Rapidité des requêtes en substitution et en révocation de l’accréditation

Un enjeu qui reste à résoudre est la rapidité des requêtes en substitution (« raids ») ou en révocation de l’accréditation lorsque la demande pour une première convention collective est en attente, ou dans les circonstances susmentionnées, à la recommandation 4. Une approche non pertinente pourrait facilement miner les autres recommandations. Le fait d’accepter les requêtes en substitution ou en révocation avant qu’une accréditation corrective ou un arbitrage de la première convention collective ait eu le temps de donner des résultats minerait ou annulerait les conséquences d’accorder un de ces recours.

Lorsqu’une accréditation corrective ou un arbitrage de première convention est ordonné en raison d’une inconduite d’un employeur, une requête en substitution ou en révocation doit être permise. Les requêtes en substitution ou en révocation doivent être interdites entre le moment où une accréditation sans vote est ordonnée et jusqu’à la période ouverte après l’expiration de la première convention collective, à moins que le syndicat devienne inadmissible à un arbitrage de première convention collective; dans un tel cas, une requête en substitution ou en révocation serait opportune conformément aux règles ordinaires. Une requête en substitution ou en révocation ne devrait pas être entendue lorsque d’une demande de médiation intensivefootnote 466 a été faite. Permettre qu’une demande en révocation de l’accréditation ait priorité sur un processus de médiation intensive ou d’arbitrage de la première convention collective mine l’approche corrective que nous avons recommandée.

Recommandation

  1. Lorsqu’un syndicat est accrédité conformément à l’article 11 de la Loi de 1995 sur les relations de travail, les demandes de révocation de l’accréditation et d’accréditation doivent être considérées comme étant inopportunes jusqu’au début de la période ouverte de la convention collective conclue par la suite, à moins que l’arbitrage de la première convention collective soit refusé, auquel cas les règles de rapidité en cours devront s’appliquer. Lorsqu’un syndicat ou un employeur demande une médiation intensive dans le cadre des nouvelles règles proposées ou pour l’arbitrage de la première convention collective au titre de l’article 43 de la loi, aucune demande de révocation de l’accréditation ni accréditation n’est permise tant que le processus n’est pas terminé.

11.2.5 Accès aux listes d’employés et à leurs coordonnées

Le droit constitutionnel des employés à avoir accès à des négociations collectives efficaces et utiles et à la capacité d’améliorer leur pouvoir de négociation est fondé sur la liberté d’association des employés.

Ce qui précède a des répercussions importantes sur le processus d’accréditation parce que les employés ne peuvent pas s’unir pour poursuivre leurs objectifs relatifs au travail s’ils ne savent pas qui sont les autres employés, où ils travaillent, comment communiquer avec eux et quel en est le nombre. Dans un lieu de travail, les Canadiens ne peuvent exercer leur droit constitutionnel de s’associer à des fins de convention collective s’ils sont incapables de communiquer avec leurs pairs dans le même lieu de travail. Si les employés n’ont pas la capacité de savoir qui sont les autres employés et comment ils peuvent communiquer avec eux, le droit constitutionnel d’association pourrait être stérile et inefficace.

Le processus de vote au scrutin secret protège le libre choix des employés, du moment qu’il est exempt d’une influence inappropriée de l’employeur et, comme c’est le cas pour tout autre type d’élection, ce processus respecte le « sens démocratique » de permettre la communication des points de vue pour ou contre aux employés électeurs.

Le processus d’acquisition de la preuve d’adhésion est une partie intégrante du processus de vote au scrutin secret. Un soutien de 40 % est une condition préalable pour un vote. Avant qu’un vote ne soit ordonné, il est essentiel que les employés et le syndicat sachent qui sont les électeurs et qu’ils soient capables de communiquer entre eux avec efficacité; c’est aussi important pour les candidats qui se font concurrence, afin que le Bureau des services au public puisse connaître le nom des électeurs sur la liste. Il s’agit de deux exercices vitaux d’un processus démocratique et de l’exercice d’un droit constitutionnel. Dans les autres arènes démocratiques, comme l’élection d’un gouvernement, des listes d’électeurs sont accessibles au public. Ces listes contiennent le nom des électeurs et leur lieu de résidence de façon à permettre aux parties politiques de communiquer avec eux en personne ou par la poste.

Il existe d’autres raisons pour lesquelles les coordonnées des employés sont quasiment indispensables pour que les employés jouissent d’une liberté d’association efficace. Les lieux de travail peuvent être vastes et dispersés géographiquement, et il peut être très difficile et coûteux, voire impossible dans certaines circonstances, de connaître le nombre d’employés et l’endroit où ils travaillent. De plus, dans les lieux de travail en pleine transformation d’aujourd’hui, des employés peuvent travailler sur de nombreux quarts, ou à temps partiel, ou temporairement, ou encore loin des lieux de travail, et il peut être difficile pour les autres employés de savoir comment et où les rejoindre. Ces nombreuses difficultés pratiques ne devraient pas faire obstacle à l’exercice du droit constitutionnel de liberté d’association, surtout lorsque les coordonnées de l’employé existent et peuvent facilement être fournies. Lorsque la liberté d’association et l’exercice du droit à des négociations collectives efficaces sont des droits constitutionnels, l’organisation ne devrait pas être un jeu de hasard.

Nous avons examiné et évalué cette question dans le contexte des décisions de la Cour suprême du Canada qui définissent le rôle de la négociation collective en termes constitutionnelsfootnote 467. Le processus de vote au scrutin secret repose sur un électorat d’employés informé, libre et accessible. Être incapable de déterminer qui compose l’électorat et être incapable de communiquer avec cet électorat sont des obstacles à l’obtention d’une accréditation fondée sur les objectifs de la majorité des employés dans le cadre d’un scrutin secret, et cela n’est pas conforme aux principes de liberté de choix et d’indépendance de l’employé. Si le syndicat ne peut communiquer efficacement avec l’électorat, ou si seulement l’employeur peut communiquer avec lui, cela constitue alors un obstacle à de véritables négociations collectives.

Dans un système de vote par scrutin secret prévu selon un certain seuil d’appui qui détermine le déclenchement d’un vote et où l’appui de la majorité est requis pour être une réussite, l’identification des électeurs et la capacité de communiquer avec eux sont essentielles. Sans électorat informé et capable de communiquer, il y a faille dans le processus démocratique. Ceux qui défendent le processus de vote au scrutin secret comme étant le meilleur mécanisme pour exprimer le choix d’un employé devraient défendre également le principe d’un électorat informé.

Le fait qu’un système permette d’exprimer ouvertement son point de vue sur la syndicalisation est une autre raison d’en faire la promotion parce qu’il favorise une culture de conformité et une plus grande connaissance des droits des employés. Pour le moment, il y a un contraste saisissant entre les droits des employés et la crainte réelle qui accompagne la question de la syndicalisation dans sa totalité. D’un côté, il y a le texte législatif qui accorde à tous le droit d’adhérer à un syndicat et de participer à ses activités légales et le droit constitutionnel de s’associer, d’organiser, de négocier ensemble et de faire la grève. D’un autre côté, dans bon nombre de lieux de travail, l’idée seule d’envisager la syndicalisation est perçue comme une trahison envers l’employeur, une infidélité, comme quelque chose dont on ne peut parler par crainte des répercussions. Une discussion ou un débat ouvert, non entaché par une inconduite de l’employeur, aidera à calmer les craintes et les inquiétudes et à établir un environnement dans lequel les employés sont libres de décider s’ils veulent s’engager dans une négociation collective et, le cas échéant, qui les représentera.

Bon nombre d’employeurs se sont opposés à fournir un accès aux listes d’employés et à leurs coordonnées. Dans des présentations faites dans l’Examen portant sur l’évolution des milieux de travail, des employeurs ont affirmé qu’il n’y a pas de précédent et qu’il n’a pas été démontré qu’un tel changement est nécessaire et que cela pourrait entrer en conflit avec les droits des employés quant à la protection de leur vie privée.

En ce qui concerne l’absence de précédents, il est vrai qu’aucune administration n’exige que les coordonnées des employés soient fournies avant qu’une demande ne soit déposée. Le gouvernement du Québec demande à ce que les noms et les adresses lui soient fournis avant un votefootnote 468. Aux États-Unis, l’employeur doit fournir les noms et les coordonnées (adresse électronique comprise) pendant la période d’électionfootnote 469, par contre la nouvelle administration aux États-Unis pourrait décider de supprimer cette exigence. Conformément à la Loi de 1997 sur les relations de travail liées à la transition dans le secteur public, la pratique et les décisions de la CRTO prévoient que pendant une campagne, les syndicats peuvent recevoir la liste des noms des employés, ainsi que leur adresse et leur numéro de téléphone, organiser des rencontres d’information sur le site ou les sites de l’employeur et dresser une table d’information sur le ou les sites de l’employeur pendant la campagnefootnote 470. En ce qui concerne l’absence de précédent, et tout nouveau changement, une administration doit franchir le pas, et la politique publique en Ontario ne peut être que l’Ontario suit seulement ce que les autres administrations ont déjà fait.

Bien sûr, si une initiative stratégique est sans précédent, il est important de l’examiner soigneusement. La littérature scientifique soutient avec vigueur la fourniture des noms et des coordonnées pendant le processus de syndicalisationfootnote 471.

Nous avons défini les raisons pour lesquelles nous recommandons ce changement et pourquoi nous en sommes arrivés à la conclusion que sa nécessité avait été démontrée, du point de vue de l’application des principes constitutionnels et démocratiques.

Bien que la protection de la vie privée soit importante, il existe d’autres intérêts publics et il est important d’atteindre un équilibre entre chacun. Par exemple, les personnes qui votent dans une élection publique n’ont aucun intérêt privé : ils peuvent être contactés ou identifiés, et il existe une liste publique d’électeurs et de leur domicile. Durant une campagne de syndicalisation, les employés ont le droit de participer pleinement aux discussions concernant les avantages ou l’utilité d’une négociation collective. Un employeur retient le droit et les moyens de communiquer avec ses propres employés, et il communique souvent avec eux dès qu’il découvre l’existence d’une campagne de syndicalisation. Pour que les règles du jeu soient équitables, les syndicats devraient également disposer de l’information nécessaire pour communiquer efficacement avec les employés. De plus, dans le processus actuel d’accréditation, certains renseignements sont déjà produits; par exemple, il existe déjà des listes d’employés et elles ont été déposées auprès de la CRTO en réponse aux demandes d’accréditation et les noms des employés figurent sur la liste des électeurs à des fins de représentation de votes.

Quand un syndicat devrait-il avoir accès aux listes d’employés et à leurs coordonnées?

Une certaine limite doit exister concernant la capacité des syndicats et des employés à obtenir des renseignements sur le nombre, le lieu de travail et les coordonnées des employés. Des interdictions doivent aussi exister concernant l’utilisation de l’information à des fins non associées à la syndicalisation. Un syndicat doit prouver qu’un nombre suffisant d’employés appuient l’unité de négociation proposée pour justifier l’accès à ces renseignements.

Un syndicat exige actuellement qu’une unité de négociation soit soutenue à 40 % pour déclencher un vote. Selon nous, un syndicat doit pouvoir démontrer que 20 % du bassin possible de l’unité de négociation appuie l’idée de négociation collective en se joignant au syndicat afin d’acquérir le droit d’obtenir les noms, les adresses, les lieux de travail et les coordonnées (notamment les adresses électroniques et les numéros de téléphone) des employés. Un seuil d’adhésion de 20 % est suffisant pour montrer que le syndicat à une chance raisonnable d’obtenir les 40 % nécessaire pour déclencher un vote par scrutin secret. Une norme semblable pourrait être appliquée aux employés qui cherchent à révoquer l’accréditation d’un syndicat.

Dans la mesure où cette exigence doit nécessairement l’emporter sur toute autre préoccupation relative à la protection des renseignements personnels en vertu de la common law ou d’une autre loi, le texte législatif devrait indiquer clairement que ces droits annulent tout droit à la vie privée en vertu de la common law ou d’une autre loi et la CRTO devrait être habilitée à rendre rapidement une décision en fonction des observations écrites, sans avoir à tenir d’audience ou d’autre consultation.

Les employeurs ont exprimé la crainte légitime que cette disposition entraîne encore plus de litiges. C'est pourquoi nous ne croyons pas que les syndicats devraient être tenus d’atteindre un seuil fixe et absolu de 20 % pour obtenir la liste. Un tel seuil serait une invitation à prolonger les litiges concernant les critères relatifs au statut et à contester les autres critères semblables visant à déterminer si le syndicat a atteint le seuil lui donnant droit à l’information. Ce serait à la fois un gaspillage de ressources et un processus destructif. Pour obtenir la liste et les coordonnées des employés, le syndicat devrait plutôt être tenu de démontrer qu'il a obtenu la signature d’environ 20 % des membres de l’unité qu'il juge habile à négocier collectivement. Le processus que nous envisageons est simple : le syndicat déposera la preuve d’adhésion, comme il le fait normalement pour une demande d’accréditation, et l’employeur déposera sa liste des employés appartenant à l’unité de négociation que le syndicat déclare être habile à négocier collectivement. S'il appert à la CRTO que le syndicat a l’appui d’environ 20 % des membres de l’unité, elle ordonnera à l’employeur de divulguer la liste complète des noms et coordonnées des employés au syndicat.

Afin de protéger l’intégrité du processus et d’assurer à la communauté des employeurs qu'aucune demande d’accès à la liste des employés ne pourra être faite à des fins illégitimes (c'est-à-dire pour empêcher un syndicat de présenter une demande pour obtenir la liste alors qu'il n'en a pas le droit), le syndicat n'aurait pas le droit de voir la liste de l’employeur ou de la remettre en question comme il le ferait pour une demande d’accréditation. Au lieu de cela, la CRTO examinerait simplement la preuve d’adhésion présentée par le syndicat et la liste fournie par l’employeur, et elle trancherait la question en se basant sur ces documents.

Une telle mesure de sauvegarde donnerait à la CRTO un rôle plus actif, puisqu'elle devrait s'assurer que la liste présentée par l’employeur est une réponse exacte à la demande et non pas une tentative d’induire le syndicat en erreur ou de truquer le processus. La CRTO pourrait le faire en posant des questions à l’employeur par l’entremise de ses agents des relations de travail, au besoin, et en vérifiant les réponses, sans révéler de renseignements confidentiels au syndicat. Si la CRTO décidait qu'elle doit divulguer certains renseignements ou l’ensemble de l’information au syndicat pour être en mesure de déterminer si le syndicat respecte le seuil établi, elle pourrait le faire dans la mesure qu'elle juge nécessaire pour prendre une décision équitable en caviardant certains éléments d’information au besoin ou en imposant les conditions qu'elle estime nécessaires, et en interdisant au syndicat de conserver ou de copier la liste, en tout ou en partie.

Dans la plupart des cas, la CRTO sera en mesure de déterminer si le syndicat a obtenu environ 20 % d’appui, sans avoir à lui divulguer la liste. Dans le même ordre d’idée, la CRTO ne devrait pas avoir à divulguer à l’employeur, comme elle le ferait pour une demande d’accréditation, le nombre réel de cartes signées que le syndicat lui a présenté.

Si l’employeur reçoit l’ordre de produire la liste des noms et coordonnées des employés, il devra également mettre cette liste à la disposition des employés de l’unité de négociation s'ils en font la demande. Les employés qui posent des questions au syndicat, ou qui s'y opposent, devraient pouvoir communiquer avec leurs collègues. Si 20 % des employés veulent avoir accès à l’information à des fins de révocation d’accréditation syndicale, les mêmes dispositions devraient s'appliquer.

Recommandation

  1. Nous recommandons ce qui suit :
    1. Sur demande du syndicat, s’il appert à la Commission des relations de travail de l’Ontario que ce syndicat a le soutien d’environ 20 % des employés au sein d’une unité de négociation, la Commission doit exiger de l’employeur qu’il divulgue au syndicat la liste des employés de l’unité de négociation, ainsi que le lieu de travail, l’adresse, le numéro de téléphone et l’adresse de courriel personnelle de chacun des employés. La même exigence doit s’appliquer, sur demande, s’il appert à la Commission des relations de travail de l’Ontario qu’environ 20 % des employés au sein d’une unité de négociation existante ont manifesté l’intention de ne plus être représentés par un syndicat; cette même liste doit être fournie au représentant des employés.
    2. La Commission des relations de travail de l’Ontario peut rencontrer les parties, mais elle n’est pas tenue de tenir une audience ni de s’engager dans un processus de consultation officiel.
    3. La Commission des relations de travail de l’Ontario ne doit pas divulguer la liste de l’employeur au syndicat à moins qu’elle considère qu’il est nécessaire de divulguer une partie de la liste ou la liste en entier pour régler équitablement l’affaire, auquel cas elle ne doit divulguer que les renseignements susceptibles d’être nécessaires au syndicat pour qu’il réponde, et la Commission pourra imposer les modalités qu’elle juge nécessaires pour protéger le caractère confidentiel de la liste et éviter que le syndicat l’obtienne de manière permanente. La Commission des relations de travail de l’Ontario ne doit pas non plus divulguer à l’employeur le nombre d’employés qui sont membres du syndicat d’après ce dernier.
    4. Fournir au syndicat la liste des employés au sein de l’unité de négociation proposée sur ordre de la Commission ne doit pas être considéré comme une violation par l’employeur de la common law ou de toute autre loi.
    5. Le syndicat ne doit pas utiliser la liste et ne doit utiliser aucun renseignement qui en est tiré, en aucun temps, pour aucun autre motif que la sollicitation du soutien des membres de l’unité de négociation.
    6. Si le syndicat obtient une copie de la liste en vertu d’une ordonnance de la Commission des relations de travail de l’Ontario, les employés de l’unité de négociation peuvent demander à l’employeur ladite liste et l’employeur devra obtempérer. Les employés à qui la liste est fournie ne doivent pas utiliser les renseignements obtenus pour des motifs étrangers à la campagne de syndicalisation.
    7. Cette procédure doit s’appliquer si environ 20 % des employés au sein d’une unité de négociation existante souhaitent révoquer l’accréditation du syndicat.

11.2.6 Ensemble de recommandations : Récapitulation et justification

Comme nous l’avons mentionné précédemment, nous recommandons d’accepter les recommandations 1 à 6 dans leur intégralité. L'« ensemble » s'appuie sur le raisonnement ci-dessous.

  1. Notre principale recommandation est de maintenir le vote au scrutin secret. Toutefois, cette recommandation est subordonnée à la condition que le processus de scrutin secret soit libre, indépendant et le véritable reflet de ce que souhaitent les employés. Si, en raison de l’inconduite de l’employeur, les souhaits véritables des employés risquent de ne pas se refléter dans le scrutin de représentation, une mesure corrective efficace devra être prise sous la forme d’une accréditation sans scrutin (accréditation corrective) et de l’accès à l’arbitrage de la première convention collective. Cela correspond aux recommandations 1 à 3.
  2. Un processus de médiation intensive devrait être intégré au processus d’arbitrage de la première convention collective. Les parties à la négociation d’une première convention collective profiteront d’un service de médiation intensive pour les aider à s'entendre. Un syndicat accrédité dans le cadre d’une accréditation corrective aura droit à l’arbitrage de la première convention collective, mais seulement après avoir suivi le processus de médiation intensive. D’autres cas qui satisfont actuellement le critère donnant droit à l’arbitrage de la première convention collective auront également accès à l’arbitrage des différends si le processus de médiation intensive ne permet pas d’en arriver à une entente. D’autres négociations visant à signer une première convention collective pourront mener au déclenchement d’une grève ou d’un lock-out, si c'est nécessaire, si aucune entente ne peut être obtenue pendant le processus de médiation intensive. Cette recommandation a pour but d’améliorer les relations de travail en améliorant les chances que les négociations visant à signer une première convention collective connaissent une conclusion positive et en réduisant le nombre de cas nécessitant l’arbitrage de la première convention collective. Le recours à la médiation intensive aidera les parties qui négocient une première convention collective à résoudre leurs différends sans que l’intervention d’une tierce partie soit nécessaire et fera en sorte que l’arbitrage sera mieux adapté aux besoins des parties quand il devient nécessaire. Dans l’ensemble, cela devrait mener à des relations plus saines et durables. Cela correspond à la recommandation 4.
  3. La recommandation 5 stipule que les requêtes en révocation de l’accréditation et en substitution par d’autres syndicats sont interdites tant que le processus de médiation intensive et d’arbitrage de la première convention collective est en cours. Il ne servirait à rien de mettre en place un nouveau système correctif et un processus de médiation intensive s'ils doivent être minés par des requêtes en révocation de l’accréditation ou du maraudage avant même que le processus ait une chance de donner des résultats.
  4. La recommandation 6 fait partie de l’ensemble des recommandations, car le système de vote au scrutin secret, qui demande une preuve d’adhésion de 40 % pour être déclenché, exige que toutes les parties intéressées aient la possibilité de communiquer avec les personnes habilitées à voter. Un processus de vote juste et démocratique exige qu'une liste des votants admissibles et de leurs coordonnées soit disponible pour que les employés puissent participer au processus d’élection de façon éclairée.

11.3 Preuve d’adhésion électronique

Le contexte entourant la question de la preuve d’adhésion électronique est expliqué dans le rapport intérimaire. En cette ère numérique, limiter la preuve d’adhésion à une carte en papier est un anachronisme. Les syndicats devraient pouvoir faire campagne sur Internet et au moyen du courriel, des textos et des médias sociaux, et les employés devraient pouvoir répondre affirmativement, s'ils le veulent, dans le confort de leur foyer ou à l’aide d’un appareil portable sans avoir à rencontrer physiquement une personne ou à signer un bout de papier. Dans un monde où les gens travaillent dans des lieux distincts, selon des quarts de travail différents et sur une base de travail à temps partiel, temporaire ou irrégulier, insister pour que des cartes d’adhésion soient signées en 2017 comme cela se faisait dans les années 1940 nuit à la syndicalisation.

Ne pas permettre l’adhésion électronique constitue un obstacle, car cela empêche l’instauration de méthodes nouvelles et plus modernes en matière de syndicalisation. De plus, pour de nombreux employés, et en particulier pour les milléniaux, l’absence de moyens électroniques pour adhérer à un syndicat risque de le faire paraître archaïque et anachronique. La règle exigeant que la preuve d’adhésion soit en format papier devrait être modifiée rapidement. La fiabilité d’une preuve d’adhésion électronique pourrait soulever quelques inquiétudes, mais en cette époque où il est courant pour les gens de s'identifier électroniquement et d’accepter des modalités de contrats en ligne, un système qui permettrait à la fois la preuve d’adhésion et la vérification électroniques pourrait facilement être implanté et la CRTO serait en mesure de déterminer si la preuve d’adhésion a été faite de bonne foi. Dans une décision récente, le British Columbia Labour Relations Boardfootnote 472 a accepté la preuve d’adhésion électronique et exposé ce qu'il exigerait à l’avenir pour s'assurer de l’authenticité de l’adhésion, c'est-à-dire la présence de l’organisateur syndical et d’un journal d’audit.

La Commission des relations de travail de l’Ontario devrait moderniser les règles relatives à la preuve d’adhésion électronique dès que possible, en ayant recours aux mêmes outils que la Colombie-Britannique ou à tout autre outil qu’elle peut concevoir pour garantir l’authenticité et la fiabilité des preuves d’adhésion électronique. Le gouvernement devrait fournir les fonds nécessaires pour moderniser la méthode de transmission de l’information à la CRTO.

Recommandations

  1. Le gouvernement et la Commission des relations de travail de l’Ontario doivent accorder la priorité au financement de la modernisation de la soumission électronique de renseignements à la Commission.
  2. La Commission des relations de travail de l’Ontario devrait moderniser ses règles autorisant les preuves d’adhésion électronique dès que possible en se servant des outils dont la Colombie-Britannique dispose ou de tout autre outil qu’elle peut élaborer pour garantir l’authenticité des preuves d’adhésion électronique.

11.4 Vote

Nous avons été invités à réfléchir à des recommandations concernant des méthodes de scrutin autres que sur les lieux de travail, y compris par téléphone et Internet. L’alinéa 111(2)(h) de la Loi de 1995 sur les relations de travail semble donner à la CRTO le pouvoir de contrôler le scrutin dans les locaux de l’employeur, bien qu'il soit possible d’en faire une interprétation plus large. Il arrive maintenant que la CRTO tienne un vote à l’extérieur des locaux de l’employeur.

Les pouvoirs de la CRTO devraient être élargis afin de lui donner explicitement le pouvoir discrétionnaire de tenir un vote électronique ou un vote à l’extérieur du lieu de travail. La Commission devrait être habilitée à ordonner un tel scrutin dans les situations où elle juge que l’intégrité et le secret du vote peuvent être assurés.

Un argument nous a été présenté selon lequel le fait que le vote se tienne sur le lieu de travail crée une atmosphère intimidante pour les employés qui exercent leur droit de vote, du fait de la présence de l’employeur ou du syndicat. Il n'existe pas tellement de preuves en appui de cette affirmation, mais elle a été prise au sérieux dans la littérature universitaire et passablement de recherches ont été faites sur le vote par courriel, hors des locaux de l’employeur et par voie électronique, téléphone et Internetfootnote 473. Toutefois, un changement en bloc de la méthode qui consiste à tenir le scrutin dans les locaux de l’employeur n'est pas justifié pour le moment. Cette question devrait plutôt être laissée à la discrétion de la CRTO, qui décidera au cas par cas. Dans la plupart des situations, l’agent des relations de travail responsable du scrutin s'assure de l’intégrité du vote. À plus long terme, cependant, il faudrait songer à faire le virage vers un vote par voie électronique, téléphone et Internet.

Il doit être établi clairement que tenir un scrutin dans des circonstances intimidantes ou dans un lieu où l’employeur ou le syndicat peut observer les personnes qui vont voter et leur parler avant qu'elles votent n'est pas approprié. Une conduite, de la part du syndicat ou de l’employeur, autour du lieu où se tient le scrutin qui minerait le choix et l’indépendance des employés ne devrait pas être permise. Les agents des relations de travail qui dirigent les votes devraient avoir le pouvoir et le devoir de prendre les dispositions nécessaires et de donner des directives contraignantes concernant les locaux de l’employeur qui assurent un environnement neutre pour la tenue du scrutin.

Tenir le vote rapidement est généralement reconnu comme un facteur très important. La CRTO est perçue par la collectivité comme ayant fait un excellent travail pour tenir promptement les votes, et tout ce que le processus pourrait gagner sur le plan de la perception et de la neutralité si le vote se faisait par voie électronique ou hors des locaux de l’employeur serait perdu s'il fallait plus de temps pour organiser et tenir le vote. Une des raisons pour lesquelles le scrutin se déroule dans les locaux de l’employeur est que c'est probablement le lieu qui offre la meilleure assurance d’un taux élevé de participation, puisque le lieu de travail est sans doute l’endroit le plus accessible pour voter. Tenir le vote ailleurs que sur le lieu de travail rendrait l’accès au bureau de scrutin plus difficile pour les employés. De plus, un vote à l’extérieur du lieu de travail exigerait de trouver un endroit disponible qui convient, de louer des locaux ou de prendre des dispositions pour faciliter l’accès aux employés et leur transmettre un avis, autant de mesures susceptibles d’entraîner des coûts et des délais. Tenir le vote ailleurs que sur le lieu de travail peut également décourager certains votants et modifier le résultat.

Le vote électronique exige de fournir aux employés un mot de passe ou un code d’accès, pour assurer le secret du scrutin, ainsi que des instructions sur la façon de voter et le temps alloué pour le faire. Si le vote électronique peut favoriser la participation des votants, en leur permettant de se sentir libres de toute perception d’influence déplacée, certains s'inquiètent des délais qu'il peut entraîner, à cause du temps requis pour organiser le vote et communiquer l’information. Cette considération mise à part, le vote par voie électronique, téléphone ou Internet permet d’éviter toute interférence auprès des votants et d’assurer le secret du scrutin. Si, un jour prochain, l’information sur la façon de voter peut être standardisée et transmise rapidement à tous les votants, par courriel ou un autre moyen électronique, le vote électronique pourrait devenir monnaie courante et remplacer le scrutin sur le lieu de travail.

En résumé, si l’expérience du vote électronique prend de l’ampleur et que la technologie progresse, il sera peut-être possible d’avoir un système de vote électronique à la fois rapide, efficace et abordable qui assure le secret du processusfootnote 474. Ce serait la meilleure solution, car les gens pourraient voter loin du lieu de travail avec l’appareil de leur choix ou par téléphone. En attendant que le vote électronique puisse se tenir aussi rapidement que le scrutin avec bulletins de vote, la CRTO pourrait décider que le vote électronique ou hors du lieu de travail ne sera utilisé que dans des circonstances spéciales, quand les avantages de le faire surpassent les inconvénients. Par exemple, lorsque le vote implique des employés de plusieurs lieux de travail. Cela est en accord avec l’utilisation que le Conseil canadien des relations industrielles fait de ces méthodes de scrutin.

Recommandations

  1. La Commission des relations de travail de l’Ontario devrait disposer du pouvoir explicite de mener des procédures de scrutin à l’extérieur des lieux de travail, y compris par téléphone et par Internet.
  2. La Commission des relations de travail de l’Ontario devrait accorder la priorité à l’étude et à l’élaboration de systèmes de vote électronique rapides et efficaces qui garantissent le secret du vote et peuvent devenir la norme en matière de scrutin.
  3. Sur les lieux de travail, les agents des relations de travail devraient avoir le pouvoir et le devoir explicites de donner des instructions exécutoires et de prendre des dispositions qui assurent la neutralité du processus de scrutin.

11.5 Regroupement et modification des unités de négociation

La question est de savoir s'il faut donner à la CRTO le pouvoir explicite de réviser, de modifier et de regrouper les unités de négociation. L’Ontario compte parmi les quelques provinces canadiennes qui n'ont pas donné ce pouvoir général à leur commission des relations de travail. L’absence d’une telle compétence a d’importants effets négatifs.

Premièrement, en n'ayant pas le pouvoir général de modifier les unités de négociation, la CRTO pourrait ne pas être en mesure de réagir s'il fallait rationaliser ou moderniser une structure d’unités de négociation parce que la structure originale n’est plus appropriée, dans les cas, par exemple, où les unités de négociation sont trop fragmentées, ou pour d’autres raisons valables relativement aux relations de travail. Deuxièmement, la CRTO n'a pas le pouvoir général actuellement de regrouper des unités de négociation lorsqu'il existe de multiples petites unités de négociation pour un même employeur ou dans un même lieu de travail. Cela empêche une organisation efficace dans les secteurs où la syndicalisation n'a pas encore de prise et qui comptent de nombreux travailleurs vulnérables occupant un emploi précaire.

Nous abordons chacune de ces questions ci-dessous.

Modernisation des structures de relations de travail

Une des fonctions les plus importantes de la CRTO, surtout pendant les années où la négociation collective s'organise, est de déterminer si l’unité de négociation proposée est appropriée en se demandant s'il existe des considérations valables en matière de relations de travail et si cela est dans l’intérêt commun des employés. Avec le temps, la CRTO a élaboré un certain nombre de politiques pour évaluer la pertinence d’une unité de négociation. Par exemple, la CRTO a déjà accrédité des employés à temps partiel séparément des employés à temps plein et des employés d’usine séparément des employés de bureau. La Commission a également eu recours à des politiques distinctes selon les industries et les secteurs, comme les hôpitaux, les municipalités, les universités, les journaux, etc. Au cours des 25 dernières années, la CRTO a cessé de se fier principalement au facteur de l’intérêt commun pour se demander plutôt si l’unité de négociation proposée par le syndicat présentait une « communauté d’intérêts suffisamment cohérente » pour que les employés puissent négocier ensemble de façon viable sans que « cela provoque de graves problèmes de relations de travail pour l’employeur.footnote 475. »

De façon générale, mais pas dans tous les cas, les unités sont déterminées en fonction d’un seul lieu de travail dans une municipalité. Il est possible également de créer une seule unité de négociation pour plusieurs lieux de travail dans une municipalité, si certains critères sont respectés. Par contre, si un deuxième ou un troisième lieu de travail est accrédité après que le premier certificat d’accréditation a été émis, la CRTO n'a pas le pouvoir de regrouper les unités de négociation de ce deuxième ou troisième lieu de travail avec la première, même si c'est la chose sensée à faire sur le plan des relations de travail. Évidemment, les parties peuvent toujours le faire volontairement, et c'est souvent ce qui se produit.

Par conséquent, un même employeur peut se retrouver avec plusieurs unités de négociation différentes et plusieurs conventions collectives avec un seul ou plusieurs syndicats. Bien que ce paysage de négociation collective fragmenté engendre des problèmes dans les relations de travail, la CRTO ne cesse de répéter qu'elle n'a pas le pouvoir de réviser ou de rationaliser les différentes unités de négociation. Cela donne un système de relations de travail qui pourrait se scléroser avec le temps.

À quelques petites exceptions près, la seule façon de modifier la configuration des unités de négociation pour l’instant est que les parties s'entendent pour le faire volontairement. Bien que les parties soient libres d’élargir ou de réduire la portée des unités de négociation, il s'agit d’une pratique déloyale de travail de provoquer une impasse avec ces questions (c.-à-d. de faire du litige l’objet d’une grève ou d’un lock-out). Il s'agit d’un moyen efficace de faire obstacle à la modification de la structure de l’unité de négociation lorsqu'une partie s'y oppose.

Des inquiétudes ont été exprimées quant à la possibilité qu'un tel pouvoir provoque de l’instabilité si la pertinence des relations de négociation à long terme peut être remise en question, mais, à notre avis, ne pas accorder à la CRTO le pouvoir de réviser des structures de négociation existantes crée un risque encore plus grand d’inefficacité et d’instabilité si la fragmentation est maintenue. Les inquiétudes concernant l’instabilité pourraient être atténuées si c'était la partie qui demande la modification qui avait le fardeau de démontrer que la structure de l’unité de négociation existante n'est plus appropriée dans les circonstances. Nous employons à dessin les termes « dans les circonstances » pour indiquer que l’évaluation de la pertinence de la structure ne doit pas s'appuyer sur les faits et les préoccupations qui existaient quand l’unité de négociation a été accréditée à l’origine. Cette évaluation doit plutôt tenir compte des conditions actuelles.

On nous a conseillé vivement de recommander que le pouvoir de regroupement se limite aux situations dans lesquelles un seul syndicat représente les différentes unités de négociation concernées. C'était une condition prévue par la disposition législative sur le regroupement qui a été en vigueur de 1993 à 1995 (en vertu du projet de loi 40). En limitant le pouvoir de modification et de regroupement aux cas qui présentent un seul syndicat, les droits de représentation existants sont préservés et les syndicats ne sont pas exposés au risque de perdre des unités de négociation. Le mouvement syndical préfère cette approche qui, de son avis, protège le droit de l’employé de choisir un agent de négociation et décourage une forme de « maraudage ».

Bien que nous soyons sensibles au désir des employés de pouvoir choisir et garder leur agent de négociation, si une structure de négociation inefficace entraîne des problèmes de relations de travail, comme la fragmentation ou les inefficacités qui ont évolué au fil du temps, le système doit pouvoir réagir de façon appropriée. Assortir des restrictions inutiles et injustifiables au pouvoir de modifier une unité de négociation n'aurait pas de sens. Les problèmes de relations de travail qu'entraîne la fragmentation se produisent souvent dans les situations impliquant plus d’un syndicat. La CRTO doit avoir le pouvoir de rationaliser et de moderniser les structures de relations de travail, tout en accordant aux désirs des employés et aux structures qui fonctionnent le respect qu'ils méritent. Limiter le pouvoir de rationalisation aux situations n'impliquant qu'un seul syndicat ferait indûment passer les intérêts des syndicats avant les intérêts de la collectivité. Par conséquent, dans les situations impliquant un seul employeur, nous recommandons d’accorder à la CRTO le pouvoir explicite de réviser, de modifier, de regrouper et de restructurer des unités de négociation couvertes par une convention collective ou un certificat d’accréditation, si elle est convaincue que l’unité ou les unités de négociation existantes ne sont plus appropriées dans les circonstances.

Modification des descriptions des unités de négociation et regroupement des unités de lieux de travail multiples d’un même employeur dans les secteurs ou industries historiquement sous-représentés par les syndicats

La nécessité d’intervenir décrite ci-dessus se manifeste principalement dans les relations établies. Toutefois, il est nécessaire également d’élargir le pouvoir de la CRTO pour lui permettre de modifier et de regrouper les unités de négociation dans les relations qui sont en train de se former, surtout dans les secteurs où la négociation collective ne s'est pas encore développée et dans lesquels les travailleurs vulnérables occupant des emplois précaires sont nombreux. L’accent doit être mis sur l’organisation et la négociation dans les secteurs de l’économie qui sont traditionnellement difficiles à syndiquer et dans lesquels les employés sont historiquement sous-représentés par les syndicats.

Il ne s'agit pas d’un nouveau concept pour le Canada. À cet égard, les pouvoirs de la CRTO sont limités comparativement à ceux des autres commissions des relations de travail. En Colombie-Britannique, depuis plus de 40 ans, le British Columbia Labour Relations Board a le pouvoir de modifier sa politique de détermination des unités de négociation dans les industries qui sont difficiles à syndiquer afin de « donner à la négociation collective la possibilité de s'implanterfootnote 476. » En déterminant les unités de négociation appropriées au moment de la demande d’accréditation originale, le British Columbia Labour Relations Board donne effet au principe voulant que « l’accès à la négociation collective soit le facteur le plus important à examiner pour déterminer la pertinence d’une unité de négociationfootnote 477. » Le British Columbia Labour Relations Board a réussi en grande partie à développer ce principe et à le mettre en application, parce qu'il a le pouvoir de modifier les descriptions des unités de négociation afin de créer de plus grandes unitésfootnote 478. La CRTO ne détient pas de tels pouvoirs générauxfootnote 479 et est, par conséquent, indûment limitée par la législation dans sa capacité de rendre la négociation collective accessible, surtout pour les travailleurs vulnérables occupant un emploi précaire.

Le principe consistant à permettre une « politique plus souple en matière de pertinence » lors d’une première demande d’accréditation, d’une modification subséquente de l’unité ou du regroupement de plusieurs unités, s'applique aux situations impliquant un seul employeur dans un seul lieu de travail ou à un seul employeur dans de multiples lieux de travail. Dans les situations où un seul employeur possède de multiples lieux de travail, des obstacles structuraux, pratiques et juridiques se combinent pour qu'il soit pratiquement impossible d’établir de véritables relations de négociation collective dans certains secteurs, comme ceux de la restauration, de la restauration rapide, du commerce de détail et d’autres secteurs similaires, surtout lorsqu'il s'agit de petits établissements. D’un point de vue réaliste, dans le cas d’un employeur possédant de multiples lieux de travail, la seule solution pourrait consister à syndiquer les établissements séparément, car syndiquer toutes les unités d’une municipalité, ou même de multiples unités en même temps, est extrêmement difficile, voire pratiquement impossible aux dires de certains. Toutefois, une seule petite unité d’un gros employeur possédant de multiples lieux de travail n'aura sans doute pas beaucoup de pouvoir de négociation, et le risque qu'elle échoue à obtenir une véritable négociation collective est très élevé. Il est difficile d’obtenir l’appui des employés à des fins de syndicalisation lorsqu'il y a peu de chances d’obtenir un véritable pouvoir de négociation.

Une relation de négociation viable, efficace et stable permettant d’améliorer les conditions d’emploi n'est sans doute possible que dans une grande unité de négociation. S'il était possible d’accréditer les unités à plus petite échelle, puis de les modifier ou de les regrouper par la suite, la négociation collective serait plus viable dans ces industries ou secteurs.

La raison probable pour laquelle la loi ne permet pas de regrouper ou de modifier des unités de négociation, surtout dans le cas de multiples établissements plus petits, est que dans les années 1940 les entreprises n'ayant qu'un seul lieu de travail étaient nombreuses. Le modèle traditionnel de la Wagner Act, qui a servi de fondement à notre loi sur les relations de travail, met l’accent sur la syndicalisation au niveau de l’entreprise. L’omission en Ontario de permettre le regroupement des unités d’un même employeur, ou même de modifier les unités existantes pour favoriser la croissance, n'était pas raisonnée. La Loi de 1995 sur les relations de travail en vigueur actuellement n'a pas été conçue pour les réalités de l’économie moderne qui a vu le secteur des services connaître une croissance fulgurante, une augmentation considérable de multiples petits établissements appartenant à une seule, et souvent, grande entreprise, et le franchisage à grande échelle devenir un modèle d’affaires. Aucune raison valable en matière de relations de travail ne justifie que l’on permette l’accréditation d’unités de négociation dans un lieu de travail unique sans leur permettre de connaître une croissance. En fait, comme la CRTO l’a constaté dans de nombreux cas, les unités plus grandes et l’évitement de la fragmentation servent généralement mieux les intérêts des employés et des employeursfootnote 480.

La Loi de 1995 sur les relations de travail, dans sa forme actuelle, n'offre pas d’accès véritable ou efficace à la négociation collective pour des milliers d’employés d’entreprises possédant de multiples lieux de travail ou d’établissements franchisés. Dans beaucoup de secteurs, ces travailleurs sont vulnérables et occupent un emploi précaire. Comme l’a dit la professeure Slinn, « le fait de suivre le modèle Wagner pour déterminer la représentation peut effectivement, bien que d’une manière non explicite, exclure les travailleurs plus vulnérables, y compris les femmes, les groupes racialisés et les nouveaux immigrants, de la négociation collective protégée par la loifootnote 481. » Il est nécessaire d’apporter certains changements pour donner un véritable accès – un droit constitutionnel – aux employés vulnérables dans certains secteurs de l’économie.

En faisant cette recommandation, nous n'émettons pas un avis juridique selon lequel le défaut d’édicter un pouvoir de regrouper des unités de négociation ou de modifier leurs descriptions constitue une violation de la Constitution. Là n'est pas notre rôle. Nous faisons référence, toutefois, aux raisons qui motivent la définition que la Cour suprême du Canada donne à la liberté d’association et à la protection du droit constitutionnel des employés à une véritable négociation collective. La Cour indique clairement qu'un processus de négociation collective n’a pas un caractère véritable s’il empêche les employés de poursuivre leurs objectifs. Dans un système conçu pour « pallier l’inégalité qui a toujours existé entre employeur et employés », le processus ne respecte pas les droits constitutionnels s'il porte substantiellement atteinte à un processus véritable de négociation collective en réduisant le pouvoir de négociation des employésfootnote 482. Dans le cas Fraser, la majorité des juges de la Cour suprême du Canada a déclaré qu'après l’arrêt Dunmore nul ne peut douter que « la loi (ou l’absence d’un cadre législatif) » qui rend « essentiellement impossible » la négociation collective restreint l’exercice des droits constitutionnelsfootnote 483.

Le fait de restreindre les unités de négociation a un seul lieu de travail de l’employeur, ou la possibilité d’avoir de multiples petites unités de négociation dans un même lieu de travail de l’employeur, deux situations dans lesquelles il n'existe pas de réel pouvoir de négociation puisqu'il n'y a pas d’autre mécanisme de regroupement des unités que par le consentement des parties, réduit ou limite le pouvoir des employés et constitue une lacune législative en portant atteinte à l’objectif d’avoir véritablement accès à la négociation collective.

Selon notre lecture de la jurisprudence de la CRTO, la Commission tend à faire preuve de souplesse dans son approche visant à déterminer quelles unités sont habilitées à négocier, ainsi que dans son acceptation des différentes unités que le syndicat peut syndiquer. Elle se montrera probablement sensible aux difficultés que pose la syndicalisation de multiples lieux de travail dans une région donnée. Sans doute qu'elle reconnaîtra également les difficultés que pourraient connaître les relations de travail s'il fallait négocier de multiples conventions collectives pour tous les petits établissements appartenant à un même employeur. Par conséquent, dans l’hypothèse où un employeur aurait de multiples lieux de travail dans une municipalité, la CRTO serait sans doute réceptive à une demande d’accréditation qui concernerait un seul lieu de travail, ou n'importe quelle combinaison de lieux de travail. Toutefois, la CRTO n'a pas le pouvoir actuellement d’accréditer une unité pour la regrouper par la suite avec d’autres unités accréditées. Comme nous l’avons mentionné précédemment, cela représente un obstacle important à l’accès à une véritable négociation collective dans les secteurs de l’économie qui comptent de nombreux travailleurs vulnérables occupant un emploi précaire.

Il existe deux éléments clés. Premièrement, la CRTO doit conserver son pouvoir de mettre en place des politiques flexibles concernant la détermination des unités de négociation qu'il convient d’accréditer. Deuxièmement, la CRTO devrait avoir le pouvoir de regrouper et de modifier des unités de négociation existantes, avant et après qu'une convention collective soit signée. Il faut pour cela que des mesures législatives soient prises.

Cette approche a été suggérée dans la littérature universitairefootnote 484. Une variante de cette idée, mais dans le contexte de multiples employeurs, a été abordée dans un rapport en Colombie-Britannique dans les années 1990footnote 485 et, l’idée précise impliquant un employeur unique a été appuyée dans le rapport Sims, au niveau fédéral, en 1996 :

Certaines industries de compétence fédérale comptent de gros employeurs qui exploitent de nombreux lieux de travail dans une région donnée. Normalement, les politiques de la Commission relatives aux unités de négociation exigeraient que l’accréditation se fasse séparément pour chacun des lieux de travail. Et dans le cas où la Commission autoriserait l’accréditation d’unités de négociation régionales, le syndicat devrait obtenir l’appui de la majorité dans l’ensemble de la région. Ce serait difficile à organiser et, en cas de réussite, l’accréditation inclurait des lieux de travail qui ne souhaitaient peut-être pas être représentés. Nous voyons de nets avantages pour la main-d’œuvre et la direction si le Code permettait que la négociation sectorielle implique un seul employeur, mais de multiples établissements. Le processus pourrait se dérouler de cette façon : L’accréditation (et la révocation) continuerait d’être accordée séparément pour chacun des lieux de travail (par « lieu de travail » nous entendons simplement l’unité de négociation dans sa forme actuelle). Toutefois, une fois l’accréditation obtenue, la Commission aurait le pouvoir de regrouper la négociation pour deux unités ou plus afin qu'elles puissent négocier ensemble une convention collective qui s'appliquerait à tous les lieux de travail d’un employeur accrédités dans le secteur par le syndicat. À mesure que d’autres lieux de travail de cet employeur obtiendraient l’accréditation, ils pourraient demander de faire partie du processus de négociation consolidé. Les unités nouvellement accréditées pourraient se joindre automatiquement à la convention collective existante ou essayer d’abord de négocier leur propre convention. Advenant l’échec de la négociation de leur propre convention, si la première convention devait être soumise à l’arbitrage de la Commission, cette dernière pourrait ordonner que la convention collective consolidée s'applique, en y apportant les modifications qu'elle juge appropriées.

Nous croyons que cette forme de négociation sectorielle et locale avec un seul employeur est efficace pour les deux parties. Elle répond aux objections concernant la compétitivité des employeurs, et elle préserve le droit des employés d’opter pour la négociation collective ou de s'y opposer.

Nous recommandons que la Commission soit dotée du pouvoir d’approuver la négociation sectorielle avec un seul employeur de sorte que, bien que les questions de représentation continuent d’être examinées localement, les unités accréditées dans tous les lieux de travail de la région pourraient être regroupées aux fins de la négociation collective avec l’employeurfootnote 486.

Nous sommes généralement d’accord avec la recommandation du rapport Sims, à quelques petites exceptions près. D’abord, bien que nous soyons d’accord pour dire que le vote de représentation pourrait se tenir séparément dans chacune des unités, un vote unité par unité n'est pas la solution magique lorsqu'il existe de multiples unités pour un même employeur. Si, par exemple, un syndicat est accrédité dans un lieu de travail et que, par la suite, il demande une accréditation pour trois autres lieux, qu'il veut traiter comme une seule unité qui sera regroupée avec la première unité, il pourrait y avoir un seul vote pour les trois unités, plutôt qu'un vote distinct dans chacune des trois unités. Or, il est préférable de laisser ces questions à la CRTO, qui décidera au cas par cas. Le fait est que les trois nouvelles unités pourraient être regroupées avec l’unité accréditée en premier, séparément ou ensemble, et s'il existe une convention collective pour cette première unité, chaque partie pourrait vouloir l’appliquer, ou non, aux unités regroupées, avec ou sans modifications.

Il est important que le regroupement des unités ne soit pas automatique, surtout lorsqu'il existe déjà une convention collective. Les parties devraient avoir à discuter et à négocier concernant les conditions auxquelles la convention existante s'applique, à savoir, par exemple, si l’ancienneté s'applique séparément pour chaque établissement, ou si les salaires et les horaires varient selon l’établissement. Si les parties n'arrivent pas à s'entendre, elles doivent avoir le droit de convaincre la CRTO que la convention existante ne devrait pas s'appliquer, en tout ou en partie, aux nouvelles unités, ou qu'elle devrait s'appliquer avec certaines restrictions ou particularités. Par exemple, si un établissement a déjà une convention collective et qu'une des parties cherche à regrouper les nouvelles unités avec la première, l’employeur pourrait essayer de convaincre la CRTO que le regroupement porterait atteinte à sa capacité de conserver des méthodes d’exploitation ou de production passablement différentes dans chacun des établissements, ou prétendre que le regroupement minerait sa capacité de continuer d’exploiter ces établissements comme des entreprises viables et indépendantes. Un employeur ou un syndicat qui croit, pour une raison ou une autre, que la convention ne devrait pas s'appliquer à l’unité nouvellement accréditée, devrait avoir la possibilité d’essayer de convaincre la Commission des relations de travail du bien-fondé de son argument. La CRTO devrait pouvoir déterminer, au cas par cas, ce qu'il convient de faire du point de vue des relations de travail.

Ces pouvoirs, bien que limités à un seul employeur, ne doivent pas se limiter à un seul syndicat. D’autres syndicats, en plus du premier syndicat accrédité ou volontairement reconnu, pourraient demander une accréditation, puis un regroupement ou une modification des unités si une deuxième demande était acceptée. Une structure pourrait être créée également dans laquelle un conseil syndical serait formé pour représenter tous les syndicats concernés.

Finalement, il faudrait qu'il y ait des dispositions distinctes dans la législation ainsi que des critères juridiques distincts pour les deux situations de regroupement et de modification susmentionnées.

Nous avons déjà indiqué que pour déterminer si des unités et des relations de négociation de longue date devaient être changées, la CRTO devait être convaincue que les unités existantes ne conviennent plus à la négociation collective dans les circonstances.

Le deuxième pouvoir de regroupement ou de modification est conçu pour s'appliquer dans une situation précise, et non à l’ensemble du secteur privé ou public. Il s'agit d’une disposition spéciale ayant pour but d’offrir une option pour la syndicalisation d’unités multiples d’un même employeur, ou de plus petites unités dans un gros établissement d’un employeur, dans des secteurs ou des industries (y compris les sous-secteurs) où les employés sont historiquement sous-représentés par les syndicats. De notre point de vue, le critère devrait tourner autour de la question de savoir si le regroupement ou la modification proposé contribue à l’établissement de relations de négociation collective efficaces et sert le développement de la négociation collective dans le secteur.

En réponse aux options présentées dans le rapport intérimaire, les représentants de certains employeurs affirment que les employés de ce secteur ne sont pas intéressés à négocier collectivement ou à se syndiquer. C'est peut-être vrai. Il est possible également que les syndicats n'aient pas su s'adapter à la culture moderne, aux structures d’entreprise modernes et à l’utilisation des médias sociaux et qu'ils n'aient pas réussi à communiquer efficacement avec la population active. Si ces affirmations sont vraies et que rien ne change, les recommandations n'auront que peu ou pas d’impact concret. Toutefois, cette hypothèse des employeurs concernant les préférences des employés n'est pas une raison pour empêcher les changements destinés à offrir une véritable option aux employés qui ont un droit constitutionnel à la liberté d’association, y compris à un véritable accès à la négociation collective.

Conclusion

L’interprétation que donne la Cour suprême du Canada à la liberté d’association guide nos recommandations dans ce domaine. La loi existante ne fonctionne pas, tant du point de vue des relations de travail que du point de vue constitutionnel, et doit être réformée.

Recommandations

  1. La Loi de 1995 sur les relations de travail devrait être modifiée selon l’article 18.1 du Code canadien du travail, avec l’importante modification que le critère pour que la Commission des relations de travail de l’Ontario revoie la structure est qu'elle doit être convaincue que l’unité ou les unités de négociation ne conviennent plus pour mener une négociation collective dans les circonstances.
  2. La Loi de 1995 sur les relations de travail devrait être modifiée de manière à prévoir que, lorsque la Commission des relations de travail de l’Ontario accrédite un syndicat (ou un conseil de syndicats) aux fins d’une unité de négociation, y compris lorsqu’il s’agit d’une accréditation sans scrutin conformément à l’article 1, et que le syndicat ou le conseil de syndicats est accrédité pour une unité d’employés se trouvant à un emplacement relevant du même employeur ou pour une autre unité de négociation au même emplacement, que la convention collective soit en vigueur dans l’unité accréditée précédente ou non, la Commission, sur demande, peut revoir la structure de l’unité ou des unités de négociation et opérer des regroupements ou une diversification dans la description comme bon lui semble. La Commission des relations de travail de l’Ontario aura le pouvoir d’appliquer à l’unité nouvellement constituée, avec ou sans modification, les modalités d’une convention collective existante entre l’employeur et le syndicat. L’article s’appliquera aux secteurs et aux industries où, historiquement, les employés ont été sous-représentés par les syndicats.

Le critère juridique devrait donner à la Commission des relations de travail de l’Ontario un pouvoir assez large pour déterminer les facteurs qu’elle juge appropriés et, également, établir si la nouvelle unité proposée ou encore les modalités de la convention contribuent à la création d’une relation de négociation collective efficace et au développement des négociations collectives dans le secteur ou l’industrie en question. Les autres dispositions du nouvel article refléteraient, selon le contexte, les dispositions de l’article 18.1 du Code canadien du travail. Par exemple, la tenue d’un scrutin ne serait pas nécessaire, l’unité à ajouter ayant déjà satisfait les exigences d’accréditation.

11.6 Négociation multipartite

La section précédente a porté sur le regroupement et la diversification des unités de négociation quand il n’y a qu’un employeur. Elle ne portait pas sur les négociations multipartites avec plusieurs employeurs.

Nous avons souligné ci-dessus, ainsi que dans notre rapport intérimaire, que le modèle d’accréditation à employeur unique et à entreprise unique de la Wagner Act ne permet pas un accès efficace à la négociation collective pour un grand nombre d’employés travaillant pour de petits employeurs ni dans le cas d’employeurs se trouvant dans plusieurs établissements. Organiser et négocier des contrats individuels dans des milliers de petits établissements est inefficace, coûteux et peu réaliste. Les recommandations relatives aux employeurs uniques, ci-dessus, abordent la question des lieux de travail uniques et celle des lieux de travail multiples des employeurs importants, mais pas celle des petits employeurs individuels nombreux, ce qui laisse un vide considérable dans de nombreux secteurs où des négociations collectives ne sont pas susceptibles de prendre racine. En Ontario, le taux de syndicalisation dans le secteur privé est en deçà de 7 % dans les milieux de travail où l’on retrouve moins de 20 employésfootnote 487. Comme la majorité des conseillers spéciaux de la Colombie-Britannique, nous sommes préoccupés par la nature du problème, mais contrairement à eux, nous avons conclu qu’il n’est pas réaliste actuellement de fournir un cadre pour la négociation avec plusieurs employeurs.

Options abordées dans le rapport intérimaire

Dans notre rapport intérimaire, nous avons abordé deux modèles de relations de travail différents pour les négociations avec plusieurs employeurs. Un des modèlesfootnote 488 adopte une approche ascendante par unité, qui est suivie par le regroupement des unités de négociation, ce qui donne accès à la négociation avec plusieurs employeurs. L’autre modèle de syndicalisation vise l’intégralité d’un secteur donné dans une zone géographique choisiefootnote 489. Nous avons aussi abordé d’autres modèles, dans le rapport intérimaire, que nous pourrions qualifier de modèles d’extension, qui sont répandus en Europe, mais peu utilisés en Amérique du Nord (sauf dans le cadre du système de décret au Québec, qui est appliqué à une échelle bien moindre de nos jours), et dans lesquels certaines modalités (négociées au moyen d’une convention collective ou à une table sectorielle) peuvent être élargies par décret de manière à s’appliquer à tous les travailleurs d’un secteur donnéfootnote 490.

Les négociations avec plusieurs employeurs en Ontario à l’heure actuelle

Nous avons dans notre province des exemples importants de grands nombres de petits employeurs et de syndicats représentant leurs employés qui, ensemble, déterminent qu’ils sont bien servis par des coûts de main-d’œuvre normalisés et se regroupent de leur propre chef pour négocier par secteur. En outre, il arrive souvent que des syndicats conviennent de négocier avec de nombreux employeurs dans le cadre de conseils de syndicats ou individuellement. Dans le secteur de la construction, les employeurs ont demandé un système de négociation obligatoire à l’échelle de la province. Par la suite, ce système a été imposé par voie législative. Dans d’autres secteurs, comme les secteurs de la santé, de l’impression, du camionnage, de la création et du divertissement, les employeurs ont perçu que leurs intérêts seraient favorisés et défendus par un vaste système de négociations à plusieurs.

Analyse

Le modèle d’extension

En ce qui concerne les modèles d’extension, qui sont abordés à l’option 2 du rapport intérimaire, nous avons conclu qu’ils ne tenaient pas compte de l’histoire et de la culture de l’Ontario. En Europe, il est courant que des syndicats et de vastes organisations d’employeurs négocient et établissent les conditions d’emploi sectorielles. Les institutions et les pratiques qui sont répandues en Europe sont le fruit d’une évolution des relations de travail différente. De même, le Québec, avec son système de décrets, a une histoire unique au Canada. Au Québec, divers décrets ont élargi les conditions d’emploi négociées aux employés non syndiqués de différents secteurs. Toutefois, la portée de ce système s’est restreinte très considérablement dans les dernières années, ce qui fait que de moins en moins d’employés en bénéficient. Plus important encore, le modèle québécois ne tient pas non plus compte de l’histoire et de la culture de l’Ontario, même si l’Ontario a une expérience semblable, mais plus limitée, de la Loi sur les normes industriellesfootnote 491. In its last years, the Industrial Standards Act, had narrow application and essentially only affected the garment industry. Les événements et les pratiques, dans ce secteur et dans le cadre de cette loi, n’ont pas eu les effets durables sur les autres secteurs sur lesquels tabler, du moins pas pour le moment. Un système où la CRTO déterminerait que les normes sectorielles s’appliquent aux secteurs non syndiqués, de manière similaire, ne tiendrait pas compte de l’histoire, de la culture et des principes démocratiques de l’Ontario.

Une recommandation qui s’appuierait sur un système d’extension, dans lequel certaines conditions du secteur non syndiqué seraient établies par le secteur syndiqué et imposées, sans ce fondement démocratique qu’est le consentement des employés, ne semble pas réaliste et n’est pas susceptible d’être acceptée par la plupart des Ontariens. À notre avis, cependant, le processus de réglementation sectorielle que nous recommandons dans le cadre de la Loi de 2000 sur les normes d’emploifootnote 492, qui prévoit un apport direct des employeurs et des employés d’un secteur (ou d’un sous-secteur) donné suivi d’une réglementation par le gouvernement, est une meilleure manière, et une manière plus inclusive, de réaliser des améliorations pour les employés qui sont dans des milieux de travail non syndiqués de petite taille, sur le plan de la planification, par exemple, et en particulier pour les employés vulnérables occupant un emploi précaire.

Les options en matière de relations de travail

En ce qui concerne les options 4 et 5 que nous avons abordées dans notre rapport intérimaire, soulignons tout d’abord qu’il n’y a eu pratiquement aucun appui à l’option 5 dans les présentations que nous avons reçues. L’option 5 décrit un processus d’acquisition des droits de  négociation de façon ponctuelle pour l’ensemble d’un secteur et d’une région géographique suivi d’une négociation avec plusieurs employeurs au sein de ce secteur. En revanche, l’option 4 a suscité un intérêt.

L’option 4  est ce qui avait été proposé à l’origine en Colombie-Britannique, en 1992, par la majorité des conseillers spéciauxfootnote 493. Cette proposition se caractérise par le déploiement d’une approche ascendante par emplacement suivi d’un regroupement donnant accès à une négociation avec plusieurs employeurs. Elle visait les secteurs sous-représentés par les syndicats et où l’on trouvait de petits employeurs (ayant moins de 50 employés). Cette option permettait à tout employeur d’un secteur de se faire accréditer par un syndicat pour que l’unité ainsi formée se joigne ensuite à une unité préexistante dans le même secteur pour constituer un regroupement. La convention collective préexistante liait l’unité et pouvait être modifiée, au besoin, par le British Columbia Labour Relations Board pour qu’elle s’ajuste à la réalité de cette unité. Aucun syndicat n’avait l’exclusivité dans un secteur. Cette approche est similaire à ce que nous avons proposé en lien avec les regroupements et les diversifications, à la recommandation 11 ci-dessus, mise à part la différence essentielle que la proposition de la Colombie-Britannique s’appliquerait à plusieurs employeurs, tandis que notre proposition ci-dessus ne s’applique qu’à un employeur unique.

Cette idée en provenance de Colombie-Britannique est créative et mérite d’être explorée, mais il n’est pas du tout certain qu’il est viable pour un secteur de passer d’une situation où l’on n’a pratiquement pas recours à la négociation collective à une situation où un groupe diversifié d’employeurs du secteur aurait à négocier. Par exemple, si, dans un grand marché urbain, plusieurs exploitants indépendants du secteur de la restauration rapide déjà accrédités avaient à négocier ensemble avec quelques franchisés différents du même secteur qui sont rattachés à différents franchiseurs et avec quelques magasins d’entreprise d’un grand franchiseur ayant plus d’un syndicat, on ne voit pas bien comment des négociations efficaces pourraient advenir. Le processus serait chaotique.

Cette économie est fondamentalement capitaliste, et les employeurs se livrent une concurrence féroce. Les grands employeurs pourraient aisément se liguer, dans le cadre de négociations avec plusieurs employeurs, pour augmenter le coût de la main-d’œuvre et ainsi évincer les plus petits joueurs et élargir leur part de marché. En outre, il est difficile d’imaginer que les moyens de négociation des syndicats contre un groupe d’employeurs aussi diversifié seraient efficaces.

La question du fonctionnement de cette proposition soulève des problèmes épineux. Il serait beaucoup plus facile d’évaluer et de résoudre ces problèmes dans des secteurs ayant déjà une certaine expérience des négociations collectives, par exemple si une entente type avait déjà émergé et si une certaine dynamique dans les relations de travail favorisant des négociations plus larges avait également émergé. Il se pourrait bien qu'en Colombie-Britannique, où la proposition est apparue en 1992, les aspects pratiques aient paru moins intimidants parce qu’il y avait des antécédents de négociations d’employeurs uniques dans de multiples lieux de travail, par exemple dans le secteur de la restauration rapide.

Bien qu’il existe des exemples de négociations sectorielles avec plusieurs employeurs volontaires, et un exemple de négociation sectorielle avec plusieurs employeurs obligatoire (dans le secteur de la construction ontarien), à notre connaissance, aucune compétence n’a imposé un régime de négociation collective avec plusieurs employeurs obligatoire sans qu’il y ait des antécédents de négociations collectives dans le secteur. Par conséquent, cette option exige un degré élevé de prudence et une évaluation très attentive.

Nous avons conclu que pour que les négociations multipartites avec plusieurs employeurs soient viables, la présence d’un certain nombre d’antécédents de négociation collective est essentielle. Passer d’un manque complet d’expérience de la négociation à un régime de convention collective avec plusieurs employeurs et plusieurs syndicats est un trop grand pas. Autrement dit, avant que les employeurs soient forcés de négocier entre eux, il faut que des négociations collectives prennent racine chez chacun d’entre eux.

Notre recommandation visant à faciliter l’organisation de plusieurs unités d’un employeur unique dans des secteurs ou des industries en particulier où l’on trouve des travailleurs vulnérables occupant des emplois précaires, si elle était mise en œuvre, pourrait ouvrir la voie vers des négociations avec plusieurs employeurs. Par exemple, si des employeurs et des franchisés de la restauration, du commerce de détail, de la restauration rapide et d’autres secteurs déterminés faisaient partie d’un régime de convention collective à titre d’employeurs uniques, l’expansion naturelle des choses pourrait amener des négociations sectorielles impliquant plusieurs employeurs dans ces secteurs. Une approche évolutive est plus susceptible de réussir qu’un modèle à plusieurs employeurs qui est imposé de l’extérieur et ne s’appuie sur aucun fondement.

Y a-t-il une autre solution?

L’autre solution consiste à prévoir et à encourager l’évolution vers des structures de négociation multipartite dans les cas où cela est approprié et viable.

Premièrement, il existe des industries où le franchisage est pratique courante. Même si, techniquement, les employeurs sont nombreux, ils sont assimilables à un employeur unique exploitant plusieurs lieux de travail, et devraient être traités de cette manière. Deuxièmement, il existe des situations spéciales qui se prêtent à des négociations multipartites. Dans ces situations, le gouvernement devrait veiller à faciliter et à rendre efficaces les négociations sectorielles. Troisièmement, des discussions plus larges devraient avoir lieu pour déterminer si le texte de loi devrait contenir des outils supplémentaires pour permettre aux négociations multipartites de fonctionner efficacement quand elles sont déjà en place ou sont en train de se développer. Enfin, nous pensons qu’il est important d’entretenir la discussion sur la question de la négociation sectorielle et de la garder à l’ordre du jour à mesure que l’économie et les industries se développent.

Nous avons affirmé plus tôt qu’il existe des industries où, techniquement, les employeurs sont nombreux, mais sont assimilables à un employeur unique exploitant plusieurs lieux de travail, et qu’ils devraient être traités de cette manière. Nous allons maintenant nous pencher sur cette question.

11.6.1 Le franchisage dans les restaurants, le secteur de la restauration rapide et certains autres secteurs similaires déterminés

Le franchisage est un modèle d’affaires moderne que l’on trouve dans un vaste éventail d’industries et d’entreprises. La LRT ne traite pas de manière explicite du franchisage, probablement parce qu'à l’époque de l’élaboration de cette loi, le franchisage n’était pas un facteur important dans l’économie.

Le franchisage est une forme d’organisation des chaînes de magasins. Certaines entreprises commercialisent leurs marques dans plusieurs établissements de vente au détail et utilisent un modèle d’entreprise distinct pour chaque établissement, et embauchent un ou des gérants pour chaque établissement, ou financent et exploitent plusieurs établissements en suivant un modèle de franchises, ou encore combinent les deux approchesfootnote 494. La structure utilisée dans un établissement peut passer du modèle de l’établissement d’entreprise à celui de la franchise, et inversement.

Les franchiseurs sont nombreux et variés, œuvrent dans différents secteurs et comptent dans leurs rangs des petites entreprises aussi bien que des sociétés internationales multimilliardaires dont les marques sont omniprésentes. Les franchiseurs peuvent s’établir dans de nombreux endroits et sous de nombreuses administrations en vendant les droits de commercialisation de leurs produits de marque à des franchisés dans de nouvelles zones géographiques. Le franchiseur et le franchisé fonctionnent au moyen d’ententes contractuelles complexes, qui contraignent le franchisé à exploiter l’entreprise de la manière établie et décrite dans le contrat et les manuels d’utilisation, que le franchisé est habituellement tenu par contrat de suivre. Fréquemment, au moyen de ces mécanismes, le franchiseur dicte pratiquement tous les aspects de l’entreprise de telle manière qu'aux yeux du public, le produit et la marque sont identiques ou presque d’un endroit à l’autre. Les prix peuvent varier et les produits peuvent présenter certaines différences, de temps à autre, mais dans l’ensemble, toute l’idée du modèle de franchises est de vendre des produits du franchiseur et de protéger la marque de commerce; normalement, les franchisés y sont tenus par contrat. Les franchisés apportent un capital, gèrent l’entreprise et, habituellement, embauchent, congédient et gèrent les employés.

Le franchiseur peut être un employeur aux fins de la LRT si les critères du paragraphe 1(4) de cette loi (la disposition relative aux employeurs) s’appliquent. Nous ne recommandons pas la modification de ce paragraphe. Aux fins de notre recommandation, nous avons tenu pour acquis que le franchisé – et non pas le franchiseur – est l’employeur. En bref, nos propositions ne forcent pas les franchiseurs à s’asseoir à la table de négociations à moins qu’ils soient des employeurs liés entre eux selon la loi en vigueur. Notre but est de faire en sorte que la négociation collective soit une option efficace pour les nombreux travailleurs vulnérables occupant des emplois précaires peu rémunérés qui n’ont pas, dans le cadre légal actuel, accès à de véritables négociations collectives.

Ci-dessus, nous avons recommandé que la LRT soit modifiée pour tenir compte des situations où des employeurs uniques détiennent plusieurs établissements dans des secteurs historiquement sous-représentés par les syndicats, comme les restaurants, la restauration rapide et le commerce de détail. La question est de savoir si les entreprises organisées pour vendre une marque de commerce et des produits par l’intermédiaire d’un système de franchises devraient être traitées comme des employeurs uniques ayant plusieurs établissements.

Les concurrents dans une industrie donnée peuvent mener leurs activités soit sous un modèle de succursales, soit sous un modèle de franchises, ou encore avec un mélange des deux. Sur le plan des politiques publiques, il n’existe aucune bonne raison de traiter les deux modèles différemment. Prenons, par exemple, trois entreprises concurrentes qui sont d’importants fournisseurs de services de restauration rapide. Une d’entre elles n’exploite que des magasins et des établissements d’entreprise. Un des principaux concurrents sur le marché, qui vend des produits similaires sous une autre marque de commerce, a un modèle de franchises, dans lequel tous les établissements sont exploités par des franchisés. Un troisième concurrent combine les magasins d’entreprise et les magasins franchisés. Le fait qu’il y ait trois modèles différents d’organisation pour vendre ces trois marques concurrentes sur le même marché devrait-il faire en sorte que l’un soit soumis à des règles en matière de syndicalisation auxquelles échapperaient les deux autres? Est-il juste que les employés des nombreuses franchises d’un franchiseur n’aient aucun accès réel à la négociation collective, alors que les employés d’un concurrent, qui a de nombreux établissements, voire quelques établissements seulement, y ont accès? La réponse nous semble évidente.

Cependant, il doit être clair que nous ne recommandons pas un système dans lequel les franchisés de différents franchiseurs seraient obligés de négocier ensemble. Nous ne recommandons pas non plus, comme susmentionné, que le franchiseur soit désigné employeur de ses franchisés, à moins qu’il ne le soit déjà en vertu du paragraphe 1(4) de la LRT. Par conséquent, le franchiseur – à moins qu’il soit déclaré employeur lié par la CRTO – ne participera pas, de par la loi, aux processus d’accréditation et de négociation si le franchisé est accrédité. Bien entendu, un franchiseur qui exploite son entreprise au moyen de magasins d’entreprise peut être accrédité à titre d’employeur.

Il s’agit de déterminer si les franchisés d’un franchiseur unique (et tous les établissements de l’entreprise) devraient être traités comme un groupe d’employeurs devant négocier ensemble si leurs différents établissements sont accrédités. L’argument contre l’obligation pour les franchisés d’un franchiseur unique de négocier ensemble est qu’il s’agit là d’entreprises individuelles détenues et exploitées par des personnes différentes. Les obliger à négocier ensemble est, dit-on, injuste, car cela pourrait les empêcher d’exploiter leur entreprise comme ils l’entendent.

Notre conclusion est que pour de nombreuses raisons, la politique consistant à traiter les franchisés d’un franchiseur commun comme un seul grand employeur ayant de nombreux établissements est une bonne politique de relations de travail. Il est raisonnable d’exiger que les franchisés d’un même franchiseur négocient ensemble. La nature même de leurs opérations implique qu’ils ne mènent pas leurs affaires de façon très différente. En outre, quand bien même il existerait des différences importantes, les négociations collectives sont assez souples pour s’y adapter.

Les franchisés d’un franchiseur commun commercialisent la même marque de commerce, vendent les mêmes produits sur le même marché, en vertu des mêmes contrats et manuels de politiques du même franchiseur. Les effectifs, les coûts de main-d’œuvre et les méthodes d’exploitation sont identiques ou assez semblables pour que leurs différences puissent être gérées. Les franchisés d’un franchiseur unique ont tant de points en commun évidents que si ce n’était de l’emplacement et de la taille des franchises, le public ne saurait les distinguer. Ils n’ont d’autre identité que celle du franchiseur et de sa marque de commerce. S’ils sont en activité dans la même municipalité ou région, ils se partagent probablement le même marché du travail et le même segment démographique de travailleurs. Toutes les différences entre franchisés peuvent être gérées lors des négociations collectives.

La raison stratégique qui motive la recommandation de rendre possible le regroupement d’unités situées dans les divers lieux de travail d’un employeur unique, qui est de créer une structure donnant aux employés un accès à de véritables négociations collectives, est tout aussi valable dans le cas des différents établissements d’un même franchiseur. Il ne peut pas y avoir de véritables négociations collectives si celles-ci sont circonscrites à des établissements de franchisés individuels. Vraisemblablement, une unité de négociation seule, représentant un seul établissement de franchisé, n’a pas assez de moyens de négociation pour améliorer ses conditions d’emploi, de nombreux autres établissements dans la même zone géographique vendant exactement le même produit à un prix identique ou similaire. La seule manière de négocier efficacement est de le faire collectivement, avec les nombreux autres établissements de la zone géographique qui sont chargés de la même marque de commerce. Dans les cas où les franchisés exploitent des entreprises pratiquement identiques et vendent la même marque de commerce et le même produit dans le même marché du travail, les raisons de les traiter comme un employeur unique ayant plusieurs établissements sont convaincantes.

Par conséquent, nous proposons que des recommandations semblables, mais non identiques, à celles que nous avons faites à propos des lieux de travail multiples avec un seul employeur s’appliquent aux franchisés d’un même franchiseur. La négociation centralisée favorisera la stabilité en diminuant la fragmentation et la vulnérabilité qui en découlent en cas de grève ou de lock-out dans les lieux de travail d’un employeur unique. Elle réduira la possibilité que les franchisés subissent individuellement une manœuvre de surenchère de la part d’un syndicat. Le modèle que nous avons recommandé pour les employeurs uniques avec plusieurs lieux de travail est très flexible. On peut compter sur les parties et sur la Commission des relations de travail de l’Ontario (CRTO) pour s’adapter aux intérêts des différents franchisés d’un même franchiseur, lorsque les différences entre ceux-ci sont importantes.

Recommandation :

  1. Nous recommandons un modèle dans lequel les unités de négociation accréditées ou volontairement reconnues de différents franchisés d’un même franchiseur liées au même syndicat dans le même secteur géographique pourraient être tenues par la Commission des relations de travail de l’Ontario de négocier ensemble, de manière centralisée, avec des représentants des employeurs des franchisés du secteur, comme établi ci-dessous.
    1. Un organisme négociateur patronal composé de représentants des franchisés représentera les employeurs des franchisés à la table de négociation. La Commission des relations de travail de l’Ontario devrait disposer du pouvoir d’exiger la formation d’un organisme négociateur patronal et d’établir ses modalités, au besoin. L’obligation de l’employeur de négocier de manière centralisée demeurerait en vigueur aussi longtemps que le syndicat détient le droit de négocier.
    2. Pour refléter la recommandation relative aux emplacements nouvellement accrédités d’un employeur unique, la CRTO aurait le pouvoir d’imposer, à la demande d’une partie concernée, que les modalités d’une convention collective entre un franchisé et un syndicat soient élargies pour s’appliquer, avec ou sans modifications, à une unité de négociation nouvellement accréditée faisant intervenir le même syndicat, mais un franchisé différent (au sein de la même organisation de franchises). La Commission des relations de travail de l’Ontario aurait également le pouvoir d’exiger que les employeurs des franchisés négocient de manière centralisée.
    3. Lorsqu'elle exerce son pouvoir, la Commission des relations de travail de l’Ontario devrait examiner si les modalités et la structure de négociation proposées contribuent à la création d’une relation de négociation collective efficace et au développement des négociations collectives dans le secteur ou l’industrie en question.
    4. Chaque franchisé aurait individuellement la responsabilité de se conformer à la convention collective qui en résulte et signerait un accord le liant à son ou ses emplacements. Dans ce modèle, les ententes des parties sur les dispositions distinctes applicables à certains franchisés, mais pas tous, peuvent être traitées dans le cadre des négociations collectives.
    5. Lorsqu’un franchisé posséderait plusieurs emplacements, ce qui est courant dans le secteur, ces emplacements pourraient être regroupés par la Commission des relations de travail de l’Ontario au sein d’une seule unité de négociation dans les situations appropriées, conformément à la recommandation relative aux emplacements nouvellement accrédités d’un employeur unique, mais cet employeur participerait aussi à la négociation centralisée en tant que franchisé du même franchiseur. Dans le même ordre d’idée, si les magasins d’entreprise possédés par le franchiseur des franchisés régis par la négociation centralisée sont accrédités, ils pourraient eux aussi être regroupés au sein d’une seule unité d’accréditation du même employeur conformément à la recommandation relative aux emplacements nouvellement accrédités d’un employeur unique. De plus, si les emplacements du franchiseur étaient couverts par une accréditation du même syndicat que celui qui mène la négociation centralisée, la négociation collective avec l’employeur franchiseur ferait partie du processus de négociation centralisée des franchisés.
    6. Au cours de la négociation centralisée, tout vote de grève ou scrutin de ratification réunirait l’ensemble des employés représentés par les unités de négociation, et non les unités de négociation individuelles.

11.6.2 Soins à domicile financés par l’État

Les soins à domicile financés par l’État sont un service crucial qui va prendre de l’importance à mesure que la population de l’Ontario vieillira. Ces soins sont fournis et réglementés à travers un système complexe de structures institutionnelles, qui ont connu des changements constants. La vaste majorité des travailleurs dans le domaine des soins à domicile sont des préposés aux services personnels (PSP), bien que des infirmières et infirmiers et d’autres employés y travaillent aussi. On retrouve de nombreux employés non syndiqués au sein de ce groupe, dont beaucoup pourraient être qualifiés de travailleurs vulnérables occupant un travail précaire. Il semble y avoir plus de 25 000 employés dans le secteur, et environ 30 % sont syndiqués. Environ 18 fournisseurs de services les emploient, dont certains sont à but lucratif et d’autres non. Les syndicats continuent de mener des efforts de syndicalisation dans le secteur. Il y a deux syndicats principaux dans le domaine, bien qu’on en retrouve d’autres dotés d’une convention collective. Il n’y a pas de négociation sectorielle, mais une convention collective couvre presque 4 000 employés à travers toute la province.

Les employés travaillent surtout par postes fractionnés, puisqu’ils doivent être disponibles pour les personnes ayant besoin de soins à domicile souvent deux fois par jour. La planification des horaires et les heures de travail sont des enjeux difficiles et inhérents au travail étant donné sa nature.

Le gouvernement s’est penché sur les taux horaires de ces travailleurs à l’échelle de la province en 2013-2014. Par conséquent, les salaires des PSP ont augmenté de façon importante au cours des trois années suivantes. Ces augmentations ont été obtenues grâce à du lobbyisme efficace auprès des échelons élevés du gouvernement; ils ne sont pas le résultat d’une négociation collective. Il semble maintenant que la formule de financement pour tous les organismes fournisseurs de services sera normalisée à travers la province.

Dans les autres secteurs de la santé financés par l’État, comme les hôpitaux et les maisons de soins infirmiers, les mécanismes de négociation centralisée ont évolué au fil des ans, même si la LRT n’en exige aucun. Il n’existe actuellement dans aucune loi un mécanisme qui pourrait obliger la négociation centralisée dans le secteur des soins à domicile.

À notre avis, étant donné le nombre relativement réduit de fournisseurs de services, que la représentation est principalement assurée par deux syndicats et, maintenant, que tous les fournisseurs de services reçoivent un financement commun, il est probable qu’éventuellement la négociation centralisée s’instaure volontairement dans le secteur. Cela semble raisonnable étant donné la présence de tous ces facteurs. Nous ne pouvons que spéculer sur le délai avant que cela ne survienne, mais il se peut que cela prenne de nombreuses années, voire que cela n’arrive jamais. Les parties auraient à y consentir et à considérer cette forme de négociation comme dans leur intérêt.

Notre mandat est d’améliorer la sécurité et les possibilités pour les travailleurs vulnérables occupant des emplois précaires et de soutenir les entreprises dans le contexte actuel de changements économiques. À notre avis, ces travailleurs auraient sans aucun doute été classés comme vulnérables avant la plus récente série de hausses salariales importantes. Leurs salaires étaient très bas, leurs avantages sociaux et leur pension de retraite sont limités ou inexistants, 70 % du secteur n’est pas syndiqué, et la nature de leur travail donne lieu à des enjeux difficiles en matière de planification des horaires et d’heures de travail. La main-d’œuvre est aussi composée principalement de femmes et comprend beaucoup d’immigrants.

Même si c’est moins le cas aujourd’hui en raison des récentes augmentations de salaire, une proportion importante des employés dans le secteur des soins à domicile est probablement encore vulnérable. Il n’est pas devenu soudainement superflu d’envisager une politique particulière pour ces travailleurs dans le présent examen simplement parce qu’ils ont reçu une augmentation de salaire importante. En effet, le fait que ces employés n’ont reçu cette augmentation que parce que des efforts de lobbyisme ont été menés et que le gouvernement est intervenu directement, et non grâce à une négociation collective, démontre qu’un système efficace de négociation collective est dans leur intérêt et sert aussi l’intérêt public. Le lobbyisme, comme méthode pour modifier les conditions d’emploi d’un groupe particulier de travailleurs du secteur public, n’est pas une façon raisonnable ni fiable, à long terme, de promouvoir les intérêts du groupe ni de satisfaire les besoins du public en matière de services de santé essentiels durables.

La négociation collective, menée de façon centralisée et sectorielle, est susceptible de soutenir les intérêts des employés comme ceux des quelques employeurs du secteur, et sert aussi l’intérêt public grâce à ses mécanismes de négociation multipartite. Avoir recours autant que possible à la mise en commun et à la normalisation pourrait permettre de réaliser des gains d’efficacité. Cela est particulièrement vrai étant donné que le financement est, ou sera, accordé aux employeurs par le gouvernement de façon normalisée et qu’il existe déjà un précédent de décision en matière de financement accordé par le gouvernement dans l’intérêt de tous les PSP. Le public, pas plus que les employeurs et les employés, n’a intérêt à simplement laisser le système évoluer vers la négociation centralisée. D’un autre côté, le volontarisme a été un aspect important de l’apparition de mécanismes de négociation centralisée, et il se pourrait que cela constitue un facteur important dans ce cas-ci aussi.

Notre recommandation est que le gouvernement commande une enquête spéciale et accélérée pour consulter toutes les parties concernées et faire des recommandations quant à la pertinence de la négociation centralisée dans le secteur des soins à domicile et à la manière de l’instaurer dans un délai raisonnable.

Cette enquête devrait aussi envisager la question du règlement des différends. À l’heure actuelle, les grèves et les lock-out sont permis dans le secteur, mais lorsqu’une grève survient, le travail est transféré à un autre fournisseur. Certains affirment que cela est équitable, car les employés étant privés de travail et l’employeur étant privé de revenus, les deux parties ont autant intérêt à résoudre le conflit. Que cela soit vrai ou non, d’autres facteurs doivent être pris en compte pour déterminer la meilleure forme de règlement des différends, tels que les autres mécanismes de règlement des différends, les besoins des patients, la structure de la négociation dans le secteur des soins à domicile, et de nombreuses autres questions qui devraient être envisagées dans le cadre de l’enquête.

Recommandation

  1. Le gouvernement devrait mener une enquête accélérée, en collaboration avec les parties engagées dans le secteur des soins à domicile financés par l’État, sur la possibilité et la meilleure manière d’y établir une négociation sectorielle dans des délais raisonnables. Cette enquête devrait envisager la question du règlement des différends.

11.6.3 Arts et divertissement : les industries créatives

Dans le secteur des arts, du divertissement et des loisirs, 57 % de la main-d’œuvre occupe un emploi atypiquefootnote 495. Cela correspond à 5 % de toute la main-d’œuvre atypiquefootnote 496. À bien des égards, les industries créatives ont façonné plusieurs approches uniques pour traiter les problèmes posés par les emplois non conventionnels, la nécessité d’accords-cadres, et la négociation collective. Une partie de ces négociations se déroule dans le cadre de la LRT, mais une grande partie s’inscrit à l’extérieur de celle-ci. Pour quelques-uns des groupes d’artistes, une solution qui s’inscrirait dans les limites posées par la LRT constituerait un sacrilège, mais d’autres n’y voient pas de problème.

Même si des modèles de négociation collective importants et efficaces sont utilisés, certains soulèvent que des lacunes et défaillances dans le secteur n’ont pas été réglées et ont des effets déstabilisants. Par exemple, la Loi sur le statut de l’artiste (fédérale), bien qu’elle fait preuve d’une approche créative, souffre de limites évidentes. Elle permet l’accréditation d’associations d’artistes et la création d’associations de producteurs, mais les producteurs n’ont pas l’obligation de former des associations ou de négocier ensemble, ce qui risque de placer les associations d’artistes dans une situation où il n’y a pas de groupe sectoriel avec lequel négocier. Parce qu’elle est orientée vers les employés, la LRT ne répond pas nécessairement aux besoins de certains groupes dans lesquels les employés et les entrepreneurs indépendants devraient négocier ensemble afin d’être efficaces. La confusion à propos du statut des travailleurs (c.-à-d. s’ils sont employés, entrepreneurs dépendants ou entrepreneurs indépendants) et l’absence d’une organisation d’employeurs entraînent des difficultés dans les nouvelles industries telles que la production de téléréalité, une industrie qu’on dit gouvernée par peu de règles et que les syndicats décrivent comme le « Far West » de l’industrie.

Nous avons examiné les observations des intervenants de ce domaine, et toutes soulèvent des enjeux complexes, qui méritent selon nous une attention particulière. La plupart des organisations d’artistes et de travailleurs ont discuté de ces enjeux entre elles et nous ont demandé avec instance d’adopter en partie la philosophie et l’approche générale de la loi québécoise sur le statut de l’artistefootnote 497, avec certaines modifications. Aucune précision n’a réellement été donnée quant aux modifications proposéesfootnote 498.

En revanche, la Canadian Media Producers Association (CMPA), qui agit dans le domaine de la production télévisuelle, cinématographique et de médias numériques anglophone, nous a mis en garde à propos des coûts élevés du système québécois, notamment en raison des négociations constantes, de l’instabilité et de la concurrence dans les relations industrielles, et de l’incertitude qui y règne, ce qui est contraire aux besoins d’une industrie axée sur les projets et sensible au temps. La CMPA affirme que la loi québécoise est responsable du manque d’investissements dans la province et des pertes d’emplois qui en découlent. Elle affirme qu’une telle loi aurait des répercussions profondément nuisibles sur le secteur complet de la production télévisuelle, cinématographique et de médias numériques anglophone en Ontario. En général, la CMPA soutient que le secteur est déjà très syndiqué, et ce, avec des syndicats de métiers comme industriels, qu’il sert adéquatement les besoins des différents groupes d’intérêt, et qu’il ne faudrait donc pas s’y immiscer.

Nous sommes conscients que le gouvernement a déjà envisagé des changements dans ce secteur, mais qu'il a fini par ne prendre aucune mesure. À notre avis, plusieurs raisons justifient que le gouvernement se penche à nouveau sur l’opportunité d’une réforme législative.

Premièrement, le domaine est très important pour l’économie ontarienne, étant donné que sa contribution au PIB est plus élevée que celle des secteurs de l’agriculture, des mines ou de l’énergiefootnote 499. L’incertitude quant au caractère permanent et à l’efficacité des structures actuelles entraîne une instabilité potentielle à long terme. La CMPA a peut-être raison lorsqu’elle affirme que le statu quo est satisfaisant et qu’aucune mesure ne devrait être prise. Toutefois, étant donné l’expérience québécoise et l’appui soutenu donné par de nombreuses organisations d’artistes à l’idée d’une nouvelle loi, il serait nécessaire de prendre une décision éclairée à la suite d’une étude minutieuse. Le présent examen ne nous a pas offert l’occasion de réaliser le genre d’examen approfondi qui serait nécessaire.

Deuxièmement, les industries créatives fournissent les principaux exemples historiques des problèmes auxquels les travailleurs non conventionnels sont confrontés dans le contexte économique actuel, et à mesure que ces problèmes gagnent en importance pour toute une série d’entrepreneurs et de travailleurs dans d’autres industries, le modèle fonctionnel de négociation collective qui serait créé par une loi nouvelle ou modifiée pour l’industrie des arts et du divertissement pourrait être suivi par les travailleurs non conventionnels au sein d’autres industries.

Recommandation

  1. Nous recommandons que l’Ontario mène une enquête et consulte tous les groupes intéressés et touchés afin d’envisager des changements législatifs pour modifier la façon dont les services et le travail des individus sont fournis dans les secteurs de l’art et du divertissement afin d’encourager les visées artistiques de ces secteurs et de ceux qui y travaillent.

11.6.4 De nouveaux outils législatifs sont nécessaires pour faciliter la négociation sectorielle

À l’exception des dispositions portant sur l’industrie de la construction, la LRT actuelle ne contient peut-être pas les outils réglementaires nécessaires pour organiser et réglementer la négociation sectorielle avec plusieurs employeurs, même pour les secteurs où un certain degré de négociation multipartite a déjà été établi (par example, le secteur hospitalier). La LRT contient des dispositions qui régissent l’accréditation des conseils de syndicats et les négociations dans lesquelles ils participent. Cette loi contient aussi des règles concernant la négociation avec une organisation d’employeurs. Toutefois, en vertu de celle-ci, l’établissement d’organisations d’employeurs ou de conseils de syndicats demeure une décision volontaire de la part de la partie concernée. Bref, la LRT se fonde sur le volontarisme.

Le volontarisme est important et nous devons le reconnaître, mais il possède des limites, notamment en ce qu’il permet aux syndicats et aux employeurs de naviguer entre l’intérieur et l’extérieur du cadre de la négociation sectorielle avec plusieurs employeurs à des fins stratégiques. À notre avis, notre société et notre économie ont fortement intérêt à mettre sur pied des systèmes efficaces dans lesquels les conditions de travail communes des employés syndiqués peuvent être négociées à travers de vastes pans de l’économie. Par conséquent, lorsque les conditions permettant une négociation sectorielle à employeurs multiples ou à employeur unique sont présentes, le volontarisme peut être limité et l’intérêt de la société envers des systèmes de négociation multipartite peut l’emporter sur les intérêts stratégiques des syndicats et employeurs individuels.

Le concept de négociation multipartite mérite d’être analysé plus globalement et plus en profondeur que ce qu’il était possible de faire dans le présent examen. Cette analyse devrait traiter la question à savoir si la loi devrait fournir plus d’outils pour obliger la négociation à plusieurs employeurs dans certaines circonstances.

Nous recommandons plusieurs questions à analyser plus en profondeur.

  • La première est celle de l’accréditation des organisations d’employeurs. L’accréditation permet à une majorité d’employeurs qui embauchent une majorité d’employés dans un secteur de former une organisation d’employeurs et d’obliger les autres employeurs syndiqués dans un secteur à faire partie d’un organisme négociateur uni.
  • La deuxième question est de savoir si les employeurs devraient avoir droit à un processus par lequel ils pourraient demander une ordonnance obligeant les syndicats à former un conseil de syndicats dans les cas où un employeur unique doit traiter avec plus d’une unité de négociation et entretient des relations de négociation avec plus d’un syndicat.
  • Une dernière question consiste à déterminer s’il devrait y avoir une disposition prévoyant une accréditation à plusieurs employeurs par laquelle un syndicat pourrait forcer des employeurs à négocier ensemble à travers un organisme négociateur patronal.

La Colombie-Britannique a une longue histoire de dispositions portant sur ces questions dans sa loi. Elle est actuellement dotée d’outils pour accréditer et forcer les syndicats à former des conseils de syndicatsfootnote 500, et elle a une riche histoire en matière d’accréditation à plusieurs employeursfootnote 501. Toute l’expérience et l’histoire de la Colombie-Britannique à cet égard devraient être étudiées dans le cadre de la vaste analyse de la possibilité d’instaurer la négociation à plusieurs employeurs en Ontario.

Recommandation

  1. Le gouvernement devrait organiser une consultation pour déterminer si la Loi de 1995 sur les relations de travail devrait être modifiée afin d’inclure :
    • l’accréditation obligatoire des organismes négociateurs patronaux;
    • les conseils de syndicats obligatoires;
    • l’accréditation obligatoire pour les employeurs multiples.

11.6.5 L’avenir de la négociation sectorielle

Comme nous l’avons indiqué précédemment, le modèle d’accréditation inspiré de la Wagner Act est plutôt inadéquat pour de grands groupes d’employés travaillant dans des petites entreprises. Nos recommandations à l’égard des entreprises constituées de lieux de travail multiples avec un seul employeur et des exploitations des franchisés offrent une occasion importante d’élargir le modèle d’accréditation. Si la syndicalisation devenait plus courante dans les chaînes de restaurants, dans les exploitations de franchise et dans le secteur du détail, cela aurait sans aucun doute des répercussions sur le marché qui toucheraient d’autres employeurs, notamment sur les barèmes de rémunération dans le secteur, ce qui pourrait rendre la négociation sectorielle plus attrayante pour les employeurs.

Pour les employés, en général, la principale question de politique publique à se poser est : devrait-il y avoir d’autres moyens de promouvoir la liberté d’association et la négociation collective pour les personnes travaillant dans de petits lieux de travail? Pour les employeurs et les employés, une des principales questions est : est-il rationnel de viser des frais de main-d’œuvre et des conditions de travail communs?

À notre avis, les discussions sur ces enjeux ne devraient pas prendre fin avec ce rapport. Dans notre conclusion, nous recommandons la création d’un forum ontarien sur les milieux de travail dans lequel les dirigeants de la communauté des employeurs, des syndicats et des défenseurs des employés, de même que le gouvernement, pourraient discuter des enjeux importants et des possibilités concernant les milieux de travail. Nous recommandons que cette question de la négociation sectorielle et de sa réglementation soit une question permanente dans le cadre de ces discussions.


Notes en bas de page

  • note de bas de page[443] Retour au paragraphe Statistique Canada, Enquête sur la population active.
  • note de bas de page[444] Retour au paragraphe Cette perspective est soutenue par une documentation limitée sur le sujet : voir Sara Slinn, « Collective Bargaining » (Toronto, ministère du Travail de l’Ontario, 2015), préparé pour le ministère du Travail de l’Ontario en vue de soutenir l’Examen portant sur l’évolution des milieux de travail, p. 52 et 53. Cette opinion est aussi soutenue dans la documentation où Sara Slinn a signalé que la meilleure façon d’interpréter la raison pour laquelle les plaintes pour pratique de travail injuste sous le régime du projet de loi 7 ont failli n’est pas liée à un déclin de la résistance des employeurs à la syndicalisation, mais parce que les syndicats ont déposé moins de plaintes étant donné la plus grande portée de l’activité d’évitement des employés et des mesures plus limitées. Sara Slinn, p. 15, notamment une référence à l’ouvrage de Timothy J. Bartkiw intitulé « Manufacturing Descent? Labour Law and Union Organizing in the Province of Ontario » Canadian Public Policy, 34.1 (2008), p. 111 à 131.
  • note de bas de page[445] Retour au paragraphe « Ces études ont permis de constater qu’un modèle d’accréditation par vote obligatoire est toujours associé statistiquement parlant à une baisse de l’activité liée aux demandes d’accréditation, notamment en ce qui concerne le taux de succès. » Slinn (2015), op. cit., p. 11 et 12.
  • note de bas de page[446] Retour au paragraphe Slinn (2015), op. cit., p. 13, citant Karen Bentham, « Employer Resistance to Union Certification » Relations industrielles/Industrial Relations, 57.1 (2002), p. 159 à 187; Terry Thomason et Silvana Pozzebon, « Managerial Opposition to Union Certification in Quebec and Ontario » Relations industrielles/Industrial Relations, 53.4 (1998), p. 750 à 771; Chris Riddell, « Union Suppression and Certification Success » Canadian Journal of Economics, 34 (2001), p. 396 à 410.
  • note de bas de page[447] Retour au paragraphe Sara Slinn, « An Empirical Analysis of the Effects of the Change from Card-Check to Mandatory Vote Certification » Canadian Labour & Employment Law Journal, 11 (2004), p. 259 à 302, à la p. 271.
  • note de bas de page[448] Retour au paragraphe Calculé selon le rapport annuel de la CRTO, tableau 4, Dossiers d’accréditation et révocation des droits de négociation.
  • note de bas de page[449] Retour au paragraphe Chris Riddell, « Union Certification Success under Voting Versus Card-Check Procedures : Evidence from British Columbia, 1978-1998 » Industrial and Labor Relations Review, 57  (2004), p. 493 à 517; Sara Slinn (2004), op. cit., p. 259 à 302.
  • note de bas de page[450] Retour au paragraphe Felice Martinello, « Correlates of certification application success in British Columbia, Saskatchewan and Manitoba » Relations Industrielles/Industrial Relations (1996), p. 544 à 562; Susan Johnson, (2002), « Card check or mandatory representation vote? How the type of union recognition procedure affects union certification success » The Economic Journal, 112(479), p. 344 à 361.
  • note de bas de page[451] Retour au paragraphe Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général), (2015) 1 CSC 3, paragr. 81.
  • note de bas de page[452] Retour au paragraphe Association de la police montée de l’Ontario, op. cit., paragr. 88.
  • note de bas de page[453] Retour au paragraphe Article 72 de la LRT.
  • note de bas de page[454] Retour au paragraphe Article 70  de la LRT.
  • note de bas de page[455] Retour au paragraphe [1982] OLRB Rep. Août 1162.
  • note de bas de page[457] Retour au paragraphe Ibid.
  • note de bas de page[458] Retour au paragraphe Les conseillers spéciaux étaient Vince L. Ready, neutre, et les avocats syndical et patronal John Baigent et Thomas A. Roper, c.r.
  • note de bas de page[459] Retour au paragraphe « Recommendations for Labour Law Reform » V. Ready, J. Baigent et T. Roper, Victoria, imprimeur de la Reine pour la Colombie-Britannique, septembre 1992, p. 26.
  • note de bas de page[460] Retour au paragraphe À moins que le syndicat ne perde son droit à l’arbitrage en négociant de façon abusive, comme nous allons en parler plus loin.
  • note de bas de page[461] Retour au paragraphe L’accréditation fondée sur les cartes d’adhésion dans le système fédéral est essentiellement un modèle de procédure administratif. Dans le cadre de ces procédures, le processus d’accréditation n’est pas traité comme une compétition. Plutôt, l’accréditation fonctionne comme s’il s’agissait d’autoriser le syndicat à agir comme unique agent négociateur d’une unité. Les partisans de cette conception avancent que cela reflète avec justesse le fait que l’accréditation n’est rien de plus que le premier pas vers la négociation. Ce système se concentre sur une procédure administrative efficace, qui « sans grand tapage, amène les parties à la table de négociation aussi rapidement que possible. » Paul Weiler, 1983, « Promises to Keep : Securing Workers’ Rights to Self-Organization under the NLRA, » Harv. L. Rev. 96 (8), 1769-1827. Bref, il traite la demande d’accréditation et la décision à son sujet comme une décision administrative à prendre par un tribunal du travail. Le processus d’accréditation n’est pas traité comme un concours de popularité entre le syndicat et l’employeur auprès des employés. Weiler, op cit., p. 1809. Reflétant cette approche administrative, un système fondé sur les cartes d’adhésion peut restreindre le rôle légitime que l’employeur peut jouer dans la procédure d’accréditation, notamment en contestant certains aspects, tels que l’étendue de l’unité de négociation, l’admissibilité à voter et la validité des cartes d’adhésion, et ne reconnaît pas explicitement une période de campagne, comme dans le modèle d’accréditation de l’industrie de la construction.
  • note de bas de page[462] Retour au paragraphe Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, (2015) CSC 4.
  • note de bas de page[463] Retour au paragraphe Slinn (2015), op. cit., p. 46 et 47.
  • note de bas de page[464] Retour au paragraphe Yarrow Lodge Ltd. et al. c. HEU et al. (1993) BC LRB N° B444/93.
  • note de bas de page[465] Retour au paragraphe Yarrow Lodge Ltd., ibid.
  • note de bas de page[466] Retour au paragraphe Conformément aux nouvelles règles proposées ou à l’arbitrage de première convention sous les règles existantes.
  • note de bas de page[467] Retour au paragraphe Association de la police montée de l’Ontario, op. cit.; Saskatchewan Federation of Labour, op. cit.
  • note de bas de page[468] Retour au paragraphe L’article 15 du règlement concernant l’exercice du droit d’association en vertu du Code du travail prévoit qu'« aux fins du scrutin, l’employeur doit préparer la liste des salariés selon l’unité de négociation convenue entre les parties ou, le cas échéant, selon la décision du Tribunal. Cette liste doit contenir les nom, prénom et adresse de ces salariés. »
  • note de bas de page[469] Retour au paragraphe NLRB, Representation Case Rules, en vigueur depuis le 14 avril 2015.
  • note de bas de page[470] Retour au paragraphe Voir par exemple, St Thomas Elgin General Hospital c. SEFPO Local 152, (2013) CanLII 76996 (ON LRB) et The Rehabilitation Institute of Toronto c. Canadian Union of Public Employees, Local 1156, (2000) CanLII 12710 (ON LRB).
  • note de bas de page[471] Retour au paragraphe Voir Slinn (2015), op. cit., p.18 et 19.
  • note de bas de page[472] Retour au paragraphe Working Enterprises Consulting & Benefits Services Ltd. c. United Food and Commercial Workers International Union, Local 1518, (2016) CanlII 29625 (BC LRB).
  • note de bas de page[473] Retour au paragraphe Voir Slinn (2015), op. cit., p. 19 à 21.
  • note de bas de page[474] Retour au paragraphe Dans son rapport, Sara Slinn indique que le vote par voie électronique, téléphone et Internet obtient un appui important dans la littérature, et que l’expérience des différents organismes qui y ont recours est encourageante. Slinn (2015), op. cit., p. 20.
  • note de bas de page[475] Retour au paragraphe The Hospital for Sick Children, [1985] OLRB Rep. février 266,cité dans The Mississauga Hospital, [1991] OLRB Rep. décembre 1380
  • note de bas de page[476] Retour au paragraphe Woodward Stores (Vancouver) Limited, BC LRB No. 129/74.
  • note de bas de page[477] Retour au paragraphe Island Medical Laboratories Ltd., BC LRB No. B308/93  (renvoyé pour réexamen au IRC No C217/92 et au BC LRB No. B49/93), 19 C.L.R.B.R. (2d) 161.
  • note de bas de page[478] Retour au paragraphe Woodward, op cit.
  • note de bas de page[479] Retour au paragraphe International Brotherhood of Electrical Workers c. Casino Rama Services Inc., (2009) CanLII 3266 (ON LRB).
  • note de bas de page[480] Retour au paragraphe Voir une affaire récente : North of Superior Healthcare Group c. Service Employees’ Union Local 1 Canada, (2016) CanLII 55190 (ON LRB).
  • note de bas de page[481] Retour au paragraphe Slinn (2015), op cit., p. 31 et 32.
  • note de bas de page[482] Retour au paragraphe Association de la police montée de l’Ontario, op. cit., paragr. 71.
  • note de bas de page[483] Retour au paragraphe Ontario (Procureur général) c. Fraser, 2011 CSC 20, paragr. 32.
  • note de bas de page[484] Retour au paragraphe Voir Slinn (2015) op cit., p. 30 et 32.
  • note de bas de page[485] Retour au paragraphe Sous-comité des conseillers spéciaux (septembre 1992), « Recommendations for Labour Law Reform, A Report to the Honourable Moe Sihota, Minister of Labour. » Le représentant de la partie patronale dans ce sous-comité a exprimé sa dissidence quant à cette recommandation (son point de vue est exposé à l’annexe 3 du rapport).
  • note de bas de page[486] Retour au paragraphe Andrew Sims, Rodrigue Blouin et Paula Knopf (1996), Vers l’équilibre : révision de la partie I du Code canadien du travail, Hull, ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, p. 97 et 98.
  • note de bas de page[487] Retour au paragraphe Examen portant sur l’évolution des milieux de travail – Rapport intérimaire (Toronto, ministère du travail de l’Ontario, 2016), section 4.6.1, p. 114.
  • note de bas de page[488] Retour au paragraphe Ibid., section 4.6.1, p. 124.
  • note de bas de page[489] Retour au paragraphe Ibid., section 4.6.1, p. 124 et 125.
  • note de bas de page[490] Retour au paragraphe Ibid., section 4.6.1, option 2, p. 123. Unifor, dans sa présentation pour l’Examen portant sur l’évolution des milieux de travail, a proposé un modèle détaillé d’application des normes d’emploi et des négociations collectives au niveau sectoriel. Ce modèle proposait, entre autres choses, que soit conféré à la CRTO le pouvoir de définir des secteurs et de prescrire, pour ces secteurs, une ou plusieurs conditions d’emploi qui s’appliqueraient aux employeurs et aux employés des secteurs en question. Consulter Unifor, « Building Balance, Fairness, and Opportunity in Ontario’s Labour Market, » septembre 2015, partie VI.
  • note de bas de page[491] Retour au paragraphe Slinn (2015), op. cit., p. 69 à 74.
  • note de bas de page[492] Retour au paragraphe Voir le chapitre 6.
  • note de bas de page[493] Retour au paragraphe Recommendations for Labour Law Reform (1992), op. cit., p. 30 à 33. Tom Roper, c.r., avocat spécialisé dans le droit de la gestion et du travail, a exprimé une forte dissidence : ibid., annexe 3.
  • note de bas de page[494] Retour au paragraphe Par exemple, le site Web de MacDonald’s Canada indique que « près de 80 % des restaurants McDonald’s du Canada sont détenus et gérés par des entrepreneurs indépendants locaux dans les collectivités d’un océan à l’autre. »
  • note de bas de page[495] Retour au paragraphe Ministère des Finances de l’Ontario, d’après l’Enquête sur la population active de Statistique Canada.
  • note de bas de page[496] Retour au paragraphe Ibid.
  • note de bas de page[497] Retour au paragraphe Loi sur le statut professionnel des artistes des arts visuels, des métiers d’art et de la littérature et sur leurs contrats avec les diffuseurs.
  • note de bas de page[498] Retour au paragraphe Très tard dans le processus, nous avons reçu une ébauche de loi de la part d’un groupe, mais nous n’avons pas eu l’occasion d’en discuter et encore moins de tenir des consultations à propos de son contenu.
  • note de bas de page[499] Retour au paragraphe Le secteur de la création de l’Ontario : une croissance plus rapide que le reste de l’économie, ministère du Tourisme, de la Culture et du Sport de l’Ontario, 2 novembre 2015.
  • note de bas de page[500] Retour au paragraphe Articles 41, 43 et 44 du Labour Relations Code de la Colombie-Britannique.
  • note de bas de page[501] Retour au paragraphe Recommendations for Labour Law Reform (1992), op. cit., p. 30.