Forum provincial pour favoriser les discussions entre les employeurs, les syndicats, les employés et le gouvernement

Lors de nos consultations avec les divers intervenants concernés par ce processus, il nous est apparu évident que si les représentants des intervenants sont en mesure de faire part de leurs commentaires au gouvernement, ils ont en revanche très peu l’occasion de s’asseoir ensemble et le font principalement quand leurs intérêts concordentfootnote 549. Cette absence d’interaction et de dialogue entre les intervenants clés à propos de la réforme des lois du travail et de l’emploi concernant d’importants changements dans les milieux de travail et l’économie nuit au développement d’une politique publique efficace et équilibrée. Alors qu’un débat ouvert n’aboutira probablement pas à un consensus sur tous les points litigieux, il peut permettre de mieux comprendre les intérêts et perspectives en jeu et, à l’occasion, ces intérêts pourraient converger sur certaines questions. Toutes les parties veulent une économie forte et des conditions de travail convenables pour les employés.

Si un forum servant à discuter des enjeux du travail existait, les sujets de discussion seraient nombreux et nous pourrions en tirer de nombreux renseignements. En cette époque d’incertitude où bon nombre de citoyens ont vu la nature de leur travail changer, la liste des enjeux est longue : changements aux lois et règlements liés au travail, application des lois du milieu de travail, éducation et formation des employés et des employeurs, développement d’une base de données de recherche sur les enjeux liés au travail et à l'emploi, effets des modifications aux accords de libre-échange sur l’Ontario et bien plus. Selon nous, il y a beaucoup à gagner en créant un forum de discussion au sein duquel les intervenants aux intérêts concurrents pourraient échanger sur les façons de faire de l’Ontario un endroit où « les objectifs de croissance économique et de progrès en matière de droits des employés » peuvent se réaliser.

Plusieurs tentatives de lancer des discussions tripartites entre les dirigeants, la main-d'œuvre et le gouvernement ont eu lieu dans le passé en Ontario. La plupart n’ont pas duré longtemps, bien que de nombreux comités créés en vertu de l'article 21 de la Loi sur la santé et la sécurité au travail (LSST) fonctionnent très bienfootnote 550.

En raison des impératifs de la concurrence mondiale, de l’évolution rapide du travail et des milieux de travail ainsi que des changements potentiels imminents aux accords de libre-échange qui pourraient toucher l’Ontario, les raisons sont nombreuses d’asseoir à une même table le gouvernement et les représentants de niveau supérieur du milieu des affaires, de la main-d’œuvre et des employés, pour qu’ils discutent de ces enjeux et d’autres questions afin de mieux saisir ce qui arrive actuellement et de tenter de trouver un consensus sur des solutions possibles.

Plus clairement, nous ne recommandons pas que ce nouveau forum participe au processus décisionnel du gouvernement découlant de notre rapport. Nous avons tenté d’écouter les points de vue et de bien comprendre les intérêts des intervenants afin de formuler nos recommandations, et nous espérons que le gouvernement décidera des mesures à prendre en fonction de notre rapport. Une fois les décisions prises, l’évaluation des changements mis en œuvre par le gouvernement pourrait facilement faire l’objet de discussions dans un tel forum.

Ainsi, nous recommandons la création d’un forum ontarien sur les milieux de travail dirigé par un président indépendant qui en animera les débats. Des représentants de niveau supérieur du milieu des affaires, de la main-d'œuvre et des employés ainsi que des représentants du gouvernement de niveau sous-ministériel devraient y participer. Le comité devrait se réunir aussi souvent qu’il le faut, et au minimum une fois par trimestre. Il devrait compter sur une quantité modeste de personnel et de ressources pour soutenir son travail, et ce soutien pourrait être réévalué et renforcé si le processus s’avère utile. 

Institutionnalisation du processus de notre examen

Il n’y a pas d’antécédents d’examen conjoint des deux lois en Ontario ou au Canada, mais quelques examens indépendants de l’une ou l’autre des lois ont eu lieu à la demande du gouvernement de l’Ontariofootnote 551.

Étant au courant des critiques concernant la politisation du processus de réforme des lois relatives aux relations de travail dans les années 1990footnote 552, nous nous sommes efforcés de mener des consultations complètes et ouvertes de manière indépendante et apolitique. Le processus de consultation a été très utile. En examinant conjointement les enjeux des deux lois, cela nous a permis de mieux comprendre les approches adoptées pour les mêmes enjeux dans les milieux syndiqués et non syndiqués; nous en avons conclu qu’il était nécessaire d’examiner les enjeux semblables en vertu des deux lois. Le processus a été long, car il y avait longtemps qu’un examen n’avait pas été fait; beaucoup d’éléments devaient être abordés et ces lois sont complexes. Nous nous sommes efforcés de placer en priorité les enjeux qui nécessitaient selon nous une attention immédiate et avons retardé l’examen des questions qui, bien qu’elles étaient tout aussi importantes, étaient moins pressantes.

Quels que soient les changements apportés en fonction de nos recommandations, ceux-ci devront être examinés après un certain temps afin d’évaluer leur efficacité dans un contexte de modification des accords internationaux, de changements effectués dans les autres territoires et d’évolutions pouvant toucher les milieux de travail et l’économie. Le processus de réforme doit être en mesure de réagir à ces changements et devrait avoir lieu raisonnablement sur une base régulière, peu importe le gouvernement au pouvoir.

Recommandations

  1. Nous recommandons que l’Ontario crée un forum ontarien sur les milieux de travail réunissant des hauts dirigeants des syndicats, du milieu des affaires et du gouvernement et des représentants des groupes de défense des employés qui sera animé par un président indépendant. Son comité pourrait se rencontrer au moins quatre fois par année et recevoir un financement raisonnable du gouvernement. Ce forum discuterait des répercussions des changements sur les milieux de travail et sur l’économie du point de vue des intervenants et tenterait d’arriver à un consensus sur les mesures adéquates qui pourraient être prises par le gouvernement et les intervenants. Le forum s’occuperait aussi de surveiller et d’aider à l’application des changements découlant du présent examen et de faire des recommandations à cet effet.
  2. Nous recommandons que l’Ontario s’engage de façon ferme à mener un examen indépendant de la Loi sur les droits au travail tous les cinq ou sept ans.

Notes en bas de page

  • note de bas de page[549] Retour au paragraphe Nous croyons que des échanges ont eu lieu entre les représentants des syndicats et des employés durant les consultations en ce qui a trait au présent Examen portant sur l’évolution des milieux de travail, mais aucun de ces échanges n’incluait les intervenants du milieu des affaires.
  • note de bas de page[550] Retour au paragraphe Le ministre a créé des comités en vertu de l’article 21 dans les secteurs suivants : construction, extraction minière, soins de santé, services d’incendie, police, cinéma et télévision, et services électriques et publics.
  • note de bas de page[551] Retour au paragraphe En Ontario, en 1993, un examen tripartite d’une série de sujets a été entrepris, le tout dirigé par le gouvernement et mené selon un échéancier très serré et sans consultations. Selon le président de l’examen, les conditions ont miné le processus de réforme : Kevin M. Burkett « The Politicization of the Ontario Labour Relations Framework in the Decade of the 1990’s ». Les modifications apportées en 1975 à la Loi sur les relations de travail (LRT) ont été perçues comme découlant d’un processus indépendant bien que le processus ait été dirigé par le ministère du Travail. (Voir Burkett, infra). En 2012, la Commission du droit de l'Ontario a produit un rapport indépendant, mais rédigé par elle-même, portant sur la LNE (Travailleurs vulnérables et travail précaire, Toronto, Commission du droit de l’Ontario, 2012), et dans les années 1980, un examen indépendant des dispositions de la LNE portant sur les heures de travail a été effectué A. Donner (président), « Working Times: The Report of the Ontario Task Force on Hours of Work and Overtime », Toronto, ministère du Travail de l’Ontario, 1987.
  • note de bas de page[552] Retour au paragraphe « En cinq ans, l’Ontario a entrepris deux révisions majeures de la Loi sur les relations de travail sans profiter toutefois d’études et d’analyses approfondies ni d’une consultation avec les deux parties du processus de négociation collective. Cette intervention politique à courte vue et partisane a créé, au détriment de tous, un climat d’incertitude, en plus d'accentuer les divisions au sein de la communauté des relations de travail, ce qui a engendré des effets négatifs sur la société et causé la perte d’occasions de collaboration en vue de relever les défis économiques du moment. » (Burkett,op. cit.) 18.