La XVI de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi a pour objet d’interdire aux employeurs et aux employeurs éventuels d’utiliser des détecteurs de mensonges à des fins de sélection du personnel. À cette fin, nul ne peut, directement ou indirectement, exiger, demander ou permettre qu’un employé se soumette à un test du détecteur de mensonges ni l’influencer à cet égard.

Le 25 octobre 1983, l’honorable Russell H. Ramsay, ministre du Travail de l’époque, a fourni les raisons suivantes dans son allocution lors de la deuxième lecture du projet de loi 86, Employment Standards Amendment Act, 1983, L.O. 1983, chap. 55, pour mettre en place ces dispositions législatives :

Article 68 – Définitions

L’article 68 a été modifié par la Loi de 2009 modifiant la Loi sur les normes d’emploi (agences de placement temporaire), L.O. 2009, chap. 9, qui est entrée en vigueur le 6 novembre 2009, afin d’y intégrer un renvoi à l’article 74.12 qui interdit aux clients des agences de placement temporaire d’exercer des représailles à l’égard des employés ponctuels de ces agences.

Cette disposition est semblable à l’article 46 de l’ancienne Loi sur les normes d’emploi. L’article 68 énonce des définitions améliorées des termes « employé » et « employeur » et la définition de « test du détecteur de mensonges », qui s’appliquent aux fins des dispositions suivantes de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi, y compris de la XVI, dans la mesure où y sont visées des questions concernant cette partie :

  • Partie XVII : Représailles
  • Article 74,12 : Interdiction au client d’exercer des représailles
  • Partie XXI : Application de la présente loi – ses responsables et leurs pouvoirs
  • Partie XXII : Plaintes et application
  • Partie XXIII : Révisions par la Commission
  • Partie XXIV : Recouvrement
  • Partie XXV : Infractions et poursuites
  • Partie XXVI : Dispositions diverses concernant la preuve
  • Partie XXVII : Règlements
  • Partie XXVIII : Disposition transitoire

Employé

La définition d’« employé » de l’article 68 élargit celle qui est énoncée au paragraphe 1 (1) de la Loi. Le paragraphe 1 (1) définit le terme « employé » de la façon suivante :

« personne » S’entend en outre d’un syndicat.

À l’article 68, en ce qui a trait aux questions concernant les « détecteurs de mensonges », la définition d’« employé » est élargie pour y inclure un candidat à un emploi, un agent de police et un candidat à un poste d’agent de police.

Employeur

La définition d’« employeur » de l’article 68 élargit de la même façon celle qui est énoncée au paragraphe 1 (1) de la Loi. Le paragraphe 1 (1) définit le terme « employeur » de la façon suivante :

À l’article 68, en ce qui a trait aux questions concernant les « détecteurs de mensonges », la définition d’« employeur » est élargie pour y inclure un employeur éventuel et un organisme responsable d’un corps de police (c.-à-d. une commission des services policiers).

Test du détecteur de mensonges

Le terme « détecteur de mensonges » est plus populaire que scientifique. Aucune machine ne « détecte littéralement les mensonges ». La définition énoncée dans la présente disposition comprend tout type de test utilisé ou réalisé à l’aide de tout type de dispositif, d’instrument ou de machine afin d’évaluer la crédibilité d’une personne ou prétendant l’évaluer.

Un « détecteur de mensonges » désigne couramment un polygraphe standard utilisé sur le terrain pour surveiller plusieurs variables physiologiques au moyen de stylos distincts enregistrant indépendamment certaines mesures sur une bande de papier en mouvement. La machine est reliée à quatre mesures de réaction « involontaire » ou « autonome » et en enregistre les variations. Elle ne mesure pas le mensonge. Elle indique plutôt les variations de réactions physiologiques sur lesquelles la personne qui subit le test n’a, en théorie du moins, aucun contrôle (Commission royale sur les pratiques de la Commission des services policiers du Toronto métropolitain, Report of the Royal Commission into Metropolitan Toronto Police Practices [Toronto : La Commission, 1976], au chapitre XXIII). Un « détecteur de mensonges » peut également inclure un « psychotensiomètre », c’est-à-dire un analyseur de stress vocal. Cet instrument est conçu pour enregistrer et mesurer les changements du niveau de stress d’une personne, comme en témoigne sa voix.

La définition de « test du détecteur de mensonges » ne comprend pas les dispositifs de surveillance qui sont utilisés pour observer les employés sans évaluer leur crédibilité ou qui ne prétendent pas l’évaluer. Autrement dit, il n’est pas interdit à un employeur de tester un employé en observant et en enregistrant ses actions. Il en est ainsi, même si cela comprend l’observation subreptice d’un employé au moyen d’un dispositif, puisque ce sont les actions de l’employé qui sont observées, plutôt que sa crédibilité relativement aux déclarations qu’il fait à propos de ses actions.

Article 69 – Droit de refuser

Cette disposition est semblable au paragraphe 47 (1) de l’ancienne Loi sur les normes d’emploi. L’article 69 établit que les employés, au sens de l’article 68 de la Loi de 2000 sur les normes d’emploi, ont le droit de ne pas se soumettre, de ne pas se faire demander de se soumettre ou de ne pas être tenu de se soumettre à un test du détecteur de mensonges.

La seule exception au droit de l’employé de ne pas se faire demander de se soumettre à un test du détecteur de mensonges est prévue à l’article 71 de cette partie, qui précise qu’un agent de police peut demander à quiconque de consentir et de se soumettre à un test du détecteur de mensonges administré pour le compte d’un corps de police de l’Ontario ou par l’un de ses membres dans le cadre d’une enquête relative à une infraction. Cependant, l’article 71 n’oblige nullement l’employé à se soumettre à un test du détecteur de mensonges administré pour le compte d’un corps de police ou par ce dernier.

Article 70 – Interdiction : test

Interdiction : test – paragraphe 70 (1)

Cette disposition est sensiblement la même que le paragraphe correspondant (paragraphe 47 [2]) de l’ancienne Loi sur les normes d’emploi. Le paragraphe 70 (1) interdit à quiconque (incluant ainsi un employeur ou un tiers), directement ou indirectement, de demander ou de permettre à un employé de se soumettre à un test du détecteur de mensonges, ou de l’exiger de lui ou de l’influencer à cet égard. Il est donc clair qu’il est également interdit à un service de sécurité, à une agence de recrutement ou à tout autre tiers de demander, que ce soit en son propre nom ou au nom d’un employeur, à un employé de se soumettre à un test du détecteur de mensonges, ou de l’exiger.

Selon ce paragraphe, nul ne peut même demander à un employé de se soumettre à un test (sous réserve uniquement de l’article 71) puisqu’une telle demande compromettrait le droit légal de l’employé de ne pas se soumettre à un test. Un refus de l’employé pourrait mettre en danger son emploi, de sorte que le consentement de l’employé pourrait ne pas être un « consentement libre ». Par conséquent, le droit d’un employé de ne pas se soumettre à un test pourrait être compromis.

De plus, en interdisant à quiconque de permettre, directement ou indirectement, à un employé de se soumettre à un test du détecteur de mensonges ou de l’influencer à cet égard, ce paragraphe interdit implicitement à toute personne de faire subir un test du détecteur de mensonges lorsque l’employé ne sait pas qu’il fait l’objet d’un examen. Par exemple, un employeur ne pourrait pas utiliser un analyseur de stress vocal durant un entretien téléphonique avec l’employé ou avec un enregistrement de la voix de ce dernier.

Interdiction : divulgation – paragraphe 70 (2)

Cette disposition est sensiblement la même que le paragraphe correspondant (paragraphe 47 [3]) de l’ancienne Loi sur les normes d’emploi. Le paragraphe 70 (2) protège l’employé en interdisant à toute personne, y compris l’employé, d’informer un employeur que l’employé s’est soumis à un test et de divulguer à un employeur les résultats du test.

Article 71 – Consentement au test

Cette disposition est sensiblement la même que l’article correspondant (article 49) de l’ancienne Loi sur les normes d’emploi. L’article 71 fait en sorte que le paragraphe 70 (1) n’ait pas pour effet d’empêcher un employé (ou toute autre personne) de se soumettre volontairement à un test du détecteur de mensonges administré pour le compte d’un corps de police de l’Ontario ou par ce dernier dans le cadre d’une enquête sur une infraction.

L’article 71 permet à un agent de police de demander à quiconque de se soumettre à un test du détecteur de mensonges administré pour le compte d’un corps de police de l’Ontario ou par un membre d’un tel corps dans le cadre d’une enquête sur une infraction. Bien que toute autre personne (y compris un employeur) puisse faire subir un test au nom de la police, la demande de se soumettre au test doit être présentée par un agent de police. Cependant, l’article 71 n’oblige nullement l’employé à se soumettre à un test du détecteur de mensonges administré pour le compte d’un corps de police ou par ce dernier.

En réponse à la prétention que l’article équivalent de l’ancienne Loi sur les normes d’emploi, soit article 49, ne concorde pas avec les autres dispositions, l’ancien procureur général Roy McMurtry, en s’appuyant sur le rapport de 1976 intitulé Report of the Royal Commission into the Metropolitan Police Practices, a déclaré ce qui suit :

Remarque : Les tribunaux au Canada ont largement refusé d’accepter la preuve du polygraphe. Toutefois, la Cour d’appel du Québec a statué dans la décision rendue dans l’affaire R. c. Béland, [1984] CA 443 (QCCA), que les résultats d’un test polygraphique sont admissibles comme preuve pertinente. Cette décision a fait l’objet d’un appel devant la Cour suprême du Canada et sa décision rendue dans l’affaire R. c. Béland, [1987] 2 RCS 398, 1987 CanLII 27 (CSC) a été publiée en 1987. La majorité des juges ont essentiellement exclu l’utilisation des résultats des tests du détecteur de mensonges comme preuve devant les tribunaux. Le juge McIntyre a déclaré ce qui suit dans la décision de la Cour suprême, soutenu par cinq des sept juges qui ont entendu l’affaire : « ... Le détecteur de mensonges n’a pas de place dans le processus judiciaire dans la mesure où l’on s’en sert pour déterminer ou vérifier la crédibilité de témoins. »