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Chapitre 4 : Travailleurs vulnérables occupant un emploi précaire
Définitions et terminologie
Pour remplir notre mandat, nous devons comprendre ce que signifie l’expression « travailleurs vulnérables » et déterminer les employés qui subissent les effets d’une précarité dans leur emploi. Encore une fois, notre compréhension est fondée sur nos propres lectures et sur un certain nombre de documents scientifiques préparés à notre intention. Nous pensons tout particulièrement à deux rapports circonstanciels préparés pour l’examen réalisé par le professeur Gunderson, desquels nous avons emprunté beaucoup de passages. Par contre, les points de vue exprimés sont les nôtres.
Emploi précaire
Dans le cas présent, le concept d’emploi précaire a un sens large et englobe le « travail contre rémunération caractérisé par l’incertitude, la faiblesse du revenu ainsi que des avantages sociaux et des droits accordés par la loi qui sont limités
Par conséquent, bien que notre définition d’emploi précaire comprend le travail qui comporte un élément d’incertitude quant à sa continuité, nous ne l’interprétons pas comme étant un synonyme d’« emploi atypique » ou d’« emploi non conventionnel ». À la place, le concept d’emploi précaire va au-delà de la distinction entre un travail conventionnel et un autre atypique, de sorte que les formes d’emplois à temps plein ou à temps partiel, permanents ou temporaires peuvent être caractérisées par la précarité. Autrement dit, cette définition reconnaît que certains emplois « atypiques » sont bien rémunérés, stables et non précaires, tandis que certains emplois « conventionnels » ou permanents à temps plein sont mal rémunérés et précaires; par exemple, ces emplois peuvent comporter un élément d’insécurité parce qu’ils ne sont pas assortis d’indemnités médicales ou d’un régime de retraite. Enfin, sans associer le concept d’emplois atypiques à celui d’emplois précaires, notre cadre de référence y décèle une corrélation – c’est-à-dire que l’augmentation des emplois atypiques a placé de nombreux travailleurs dans des situations précaires.
Travailleurs vulnérables
L’expression « travailleurs vulnérables » décrit des personnes, et non des types de travail ou d’emploi. On l’utilise dans divers contextes pour désigner des groupes sociaux définis par leur « situation sociale » c’est-à-dire, par leur ethnicité, leur race, leur sexe, leurs aptitudes, leur statut d’immigrant. Dans d’autres contextes, toutefois, l’expression « travailleurs vulnérables » désigne des groupes de travailleurs davantage exposés à certains risques que d’autres groupes, peu importe leur situation sociale. Dans ce dernier contexte, le terme « vulnérable » décrit toutes les personnes (peu importe le groupe social auquel elles appartiennent) dont les conditions d’emploi permettent difficilement d'obtenir une rémunération convenable, ou leur font courir des risques physiques, notamment tous les aspects indésirables de la vie qui vont main dans la main avec l’insécurité, la pauvreté et un faible revenu. Nous croyons que notre cadre de référence, en précisant que l’objectif du présent examen est de promouvoir la sécurité et les possibilités pour les travailleurs vulnérables, nous dicte de tenir compte de la situation de tous les travailleurs vulnérables correspondant à cette dernière définition. En effet, nous pensons que le terme « vulnérable » y est utilisé de façon à inclure les travailleurs qui sont, par exemple, faiblement rémunérés, à temps plein, sans avantages sociaux et dont la situation vulnérable n’est pas du tout liée à leur condition sociale. Nous pensons que le terme englobe les travailleurs nés au Canada, de sexe masculin, à temps plein, non ethniques, non racialisés et non handicapés, mais dont le salaire est faible.
Définition du groupe
Sur le plan conceptuel, nous comprenons que notre mandat exige que nous tenions compte de tous les travailleurs de l’Ontario dont l’emploi :
- permet difficilement d’obtenir une rémunération convenable;
- nuit à leur possibilité de bénéficier de conditions de travail convenables;
- leur fait courir des risques physiques.
D’ailleurs, nous ne pensons pas qu’il serait logique, en matière de politique publique, que notre enquête se limite uniquement aux emplois atypiques, sans nous demander si l’évolution des milieux de travail a touché les employés vulnérables occupant des emplois jugés conventionnels, et dans quelle mesure elle l’a fait.
Quantification des travailleurs vulnérables occupant des emplois précaires
Afin de tracer le portrait des travailleurs vulnérables qui occupent un emploi précaire, nous avons analysé les données provenant de l’Enquête canadienne sur le revenu pour l’Ontario de 2014
Conformément à notre définition conceptuelle, nous avons examiné les employés qui :
- travaillent à temps plein pour de faibles salaires, avec très peu ou pas du tout d’avantages sociaux (par exemple, aucun régime de retraite); ou
- travaillent pour de faibles salaires, avec très peu ou pas du tout d’avantages sociaux (par exemple, aucun régime de retraite) et qui :
- travaillent à temps partiel contre leur gré parce qu’ils veulent plus d’heures – soit environ 30 % de tous les employés à temps partiel
footnote 44 (une situation désignée dans la littérature comme étant un travail à temps partiel occupé contre son gré); - travaillent à temps partiel sur une base volontaire, c’est-à-dire qu’ils ne veulent ou ne peuvent pas travailler un plus grand nombre d’heures;
- travaillent pour des agences d’emploi temporaire ou directement pour des employeurs, mais de façon temporaire;
- ont un travail de durée limitée ou à contrat;
- sont des travailleurs saisonniers ou des travailleurs occasionnels;
- sont des travailleurs indépendants « solos » sans employés;
- occupent plusieurs emplois alors que leur travail principal paie moins que le taux horaire médian.
- travaillent à temps partiel contre leur gré parce qu’ils veulent plus d’heures – soit environ 30 % de tous les employés à temps partiel
Le fait de travailler pour un faible salaire est habituellement lié à ces calculs. Nous mentionnons ci-dessous des limites selon lesquelles une personne peut être considérée comme gagnant un faible salaire. Nous en avons utilisé deux qui se retrouvent souvent dans la littérature.
La première, la mesure de faible revenu (MFR), représente la moitié du revenu moyen (la moyenne étant le nombre qui divise la population pertinente en deux de façon à ce qu’une moitié se trouve sous la moyenne et l’autre, au-dessus). C’est une mesure de faible revenu commune et facile à comprendre, utilisée à l’échelle mondiale. Nous utilisons la mesure fondée sur le revenu d’emploi avant impôt pour une personne célibataire étant donné que nous nous intéressons à ce que le marché du travail rapporte à une personne, sans tenir compte de sa situation familiale, et avant que l’impôt et les transferts modifient sa situation. Le revenu d’emploi avant impôt d’une personne permet d’évaluer la vulnérabilité du marché du travail et peut être touché par la réglementation sur les normes d’emploi et les relations de travail, qui sont les politiques examinées ici. En Ontario, en 2014, la MFR était de 25 038 $ pour une personne célibataire, avant impôts et transferts (sans compter les travailleurs autonomes avec employés et ceux ayant contribué à un régime de retraite privé).
La deuxième mesure de faible revenu que nous avons utilisée est le pourcentage des employés qui se situent sous 150 % du salaire minimum général en Ontario. Il s’agit d’une autre mesure communément utilisée et souvent liée au concept de « salaire-subsistance ». Selon le salaire minimum de l’Ontario de 11 $ l’heure en 2014 (l’année de nos données de MFR), nous obtenons une limite de faible salaire de 16,50 $ l’heure (sans compter les travailleurs autonomes et ceux qui ont contribué à un régime de retraite privé).
En plus de l’ajout des critères exigeant que la personne se situe sous la limite de faible salaire, nous exigeons aussi que la personne n’ait pas contribué à un régime de retraite privé, ce qui signifie que nous excluons de telles personnes sur la base qu’il serait improbable qu’elles soient vulnérables si elles ont contribué à un régime de retraite. Cette base de données ne pouvait tenir compte des régimes d’avantages sociaux, comme une assurance-maladie. Enfin, nous avons exclu les travailleurs autonomes avec employés sur la base qu’ils sont des employeurs ou des entrepreneurs.
Les travailleurs autonomes, y compris ceux sans employés, sont exclus de la mesure relative au salaire minimum, étant donné qu’ils n’ont pas de salaire. Aussi, ceux qui occupent deux emplois ou plus sont exclus étant, donné qu’il est difficile de déterminer comment appliquer le salaire minimum. Évidemment, l’exclusion de ces groupes pourrait entraîner l’exclusion de certains travailleurs vulnérables. Il faut donc faire preuve de jugement, et certaines personnes, selon nos critères, pourraient faire partie des groupes examinés ici alors qu’elles ne sont pas vulnérables.
Selon les critères déterminés ci-dessus, notre MFR signifie que 2 097 000 travailleurs, ou 31,9 % des 6 571 000 travailleurs en Ontario gagnent un revenu d’emploi avant impôt qui se situe sous la moitié de la moyenne du revenu d’emploi avant impôt des personnes célibataires. De ces 31,9 %, environ la moitié (51,2 %) occupe un emploi type, et près de la moitié de ces personnes (26,9 %) occupe un emploi à temps plein permanent et l’autre moitié (24,2 %) occupe volontairement un emploi à temps partiel
Selon notre MFR, 1 665 000 travailleurs, ou 30,4 % des 5 481 000 travailleurs de l’Ontario qui n’étaient pas des travailleurs autonomes ou qui n’occupaient pas deux emplois ou plus, se situaient sous 150 % du salaire minimum de l’Ontario et n’avaient pas contribué à un régime de retraite privé. De ces 30,4 %, environ les trois quarts (75,8 %) occupent un emploi type (la plupart, un emploi à temps plein [48,7 %]), mais aussi un emploi à temps partiel sur une base volontaire (27,1 %). L’autre quart (24,7 %) occupe un emploi atypique (emplois temporaires [18,9 %] et emplois à temps partiel contre leur gré [5,9 %].
Nous estimons à environ 30 à 32 % le pourcentage de travailleurs en Ontario qui sont vulnérables selon ces critères. Le fait qu’un nombre important de travailleurs occupent des emplois types (par exemple, des emplois permanents, des emplois à temps partiel sur une base volontaire ou des emplois autonomes sans aide rémunérée) souligne le fait que la vulnérabilité ne touche pas seulement les emplois atypiques. Bon nombre de personnes qui occupent des emplois types gagnent un salaire très faible et ne bénéficient pas d’un régime privé. Bien évidemment, il existe d’autres concepts dans la littérature qui permettent de calculer le nombre de travailleurs vulnérables qui occupent des emplois précaires, et bon nombre de ces concepts produisent des résultats qui se rapprochent de ceux mentionnés ici. Quelle que soit la manière dont elle est définie, la vulnérabilité des emplois précaires s’applique à une importante portion de la population active et c'est un concept qui mérite l’attention des décideurs.
Nos chiffres s’apparentent de façon générale à la situation observée dans les pays industrialisés. L’OCDE a conclu qu’entre 1995 et 2013 dans les pays de l’OCDE, 60 % des emplois créés étaient atypiques
Quels groupes sociaux sont surreprésentés parmi les travailleurs vulnérables?
Dans une étude menée pour la Commission du droit de l’Ontario (CDO) sur la base de données de 2008, on a déterminé quels étaient les groupes sociaux plus susceptibles de se retrouver en situation d’emploi précaire en Ontario
Les populations qui sont surreprésentées dans les emplois précaires, en ordre décroissant, par rapport à la moyenne globale de 33,1 % selon la définition que donnent Noack et Vosko aux emplois précaires, sont les suivantes :
- les travailleurs ayant moins qu’un diplôme d’études secondaires (61,4 %);
- les chefs de famille monoparentale ayant des enfants de moins de 25 ans (51,7 %);
- les nouveaux immigrants (40,7 %);
- les femmes (39,1 %);
- les minorités visibles (34,4 %)
footnote 49 .
Emploi atypique
En tant que catégorie, l’emploi atypique ne prend pas en compte les aspects de la précarité ou de l’insécurité sur le marché du travail, comme le faible revenu, le contrôle sur le processus de travail et le faible degré de protection réglementaire. Cependant, il existe une corrélation évidente entre les deux, et l’emploi atypique comme catégorie d’emplois est souvent ce que l’on mesure et ce sur quoi on écrit quand les emplois précaires sont décrits et analysés. Il est donc utile d’examiner la nature et la taille de l’emploi atypique et de ses éléments constitutifs.
Les éléments constitutifs du travail atypique utilisés dans la littérature, souvent dans des combinaisons différentes, sont notamment : le travail temporaire (emploi à durée déterminée, à contrat, saisonnier, occasionnel, autre), le travail indépendant « solo » (c.-à-d. sans aide rémunérée), le travail à temps partiel ou le cumul d’activités. Parfois, les mesures de l’emploi atypique nécessitent un niveau plafond de faible salaire (par exemple, inclure seulement ceux qui gagnent moins que le salaire médian). À d’autres moments, elles comprennent les personnes à tous les niveaux de rémunération. Pour certains observateurs, la définition comprend à la fois ceux qui travaillent dans des emplois à temps partiel volontairement et ceux qui occupent ces emplois involontairement parce qu’ils veulent faire plus d’heures de travail ou avoir du travail à temps plein. D’autres commentateurs excluent les travailleurs volontaires à temps partiel et reconnaissent souvent que la distinction entre volontaire et involontaire est peu claire, notamment lorsque les personnes sont soumises à des pressions telles que les obligations familiales de garde d’enfants ou de soins à des aînés
Certains emplois atypiques sont bien payés, parfois pour compenser l’incertitude du travail. Certains travailleurs préfèrent recevoir un salaire en argent plus élevé plutôt que des avantages sociaux dont ils bénéficient déjà à titre d’enfants ou de conjoints d’autres travailleurs. Certains emplois atypiques constituent des étapes temporaires à traverser vers un emploi plus permanent.
En raison de ces distinctions et des différentes approches analytiques par rapport à la définition de l’emploi atypique, il est difficile de déterminer l’ampleur exacte du phénomène et de savoir comment il a évolué au fil du temps.
Dans la littérature, les aspects négatifs de l’emploi atypique sont bien documentés. Un tel emploi est généralement caractérisé par une faible rémunération et par des avantages sociaux minimes, peu ou pas de sécurité d’emploi, une formation limitée, peu de possibilités de développement de carrière et d’avancement, peu de contrôle sur le milieu de travail, l’incertitude relativement aux horaires de travail, et peu ou pas de protection syndicale. Cette catégorie peut inclure un grand nombre de personnes qui sont au chômage depuis peu soit, des femmes ainsi que des membres des groupes de minorités visibles, d’immigrants et de jeunes. En outre, certaines formes non conventionnelles d’emploi sûr présentent aussi un aspect négatif, comme c’est le cas, par exemple, d’un travail permanent à temps partiel qui est mal rémunéré. L’OCDE mentionne que « l’emploi atypique se retrouve davantage chez les personnes pauvres ou dans la tranche des 40 % inférieurs de la société en proie à des difficultés
Les emplois atypiques en Ontario représentent plus du quart de la population active de la province : 26,6 % en 2015
Les emplois atypiques ont augmenté avec le temps, passant de 23,1 % en 1997 à 26,6 % en 2015. De 1997 à 2015, ce type d’emplois a augmenté à un taux annuel moyen de 2,3 %, presque deux fois plus vite que l’emploi type (1,2 %).
L’emploi temporaire a augmenté à un taux annuel de 3,5 % de 1997 à 2015, à savoir plus rapidement que l’autre élément constitutif de l’emploi atypique.
Par rapport aux travailleurs qui occupent un emploi type, ceux qui ont un emploi atypique ont tendance à avoir des salaires plus bas, une moindre durée de service, des taux de pauvreté plus élevés, moins d’éducation et moins d’avantages en milieu de travail.
Les taux de pauvreté des travailleurs occupant un emploi atypique sont de deux à trois fois plus élevés que ceux des travailleurs qui ont un emploi type.
Le salaire horaire médian réel était, en 2015, d’environ 24 $ pour les travailleurs ayant un emploi type et de 15 $ pour ceux qui avaient un emploi atypique.
En 2011, la plupart des travailleurs occupant un emploi type avaient une assurance médicale (74,3 %), un régime de soins dentaires (75,7 %), une assurance vie ou invalidité (68,1 %) ou un régime de retraite (53,8 %). En comparaison, moins d’un quart des travailleurs qui occupaient un emploi atypique bénéficiaient d’avantages d’emploi tels que l’assurance médicale (23,0 %) ou de soins dentaires (22,8 %), alors que seulement 17,5 % avaient une assurance vie ou invalidité ou un régime de retraite d’employeur (16,6 %).
En 2015, la durée médiane d’un emploi atypique était de 32 mois, moins de la moitié de la durée d’un emploi type (79 mois). La durée médiane d’un emploi temporaire était de 13 mois en 2014.
Les secteurs ayant la plus forte incidence ou concentration de travailleurs dans des emplois atypiques, en ordre décroissant du pourcentage de l’emploi dans un emploi atypique (par rapport à l’incidence moyenne de 26,6 %) sont les suivants :
- arts, divertissement et loisirs (57,7 %);
- agriculture (48,9 %);
- services immobiliers et services de location et de location à bail (42,9 %);
- services commerciaux, de bâtiment et autres services de soutien (40 %);
- aide sociale (35,7 %);
- construction (33,8 %);
- services professionnels, scientifiques et techniques (32,9 %);
- autres services (32,6 %);
- services d’enseignement (31,3 %);
- services d’hébergement et de restauration (30,2 %);
- transport et entreposage (28,6 %);
- commerce de détail (26,9 %)
Pour 2015, la répartition ou la part des emplois atypiques par secteur et en ordre décroissant, est, Pour 2015, la :
- commerce de détail (11,1 %);
- services professionnels, scientifiques et techniques (10,4 %);
- construction (8,9 %);
- services d’enseignement (8,7 %);
- soins de santé (8,4 %);
- services d’hébergement et de restauration (7,3 %);
- services commerciaux, de bâtiment et autres services de soutien (7,2 %);
- transport et entreposage (5 %);
- arts, divertissement et loisirs (5 %)
footnote 53 .
Nous allons maintenant examiner en détail certains aspects spécifiques de l’emploi atypique et leurs caractéristiques en Ontario.
Travail à temps partiel
On ne voit plus depuis longtemps une semaine de travail type de cinq jours et un emploi permanent de 35 à 40 heures, choses courantes autrefois. En effet, depuis de nombreuses années, on s’attend à ce que les entreprises restent ouvertes plus longtemps et, parfois jour et nuit, afin de répondre à la demande de biens et de services. Les employeurs ont besoin de travailleurs à temps partiel pour doter les entreprises qui connaissent des pics et des moments creux dans la demande de biens et services. Un emploi à temps partiel est souvent désiré par ceux qui ont besoin de trouver un équilibre entre le travail et les obligations familiales, qui sont aux études, qui sont plus âgés, mais veulent demeurer actifs, ou qui n’ont pas épargné suffisamment pour vivre confortablement à la retraite.
Entre 1976 et 2015, la proportion totale d’emplois à temps partiel est passée de 13,5 % à près de 20 % (19 %). La quasi-totalité de cette augmentation a eu lieu dans la première période, entre 1976 et 1993
Il y a maintenant beaucoup plus de femmes sur le marché du travail, et les questions d’équilibre travail-vie revêtent une grande importance, en particulier pour les travailleuses qui ont des enfants et des obligations familiales. Bien que cela affecte beaucoup d’hommes aussi, les femmes représentent les deux tiers de la main-d’œuvre à temps partiel et sont donc touchées de manière disproportionnée par les effets négatifs des problèmes associés au travail à temps partiel et à l’organisation de l’emploi du temps
Cette différence de salaire ne tient pas compte du fait que les prestations de santé et autres avantages (qui sont pour la plupart une forme de rémunération non imposable) ne sont pas toujours offerts aux employés à temps partiel, même s’ils le sont aux employés à plein temps du même établissement.
L’inégalité notable des taux de rémunération entre les travailleurs à temps plein et à temps partiel, en particulier quand ils font un travail semblable dans le même établissement, ainsi que le manque d’avantages sociaux offerts aux employés à temps partiel, ont également suscité des enjeux de politique que nous avons examinés au chapitre 7.
De nos jours, le besoin des employeurs de recruter des travailleurs à temps partiel pour faire face aux fluctuations de la demande va de pair avec la préférence de beaucoup pour ce type de travail. Cependant, le besoin ressenti par les employés de planifier le travail en fonction des fluctuations de la demande est souvent en conflit avec le besoin qu’ont les employés d’avoir de la prévisibilité dans leur vie professionnelle. Il existe une tension entre le besoin de souplesse de l’employeur et le besoin de prévisibilité des employés, y compris ceux qui doivent travailler sur appel ou dont les horaires de travail sont susceptibles de changer à la dernière minute. Nous avons aussi examiné au chapitre 7 ces questions et la nécessité pour les employés de pouvoir passer sans difficulté d’un statut à un autre.
Travail temporaire, occasionnel et saisonnier
La part de l’emploi temporaire en Ontario en 2015 était de 10,8 %, soit plus du double de ce qu’elle était (un peu moins de 5 %) en 1989
Des questions ont été soulevées au sujet de l’insécurité des contrats à durée limitée. Il arrive que le renouvellement ne pose pas de problème parce que les contrats sont vraiment pour une courte durée, comme dans le cas d’un seul et unique projet. Souvent, ils sont renouvelés (parfois automatiquement ou régulièrement) depuis de nombreuses années de sorte qu’ils semblent presque permanents. Néanmoins, dans de nombreux cas, l’incertitude et l’inquiétude règnent quant au renouvellement, et dans certaines professions et disciplines, l’emploi permanent avec les salaires, les avantages et la sécurité qu’il comporte semble une chose lointaine et inaccessible. Nous nous sommes penchés sur cette question au chapitre 7.
Au cours des vingt dernières années ou plus en Ontario, les organismes d’emploi temporaire qui fournissent des services de dotation en personnel et des « travailleurs d’affectation » aux clients sont devenus omniprésents, donnant lieu à une foule de préoccupations, parmi lesquels le phénomène des « permanents-temporaires », et parfois même des situations où l’ensemble du personnel d’une entreprise est composé de travailleurs d’affectation « temporaires
Il y a toujours eu une partie de la population active qui fournit ses services de façon occasionnelle, et des questions de rémunération et de planification se posent pour ce groupe comme pour les employés à temps partiel. En outre, une partie de la main-d’œuvre travaille depuis toujours de manière saisonnière dans certaines industries telles que la construction et l’agriculture, où le travail est souvent précaire, et les travailleurs, vulnérables.
Enfin, certains travailleurs occupent des emplois multiples, souvent parce que leur emploi principal ne les paie pas assez. Le nombre de titulaires d’emplois multiples représente environ 5,3 % de la population active en 2014, contre 2,2 % en 1976. Trois personnes sur cinq qui occupent plusieurs emplois (62 %) déclarent des revenus inférieurs au salaire horaire médian. Les femmes sont plus susceptibles que les hommes d’occuper plusieurs emplois (59,3 %) et d’avoir des emplois avec de multiples caractéristiques non conventionnelles (58,4 %)
Travail indépendant
Il existe deux catégories de travailleurs indépendants : ceux qui ont des employés, et ceux qui n’en ont pas. Dans son ensemble, la catégorie est passée de 10,5 % en 1976 à 16,1 % en 1997, et elle reste à peu près constante à 15,7 % en 2015. Le plus gros de la croissance s’est produit dans la catégorie des travailleurs indépendants sans employés, groupe qui est passé de 6 % de la population active en 1976 à 10,6 % en 1997 et 10,9 % en 2015. La catégorie des travailleurs indépendants avec employés est demeurée relativement constante pendant toute la période, avec une légère augmentation de 4,4 % en 1976 à 5,5 % en 1997, puis un léger recul à 4,8 % en 2015
Le travail indépendant « solo » est classé comme un emploi atypique, mais la catégorie des travailleurs indépendants avec employés est considérée comme relevant d’un emploi type. Une partie de cette croissance est véritablement le résultat d’activités entrepreneuriales de la part de personnes qui démarrent de petites entreprises et emploient d’autres personnes, et beaucoup, celles de consultants solos et de pigistes. De nombreux travailleurs font désormais du travail à domicile ou du télétravail ou sont considérés par ceux à qui ils fournissent des services comme des entrepreneurs indépendants; par conséquent, ils n’ont pas accès aux régimes d’avantages sociaux ou aux prestations légales comme les congés de maternité ou de paternité.
Une partie de la croissance du travail indépendant est attribuable à la croissance dans le travail par projets, ou à l’augmentation de l’expertise technologique par des personnes qui peuvent fournir leurs services spécialisés à de nombreuses entreprises. Une partie de la croissance est le résultat du fait que de nombreux employeurs ne veulent pas prendre des engagements permanents envers les employés. Une partie de la croissance est le résultat d’une conjoncture économique cyclique difficile et représente pour beaucoup de travailleurs indépendants un deuxième mauvais choix reflétant l’absence de bonnes possibilités d’emploi. Une partie de la croissance représente également une évolution naturelle des pratiques dans certaines industries où les personnes peuvent désormais travailler en ligne à la maison et faire de la pige. Bon nombre de personnes pensent que ce type de travail « indépendant » continuera de prendre de l’ampleur étant donné l’économie des « emplois temporaires » et les nouvelles plateformes de collaboration qui prennent aussi de l’ampleur
En revanche, une partie de la croissance du travail indépendant est le résultat d’une classification erronée délibérée par les entreprises qui ne souhaitent pas engager de responsabilité envers les employés, mais souhaitent abandonner toute obligation de retenues et de cotisations obligatoires aux régimes publics de retraite, d’assurance-emploi et d’indemnisation des travailleurs, tout en abandonnant l’obligation de se conformer aux normes d’emploi en offrant des congés de maternité et de paternité, par exemple. En outre, la croissance est en partie attribuable au réel objectif des fournisseurs de services d’obtenir des avantages fiscaux qui pourraient ne pas être accessibles s’ils étaient considérés comme des employés, alors que la dépendance inhérente à la relation fait qu’ils sont beaucoup plus assimilables à des employés qu’à des personnes en affaires. Une partie de cette croissance est très controversée, compte tenu des changements qui s’opèrent dans la pratique du secteur (comme le fait que des chauffeurs de taxi salariés deviennent des fournisseurs prétendument indépendants qui offrent leurs services à Uber).
Durée de l’emploi dans les nouveaux milieux de travail
La durée attendue de l’emploi auprès d’un seul et même employeur peut être élevée pour les travailleurs plus âgés déjà en poste, mais bon nombre de nouveaux arrivants sur le marché du travail ne peuvent pas s’attendre à bénéficier d’un emploi à vie ou au degré de stabilité auprès d’un lieu de travail, souvent syndiqué, dont ont joui les générations précédentes. Les travailleurs plus jeunes peuvent s’attendre à commencer par des contrats à durée déterminée, des stages (parfois impayés) ou un travail indépendant, et à traverser des changements de carrière auprès de différents employeurs.
Notes en bas de page
- note de bas de page[42] Retour au paragraphe »Leah Vosko, Managing the Margins: Gender, Citizenship and the International Regulation of Precarious Employment (New York: Oxford University Press, 2010), p. 2.
- note de bas de page[43] Retour au paragraphe Ces données proviennent de Statistique Canada, Enquête canadienne sur le revenu 2014. Elles ont été analysées par notre directeur et certains chercheurs qui appuyaient notre examen et nous les avons interprétées.
- note de bas de page[44] Retour au paragraphe Ces calculs sont fondés sur des données de l’enquête sur la population active (voir le rapport intérimaire, p. 37)
- note de bas de page[45] Retour au paragraphe On dit qu’elles occupent un poste volontairement, c’est-à-dire qu’elles ne veulent ou ne peuvent pas travailler un plus grand nombre d’heures. Elles peuvent être dans cette situation parce qu’elles n’ont pas d’autres choix ou en raison de circonstances particulières (parent célibataire, étudiant, travailleur ayant un handicap) qui les empêchent d’occuper un poste à temps plein.
- note de bas de page[46] Retour au paragraphe OCDE (2015), Tous concernés : Pourquoi moins d'inégalité profite à tous, éditions OCDE, Paris, p. 29.
- note de bas de page[47] Retour au paragraphe Ibid.
- note de bas de page[48] Retour au paragraphe Andrea Noack et Leah Vosko, Precarious Jobs in Ontario: Mapping Dimensions of Labour Market Insecurity by Workers’ Social Location and Context (Toronto, Commission du droit de l’Ontario, 2011).
- note de bas de page[49] Retour au paragraphe Ibid., p. 28.
- note de bas de page[50] Retour au paragraphe La distinction entre le travail à temps partiel volontaire et involontaire et sa signification sont importantes dans certains contextes, parce que l’emploi à temps partiel involontaire est souvent considéré comme faisant partie du travail atypique, et l’emploi à temps partiel volontaire est souvent considéré comme faisant partie du travail type. En revanche, cette distinction ne nous concerne pas particulièrement, puisqu’elle est transcendée par notre approche conceptuelle relativement aux travailleurs vulnérables dans des emplois précaires.
- note de bas de page[51] Retour au paragraphe OCDE (2015), Tous concernés : Pourquoi moins d'inégalité profite à tous, éditions OCDE, Paris, p. 35.
- note de bas de page[52] Retour au paragraphe Sauf indication contraire, ce sont des calculs effectués par le ministère des Finances de l’Ontario sur la base des données de l’Enquête sur la population active de Statistique Canada.
- note de bas de page[53] Retour au paragraphe La répartition ou la part des emplois atypiques se rapporte à la façon dont ces emplois sont répartis entre les différents secteurs. Elle reflète à la fois l’incidence de l’emploi atypique et la taille du secteur. Le secteur des arts, du divertissement et des loisirs, p. ex., a la plus forte incidence d’emplois atypiques (57,7 %), mais parce que c’est un petit secteur, la part de l’emploi atypique est réduite (5 %).
- note de bas de page[54] Retour au paragraphe Ce sont des calculs effectués par le ministère des Finances de l’Ontario sur la base des données de l’Enquête sur la population active de Statistique Canada.
- note de bas de page[55] Retour au paragraphe Statistique Canada, tableau CANSIM 282-0008 – Enquête sur la population active (EPA), estimations selon le Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN), le sexe et le groupe d’âge (Ottawa, Statistique Canada, 2016). Ce sont des calculs effectués par le ministère du Travail de l’Ontario sur la base des données de l’Enquête sur la population active de Statistique Canada.
- note de bas de page[56] Retour au paragraphe Statistique Canada, tableau CANSIM 282-0152 – Enquête sur la population active (EPA), estimations du salaire des employés selon le genre de travail, la Classification nationale des professions (CNP), le sexe et le groupe d'âge (Ottawa, Statistique Canada, 2016).
- note de bas de page[57] Retour au paragraphe Statistique Canada, tableau CANSIM 282-0080 – Enquête sur la population active (EPA), estimations du nombre d'employés selon la permanence de l'emploi, le Système de classification des industries de l'Amérique du Nord (SCIAN), le sexe et le groupe d'âge (Ottawa, Statistique Canada, 2016). Ce sont des calculs effectués par le ministère du Travail de l’Ontario sur la base des données de l’Enquête sur la population active de Statistique Canada. Des calculs supplémentaires ont été réalisés par le ministère des Finances de l’Ontario sur la base de données de l’Enquête sociale générale de 1989.
- note de bas de page[58] Retour au paragraphe Statistique Canada, tableau CANSIM 282-0080 – Enquête sur la population active (EPA), estimations du nombre d'employés selon la permanence de l'emploi, le Système de classification des industries de l'Amérique du Nord (SCIAN), le sexe et le groupe d'âge (Ottawa, Statistique Canada, 2016).
- note de bas de page[59] Retour au paragraphe Les données disponibles ne permettent pas de séparer les travailleurs d’affectation temporaires d’agences des travailleurs temporaires, occasionnels et saisonniers en général.
- note de bas de page[60] Retour au paragraphe Ce sont des calculs effectués par le ministère des Finances de l’Ontario sur la base des données de l’Enquête sur la population active de Statistique Canada pour 2014.
- note de bas de page[61] Retour au paragraphe Statistique Canada, tableau CANSIM 282-0012 – Enquête sur la population active (EPA), estimations de l’emploi selon la catégorie de travailleur, le Système de classification des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN) et le sexe (Ottawa, Statistique Canada, 2016). Ce sont des calculs effectués par le ministère du Travail de l’Ontario sur la base de l’Enquête sur la population active de Statistique Canada. La catégorie des travailleurs indépendants sans employés comprend les travailleurs familiaux non rémunérés.
- note de bas de page[62] Retour au paragraphe Un sondage de la société McKinsey & Company a conclu que de 20 à 30 % de la population active en Europe et aux États-Unis s’adonne à une certaine forme de travail autonome. Mckinsey & Company, Independent Work: Choice, Necessity, and the Gig Economy; Le Canada et le changement de la nature du travail, mai 2016; Sunil Johal, Jordann Thirgood, Working Without A Net, Mowat Centre, novembre 2016.